♥♥♥ Le Sixième Enfant

Comédie dramatique française de Léopold Legrand, avec Judith Chemla, Sara Giraudeau, Benjamin Lavernhe et Damien Bonnard (1h32).

Ce que la loi condamne, la traite des êtres humains, le cinéma, un temps, la favorise. Ou deux couples, socialement désagréables. Franck (Damien Bonnard), ferrailleur, vit avec sa femme, Meriem (Judith Chemla), et leurs cinq enfants dans une caravane, plantée sur un terrain vague. Julien (Benjamin Lavernhe) et Anna (Sara Giraudeau) sont avocats : la première est chargée de défendre Franck, après une dispute qui a mal tourné, la seconde est dans l’impossibilité d’avoir des enfants. Lorsque Meriem annonce qu’elle est enceinte d’un sixième enfant, elle et son mari, qui n’ont pas les moyens financiers de le garder, proposent aux avocats de le leur vendre. Sur le papier, le récit manichéen de cette transaction douteuse frise la caricature. A l’écran, par la puissance d’un excellent quatuor d’interprètes, un rythme thriller et une image sans concession, c’est prenant. Pas étonnant que ce premier long métrage ait reçu quatre prix au festival d’Angoulême. Jérôme Garcin

Sans filtre

Comédie dramatique suédoise de Ruben Östlund, avec Harris Dickinson, Charlbi Dean, Woody Harrelson (2h29).

♥♥♥ Confus et poilu. C’est la grande qualité de ce film où les passagers d’une croisière de luxe se retrouvent transformés en naufragés sur une île probablement déserte. C’est amusant de voir le jeune couple à la mode (beau mec, belle fille) se crier dessus par-dessus le kopek. C’est marrant de voir le capitaine du yacht se saouler. Voir le bateau envahi par la merde des latrines pendant la tempête est inoubliable. C’est un régal de voir des bourgeois stupides décider de jouer à Robinson Crusoé et essayer d’allumer un feu. Voir la femme de ménage asiatique devenir le capo propre et coriace de cette bande de bons à rien est un frisson. On ne vous dit pas la fin d’un cynisme à faire pâlir Swift et ses partisans. Ruben Östlund, réalisateur de « Snow Therapy » (2014) et « The Square » (2017), est un cinéaste hors-champ qui ne filme jamais ce qu’on attend de lui et qui aime les déraillements. Son humour, tendance Wolinski, est parfois déroutant, mais le talent du cinéaste éclate à chaque scène : l’image est constamment chargée d’orage. Nous attendons la tempête. Elle arrive, elle arrive… Et c’est charmant. François Forestier

Cinquante ans après « La Grande Bouffe », le coup de gueule de Marco Ferreri sur la société à la surconsommation et l’indécence des classes dominantes, le Suédois Ruben Östlund bousille notre époque avec des mannequins influenceurs et débiteurs de milliardaires. Il récupère quelques spécimens sur un yacht de luxe, bientôt submergé par leur merde, puis sur une île déserte. « Titanic » et « Koh-Lanta » comme décor du désastre de la classe : sur le papier c’est malin, à l’écran c’est douloureux. Si monotone et emphatique dans sa satire, si satisfait de son regard pince-sans-rire, où la répulsion rivalise avec le cynisme. Östlund, marionnettiste à mitaines de marionnettes inarticulées aux prétentions d’anthropologue moraliste, avait un certain talent, à l’époque de « Snow Therapy », pour créer un malaise à partir de situations quotidiennes qu’il amplifiait et nourrissait de nos petites bizarreries et de nos grosses lâchetés. Puis il y a eu « The Square », sa première Palme d’or et son premier pas vers la complaisance pubarde. De sa comédie de gêne ne subsiste que la maladresse d’un film peu comique, formellement aussi creux et glissant que ses personnages. Après « La Grande Bouffe », la petite « gerbouille »… Nicolas Schaller

♥♥ La Cour des miracles

Comédie française de Hakim Zouhani et Carine May, avec Rachida Brakni, Anaïde Rozam, Sérigne M’Baye (Disiz) (1h34).

« T’inquiète pas, ça ira », répète Zahia (Rachida Brakni), directrice de l’école élémentaire Jacques-Prévert à Aubervilliers, comme un mantra, abandonné par les pouvoirs publics. Comment survivre quand tous les fonds sont dirigés vers l’ouverture prochaine d’un nouvel établissement moderne et bio ? Peut-être devenir la première « école verte » de banlieue. Ça, entre deux bars HLM, sans argent et avec des professeurs recrutés sur le tas, ce n’est pas gagné. Ou quand la gentrification du Grand Paris, au lieu du progrès social, conduit à un appauvrissement accru de certaines villes. Signée par une ancienne maîtresse des écoles et fidèle du milieu associatif, cette comédie citoyenne, pudique et chaleureuse, prône la diversité, même entre acteurs (l’Instagrammeuse Anaïde Rozam, le rappeur Disiz la Peste, Gilbert Melki), et fait son boulot dans son absence de miracles. N. S.

