Lundi prochain, 30 janvier, le gouvernement annonce un plan de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations fondées sur l’origine. Au menu : systématiser les tests de discrimination à l’emploi, « développer des outils » avec les plateformes numériques et les influenceurs, activer le « mandat d’arrêt ». Selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, 1,2 million de personnes en France subissent chaque année des discriminations ou des abus racistes ou antisémites.
Ce plan 2023-2026 sera présenté en détail ce matin par la Première ministre Elisabeth Borne et la ministre de l’Egalité des chances Isabelle Rome, en présence de dix autres ministres, à l’Institut du monde arabe. Plusieurs secteurs sont concernés : de l’éducation à l’emploi, en passant par la justice et le sport. Au total, 80 fonds seront offerts.
« Nous luttons contre toutes les formes de haine et traquons toutes les formes de discrimination depuis plus de 5 ans », a déclaré à l’AFP Elisabeth Borne, ajoutant que ce plan devait « permettre de mieux nommer et mesurer » ces phénomènes, « de mieux éduquer et former, pour mieux sanctionner les auteurs qui sont des propos ou des actes inacceptables, et enfin, il est toujours préférable de soutenir les victimes. Ces dossiers sont le fruit de plusieurs mois de concertation entre le gouvernement – les discussions ont réuni quinze ministres – trente-cinq associations, représentants de lieux de mémoire, avec l’appui du Commissariat aux droits de l’homme, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine envers les LGBT .
Visite d’histoire, « renforcement » de la formation des enseignants…
Elisabeth Borne – dont le père juif a été déporté puis s’est suicidé lorsque sa fille avait 11 ans – prévoit dans ce plan « d’organiser une visite historique ou mémorielle liée au racisme, à l’antisémitisme ou à l’antitsiganisme pour chaque élève de l’école ». « Nous misons sur le pouvoir de la mémoire pour impliquer les jeunes dès leur plus jeune âge. Quand nous revenons de la colonie d’Izieu (dont 44 enfants juifs ont été déportés en 1944), nous ne sommes plus les mêmes », expliquait Isabelle Rome dans Le Parisien, samedi 29 janvier.
Il est également prévu de « renforcer » la formation des enseignants et des fonctionnaires en général (services de sécurité, agents d’accueil de Pôle Emploi, etc.), qui doit démarrer « dès le début de 2023 ». Selon Le Parisien, 40 millions d’euros seront consacrés à la première vague de formation de 731 000 agents cette année.
Discriminations à l’emploi : systématiser les « testings »
Parmi les actions phares, le plan prévoit également la « systématisation des tests de discrimination dans l’emploi » dans divers secteurs, privés et publics, en concertation avec les syndicats et les organisations et associations patronales. Le test consiste à soumettre deux CV identiques pour la même offre d’emploi, ne différant que par l’origine du candidat. Conformément à la « logique graduelle », si les mauvaises pratiques persistent, le gouvernement n’exclut pas les sanctions et recourt à la pratique du « name and shame », en publiant les noms d’entreprises peu vertueuses.
« La possibilité » d’émettre un « mandat d’arrêt »
L’exécutif veut inscrire dans le projet de loi la « possibilité » d’émettre un « mandat d’arrêt » en cas de « condamnation pour racisme ou antisémitisme », de « litige pour crime contre l’humanité » ou « d’apologie de crime contre l’humanité ou crimes de guerre ». Cela pourrait permettre l’exécution des peines « lorsque les auteurs condamnés envisagent de fuir à l’étranger ».
Selon les données du ministère de l’Intérieur, en 2019-2021, le nombre de crimes ou délits racistes a augmenté de 13 %. Cette année, « 7 721 cas à caractère raciste, antisémite ou xénophobe ont fait l’objet de poursuites judiciaires ». Au total, « 1 382 condamnations ont été prononcées pour des actes racistes, antisémites ou xénophobes ou commis dans cette circonstance aggravante ».
L’exécutif entend également créer des peines alourdies pour « les infractions non publiques à caractère raciste ou antisémite commises dans l’exercice de fonctions par des personnes exerçant l’autorité publique ou accomplissant une mission de service public ».
Sécuriser le dépôt de plainte
Comme pour les victimes de violences sexuelles, le gouvernement veut s’assurer qu’une plainte puisse être déposée. La police est incitée à mieux la collecter et la traiter grâce à « l’anonymisation partielle » ou « grille d’évaluation ». « Il y aura un tableur dans le logiciel de la police où l’on posera aux victimes les bonnes questions pour mieux caractériser le crime », a-t-elle annoncé dans Le Parisien.
Ce plan, qui fera l’objet d’un suivi semestriel, est le fruit d’une large concertation. Au niveau budgétaire, chaque ministère concerné a pris des engagements, mais l’enveloppe globale n’a pas été annoncée. Afin de « promouvoir la citoyenneté numérique », le plan envisage d’engager « les plateformes et les influenceurs à travailler ensemble pour développer des outils permettant d’améliorer le comportement des internautes ».
La plupart des mesures ne portent pas sur des dispositions législatives, mais elles seront inscrites « en tant qu’opportunités textuelles » le cas échéant, précise le gouvernement. En mars 2018, Édouard Philippe a dévoilé un précédent plan axé spécifiquement sur la lutte contre les contenus haineux en ligne. Il avait déjà prévu de renforcer la formation de « l’ensemble des personnels de l’éducation ». Enfin, en avril 2021, le gouvernement a organisé une vaste consultation citoyenne en ligne sur la lutte contre les discriminations.