Est-ce la fin d’une période bénie durant laquelle les individus pouvaient s’endetter presque gratuitement pour accéder à la propriété ? Ou la hausse des taux d’intérêt contribuera-t-elle à dégonfler les prix de l’immobilier qui avaient culminé depuis la crise financière de 2008 ? Ce qui est certain, c’est qu’avec le resserrement de la politique monétaire de la BCE, qui a annoncé jeudi 27 octobre une nouvelle hausse des taux d’intérêt de 0,75 point de pourcentage, la situation de l’immobilier est en train de changer, plus vite qu’on ne l’aurait imaginé.

En moins de six mois, les taux d’emprunt, toutes durées confondues, sont passés de 1,3 à 1,9% en moyenne en septembre, selon les derniers chiffres de l’Observatoire du crédit logement CSA. Un niveau qui n’avait plus été atteint depuis début 2016. Si l’on en croit les courtiers, qui voient les propositions des banques plusieurs semaines avant qu’elles ne soient signées, les offres, hors assurance, graviteraient plutôt autour de 2,5 %, et pourrait atteindre 3 % d’ici l’automne prochain.

Des conditions d’emprunt plus compliquées

De quoi gripper la belle machine immobilière qui s’était déclenchée ces dernières années grâce à la baisse des taux. Pour donner un ordre de grandeur : fin 2021, un acquéreur souhaitant acquérir un bien de 250 000 € sur vingt-cinq ans devait s’acquitter d’une mensualité de 950 €, contre 1 120 € pour un prêt qui serait proposé aujourd’hui , soit une perte de pouvoir d’achat immobilier d’environ 50 000 €. Une perte toutefois partiellement compensée par la hausse des revenus.

L’accès au marché s’est donc compliqué, entraînant l’exclusion de nombreux acteurs. Selon l’Observatoire du crédit, le nombre de crédits immobiliers a baissé de 32% sur un an en août et septembre. Accusée d’être aveugle à la situation, la Banque de France évoque pour sa part une baisse plus relative, de l’ordre de 20% entre mai et août. « Cette production de crédit est proche de la moyenne quinquennale (20,3 milliards), reflétant le processus de normalisation en cours », a récemment expliqué l’institution dans un communiqué.

Réforme du taux d’usure

Pour donner un nouveau souffle au marché, les courtiers plaident depuis des mois pour une réforme du taux d’usure, légalement défini comme le taux maximum auquel les banques peuvent prêter. Calculé une fois par trimestre par la Banque de France, sur la base de la moyenne des trois derniers mois, ce dernier a été revalorisé le 1er octobre dernier, à 3,03 %. Mais, de l’avis de plusieurs courtiers, l’effet ciseau serait de nouveau à l’œuvre. « Avec les banques qui se refinancent sur les marchés à 3%, certaines d’entre elles refusent désormais de traiter avec des courtiers pour ne traiter qu’avec leurs clients », témoigne Maël Bernier, porte-parole de Meilleurstaux.

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En début de semaine, le ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein, a indiqué sur BFMTV qu’il rencontrerait prochainement François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, à ce sujet. Parmi les pistes envisagées, celle d’exclure les primes d’assurance emprunteur du taux d’usure, ou le passage d’un recalage trimestriel à un recalage mensuel. Mais jusqu’à présent l’institution s’est toujours fermement opposée à un tel scénario, estimant qu’une augmentation du taux d’usure finirait par désavantager les emprunteurs. Grâce à cette sauvegarde légale, les taux immobiliers français ont également augmenté presque deux fois moins vite que dans le reste de la zone euro.

Vers une baisse des prix de l’immobilier ?

Au fond, toute la question est aussi de savoir comment le marché réagira à cette hausse des taux. Les prix de l’immobilier vont-ils s’effondrer, comme certains s’y attendent ? Maël Bernier n’y croit pas. « Pour qu’il y ait une baisse des prix, il faudrait que les propriétaires commencent à vendre massivement leurs propriétés. Mais en France, où les propriétaires sont endettés à taux fixe, la plupart d’entre eux ayant bénéficié de taux très avantageux au cours de la dernière décennie, il n’y a aucune raison pour que ce scénario se produise », estime-t-elle.

Pour l’instant, les chiffres lui donnent plutôt raison. Malgré la hausse des tarifs, les prix n’ont pas vraiment commencé à baisser, sauf à Paris, où l’on observe une légère baisse depuis la crise sanitaire. Ces dernières semaines, les professionnels de l’immobilier s’interrogent sur la question de savoir si le prix moyen dans la capitale est déjà passé sous la barre des 10 000 € le mètre carré.

Sur l’ensemble de la France, les prix auraient encore augmenté de 0,3% en septembre, selon le baromètre Best Agents, les transactions restant à des niveaux élevés. Néanmoins, même s’il n’y a pas eu d’effondrement du marché, l’époque bénie où les propriétaires pouvaient bénéficier de merveilleuses plus-values ​​sur leur propriété semble bel et bien révolue.