Personnel médical réduit, personnel épuisé, manque de lits, admission de patients dans des conditions « inacceptables »… Une grande partie de l’équipe médicale des Urgences et du SAMU tient à alerter la population sur la situation préoccupante au centre hospitalier de Bastia.
Ils se disent « démoralisés, découragés ». L’été vient à peine de commencer, et la situation aux urgences est déjà très tendue, selon une partie des médecins des Urgences et du SAMU, réunis dans un collectif. Entre la recrudescence de l’épidémie de Covid et le grand nombre de touristes, les médecins se disent essoufflés et « très inquiets » pour la suite de l’été.
Les principaux griefs : « effectifs insuffisants, pas assez de personnel pour accueillir les patients », évalue le collectif.
« Certaines nuits, il n’y a que deux médecins aux urgences alors qu’il en faut quatre », déplore un membre du groupe des urgentistes et du SAMU de l’hôpital de Bastia, qui souhaite rester anonyme. « C’est dangereux. Cela crée des temps d’attente pour les patients et il y a un plus grand risque d’erreurs médicales. »
Outre le manque de personnel, l’équipe médicale dénonce également le manque de fonds pour la prise en charge des patients, qui deviendrait, selon eux, « inadmissible » aujourd’hui. Les chambres sont trop petites, trop exiguës, vétustes, négligées… La situation décrite par les soignants, alors que les urgences reçoivent de plus en plus de patients, est « préoccupante », selon eux.
« En début d’année, il y avait près de 90 passages par jour, soit 33% de plus que l’an dernier. Actuellement, on enregistre en moyenne 120 passages par jour. Surpeuplement avec toujours aussi peu de moyens », déplore le médecin.
Il n’y a pas de toilettes dans la plupart des salles de garde, il n’y a pas de rideaux dans le cabinet médical, nous devons les fabriquer nous-mêmes ainsi que des vêtements en papier. Les chambres ne sont pas climatisées
Si le personnel dénonce les espaces inadaptés, les médecins regrettent aussi qu’il n’y ait pas de salle dédiée à l’annonce des diagnostics graves et des décès aux patients et à leurs familles. « Ça devrait être un espace nécessaire en temps normal, les urgences c’est un endroit où on publie souvent de mauvaises nouvelles. Il devrait y avoir un endroit pour l’intimité. Là dans le coin du couloir on publie des nouvelles, ça rend la situation encore plus traumatisante. « , dénonce le médecin.
Pour le collectif, ces mauvaises conditions entraînent un excès de fatigue physique et morale pour le personnel médical déjà très épuisé par la crise du Covid. « Aujourd’hui, nous sommes inquiets et découragés. Nous avons l’impression que nous n’en sortirons pas » ; insistent les gardiens du collectif.
Des membres du collectif avec qui nous avons pu échanger nous confient ne plus reconnaître l’essence de leur métier. « On s’occupe des patients du mieux qu’on peut, on essaie, mais ce n’est jamais assez. Parfois, cela peut être considéré comme de la maltraitance. C’est mentalement difficile de laisser un 95 ans pleurer dans les couloirs pendant des années. veilleuse et c’est très frustrant quand on est soignant ».
La pétition reprenant la plupart de ces inquiétudes, signée par soixante-deux personnels soignants, dont vingt-sept médecins, a déjà été envoyée en mai à l’administration du CHU de Bastia ainsi qu’à l’Agence régionale de santé (ARS), mais les mesures proposées sont insuffisant selon le collectif. « Ils ont dit qu’ils avaient entendu les problèmes et qu’ils essaieraient d’améliorer les choses. Mais nous arrivons au cœur de l’été sans véritable solution. »
Dès lors, dans un souci de transparence et en l’absence de solutions concrètes pour pallier à cela, le collectif tient à alerter la population sur l’urgence de la situation. « Il faut que les gens comprennent pourquoi ils attendent si longtemps aux urgences. C’est important de rassurer la population, mais il faut aussi dire que les gens sur le terrain, les médecins, ne sont pas prêts à faire face à l’afflux de patients. … en cas d’urgence ».
De son côté, l’administration hospitalière se dit prête à rencontrer le collectif. « Je veux leur parler avant de répondre à la presse. On va essayer d’avancer ensemble et de trouver des solutions », nous dit Françoise Vesperini, directrice par intérim du centre hospitalier de Bastia.
Contactée, l’Agence régionale de santé (ARS) n’a pas encore répondu à nos sollicitations.
Le 28 juin, l’ARS a présenté son plan d’action pour la saison estivale, rappelant qu’avant de se rendre directement aux urgences, il faut appeler le numéro 116117.