Enquête Plus de 11 000 TER ont été supprimés dans la région en 2022. Ici, comme ailleurs en France, le système ferroviaire, divisé en plusieurs entreprises publiques, ne semble pas englué dans la bureaucratie et sous-financé, peut répondre aux attentes des usagers. Et encore moins pour relever le défi du réchauffement climatique.

La France qui se lève tôt et arrive tard, la France des trains à l’arrêt. Sur les écrans bleus des gares SNCF des Hauts-de-France, deuxième région ferroviaire du pays (selon le nombre de voyageurs quotidiens), il y a des trains express régionaux (TER) qui n’existent plus car supprimés , la veille ou le jour même, faute de chauffeurs, de gérants ou de matériel. « Effacer »; « Effacer »; « Effacer ».

Dans les gares d’Amiens, d’Arras, de Béthune (Pas-de-Calais), de Beauvais, de Creil (Oise), de Lille ou d’Hazebrouck (Nord), devenues halles des pas perdus, des heures de vol et des appels téléphoniques gênants pour éviter les retards, il y a ‘ r une scène se répète, matin, midi et soir, à une dose qui épuise le corps social et montre la fragilité du service public du train, à savoir les petites lignes et les trajets quotidiens.

« Le progrès n’a de valeur que s’il est partagé par tous », promettait le slogan de la Société nationale des chemins de fer à la fin du XXe siècle, lorsqu’elle brillait en misant toute sa communication et ses fonds sur les TGV.

Sur les huit premiers mois de l’année, 11.241 TER ont été supprimés au dernier moment dans les Hauts-de-France, selon les données recueillies par Le Monde, contre 7.385 sur la même période en 2021 et 4.797 en 2019, avant le Covid-19. Une augmentation de 134 %, en trois ans, du nombre d’annulations : d’Amiens à Paris, qui peut transporter un millier de passagers à chaque trajet ; Creil-Paris, rempli de femmes de ménage chargées de nettoyer les immeubles des grandes entreprises parisiennes ; Valenciennes-Lille bourré de lycéens ; Creil-Beauvais avec des salariés et ouvriers payés au SMIC ; Lens-Arras; de Calais-Lille.

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La France aime se regarder dans le miroir du TGV ou de l’Airbus. Mais son visage se dessine aussi sur les écrans bleus du TER. Emprunter ces lignes, dans une région où l’extrême droite obtient des scores très élevés, c’est entendre un flot de critiques, entre résignation et colère froide, un sentiment de récession et d’abus, face aux annulations, aux retards et au manque de transparence.

Romée Gobert, psychologue de 63 ans, lui offre très gentiment la place suivante dans le train « 7h04 Paris-Amiens », à bord d’une rame construite au milieu des années 1970 : « Tu vas travailler, tu es pas sûre de rentrer chez elle, résume-t-elle. On ne sait jamais à quelle heure on va arriver quelque part. Je désespère car, avec le réchauffement climatique, on marche à reculons. »

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