Du jour au lendemain, après le rachat d’Elon Musk, les associations ont vu leur aide du programme caritatif Twitter suspendue. Tech&Co est allé à la rencontre de certains d’entre eux à San Francisco.

Costume noir, baskets bleues étincelantes et casquette vissée, Shaun Tai a l’habitude de parler aux journalistes. Dans la baie de San Francisco, Oakland montre les locaux de l’association Bridgegoo, installés dans un immense hangar tout équipé. Canapés, écrans, ordinateurs, tout est fait pour accueillir les étudiants qui souhaitent entrer dans le secteur technologique.

« Il y a quelques semaines, nous devions avoir une réunion au siège de Twitter qui a été annulée », glisse-t-il lors de la visite.

Car Bridgegood bénéficie depuis 2013 du programme Twitter for Good qui apporte une aide financière, humaine et matérielle à des associations. Le programme a été complètement arrêté après le rachat de Twitter par Elon Musk en octobre dernier, et Bridgegood fait partie des associations concernées.

Au plus fort de la situation, Shaun Tai, le co-fondateur de l’association, est arrivé chez Tesla, les voitures imaginées par Elon Musk.

Fondée en 2009, l’association a pour mission de fournir aux jeunes n’ayant pas accès au secteur technologique les compétences et les ressources dont ils ont besoin pour trouver un emploi dans la Silicon Valley. Pour ce faire, l’association organise par exemple des rencontres avec des collaborateurs de Twitter, dont des UX designers, pour échanger avec les étudiants et leur donner des conseils.

Visite annulée à la dernière minute

Tout a commencé en 2013 avec la transformation de Friday for Good en Twitter for Good. L’idée était que les employés de Twitter assistent aux ateliers de l’association deux ou trois fois par an. « Nous avons eu une excellente relation avec Twitter jusqu’à présent, des adhésions au conseil d’administration aux subventions monétaires en passant par les visites du siège social où nous avons emmené 20 à 40 étudiants », se souvient Shaun Tai.

Mais le 18 novembre, tout ne se passe pas comme prévu. « Nous étions ravis que nos étudiants viennent sur Twitter pour voir ce que c’est que de travailler dans une grande entreprise de technologie. La même semaine, nous avions un rendez-vous, ils nous ont envoyé un e-mail pour annuler notre réunion, en raison de ce qui se passe sur Twitter en ce moment, », se plaint le co-fondateur. Et pour cause, toute l’équipe de Twitter for Good a été licenciée.

Lorsqu’il a appris qu’Elon Musk voulait acheter Twitter, il a d’abord pensé que c’était une blague, « mais quand c’est devenu une réalité, je pense que nous n’étions pas sûrs de ce qui nous attendait et nous étions confus. Après l’acquisition, j’ai espérait que la même équipe avec laquelle nous travaillions resterait en place, mais malheureusement ce n’était pas le cas.

Il s’est immédiatement mis à la place des étudiants. Ces derniers n’ont jamais eu accès au monde de la technologie et comptaient vraiment sur une association comme Bridgegood pour les faire entrer dans ces entreprises.

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« Musk se concentre sur le produit et non sur la communauté »

Depuis l’annulation de l’événement en novembre, les équipes de Bridgegood n’ont plus aucun contact avec Twitter. « J’ai même récemment posté un tweet mentionnant Elon Musk », plaisante Shaun Tai. En vain.

Pour lui « Elon Musk se concentre plus sur le produit que sur la communauté » notamment sur celle qui entoure Twitter. « Si Elon Musk est un homme d’affaires, comment le convaincre qu’aider la communauté, avoir des voix diverses et d’autres perspectives est bon pour les affaires ? C’est mon objectif avec Bridegood. »

Shaun Tai souhaite poursuivre ce partenariat pour donner aux étudiants l’opportunité de découvrir les métiers de la tech. La conséquence n’est pas tant financière pour l’association, mais surtout elle indique le manque à gagner pour les bénéficiaires. « Des discussions avec les employés valent mieux qu’une aide monétaire car la technologie change tous les six mois. J’espère qu’Elon Musk ramènera le programme à ses fondamentaux pour le rendre encore meilleur », conclut Shaun Tai avec une pointe d’espoir.

“Nous n’avons jamais récupéré les clés des locaux”

Compass Family Services a vécu le même scénario. Sa mission est d’aider les familles sans-abri de San Francisco à trouver une situation stable. Les bureaux de Compass sont situés à deux pas du siège social de Twitter. Abbey Leonard, responsable de la communication de l’association, regrette la fin du programme Twitter for Good : « C’était un partenaire vraiment spécial, ce qui rend sa perte d’autant plus difficile. »

Depuis quatre ans, Twitter soutient Compass via un programme appelé NeighborNest. Grâce à ce partenariat, Twitter a fourni un espace comprenant des ordinateurs, un laboratoire informatique, une garderie et des salles de réunion. Les gens pouvaient venir participer à des cours d’informatique, imprimer des documents, accéder à Internet, mais aussi chercher un logement, un travail et bénéficier d’une aide.

Pendant la pandémie de 2020, Twitter a temporairement fermé l’espace. « Nous venions de passer un accord pour le rouvrir en novembre, seulement nous n’avons jamais récupéré les clés du club, et tout le projet est parti en fumée », se plaint le dirigeant. Le partenariat était matériel, humain, financier et administratif puisque Twitter était représenté au conseil d’administration de l’association.

Penser l’après

Quant à Twitter, Karl Robillard, le responsable du programme Twitter for Good, a également été congédié. L’association n’a donc plus aucun contact avec Twitter. « La RH à qui nous parlions est également partie. Nous ne saurions même pas à qui parler puisque tout le monde est parti. »

Le 14 novembre, comme tous les six mois, a lieu la spéciale Twitter for Good week. Dans ce cadre, Twitter organise des activités auprès de ses salariés et des bénévoles d’associations dont Compass. Cette édition était un peu particulière car organisée par d’anciens salariés de Twitter licenciés.

La fin de ce partenariat ne signifie pas la fin de l’association. La première semaine de décembre, Compass a organisé une collecte de jouets pour les familles bénéficiaires. Le nombre de dons a largement dépassé les espérances de l’association : « nous sommes vraiment reconnaissants, les enfants seront ravis », s’enthousiasme la responsable.