♥♥ Le soleil de trop près

Drame français de Brieuc Carnaille, avec Clément Roussier, Marine Vacth (1h30).

Récemment sorti de l’hôpital psychiatrique, Simon rêve d’une vie sans histoire avec une femme qui l’aimerait et sa sœur qui continuerait à le soigner. Mais le prix de la normalité s’avère rapidement plus cher à payer qu’il ne le pensait. Après une première partie surréaliste pleine de non-dits, où le fantastique s’ajoute à la pathologie du héros, le film semble privilégier une histoire classique sur la sémiologie de la schizophrénie. Malheureusement. Reste à saluer l’audace du réalisateur et la performance de l’impressionnant Clément Roussier. Xavier Leherpeur

Vacances

Drame français de Béatrice de Staël et Léo Wolfenstein, avec Géraldine Nakache, Andranic Manet (1h45).

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Mère débordée, épouse délaissée, Marie part en vacances avec ses enfants. Un soir, elle a une mauvaise rencontre. Son destin bascule tragiquement. Après avoir bien chargé l’héroïne martyre (dépression latente, alcoolisme), le co-réalisateur et co-scénariste l’a ensuite laissée patauger dans un magma dramatique. D’où elle l’éradique in extremis lors d’une séquence de dissolution au militantisme féministe très maladroit et vengeur. La mise en scène insistante ajoute une couche dont on pourrait se passer. Il est important de condamner la violence contre les femmes. Mais un peu de retenue ne se dément pas. XL

♥ Jumeaux mais pas trop

Comédie française d’Olivier Ducray et Wilfried Meance, avec Ahmed Sylla, Bertrand Usclat, Pauline Clément (1h30).

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Deux types opposés en tout, jusque dans la couleur de leur peau, découvrent qu’ils sont jumeaux. Un concept de comédie imparable, exploité à plusieurs reprises par Hollywood, une fois de plus sacrifié sur l’autel de la médiocrité cathodique. Les comédiens sont bons, du duo Ahmed Sylla-Bertrand Usclat (« Broute » granulés nets) aux seconds rôles (Jean-Luc Bideau, Gérard Jugnot, Claude Perron), mais tétanisés par la douceur de la satire et la mièvrerie de celle-ci . énième téléfilm déguisé en sortie en salles. Et si les retrouvailles des deux frères Angoumois – un électricien noir et un candidat républicain bourgeois blanc aux législatives – évitent les clichés racistes du « Qu’avons-nous fait à Dieu ? », il est partisan d’une représentation artificielle fédératrice. N. S.

♥♥ Dealer

Drame belge de Jeroen Perceval, avec Veerle Baetens, Sverre Rous, Ben Segers (1h44).

L’amitié inattendue entre un comédien célèbre un peu perdu et son dealer de coke, un garçon de 14 ans. Thriller classique, récit moral d’une possible rédemption, regard pointu sur la lutte des classes paralysante, reportage sur l’addiction ? Un peu de tout ça. Premier film de Jeroen Perceval, l’acteur de « Les Ardennes » et de « Borgman », cette sombre histoire se déroulant à Anvers démontre une belle maîtrise des codes du noir : scénario serré et excellent rythme. Et le jeune Sverre Rous est une révélation. F.F.

♥♥ Poppy Field

Thriller roumain d’Eugen Jebeleanu, avec Conrad Mericoffer, Alexandru Potocean, Radouan Leflahi (1h21).

Cristi, un jeune policier de Bucarest, intervient dans un cinéma où des fascistes homophobes attaquent un film lesbien. Le problème est qu’il est lui-même homosexuel, en secret, et qu’il risque d’être condamné – dans une société roumaine intolérante. Il est alors confronté à ses propres préoccupations. Ce premier film d’un metteur en scène de théâtre est pointu, parfois handicapé par un manque de moyens. Mais la violence de la situation et le pouvoir de l’interprétation l’emportent. C’est court, simple, direct et fort. F.F.

♥♥ Superasticot

Dessin animé britannique de Sarah Scrimgeour et Jac Hamman, avec les voix de Valérie Muzzi et Michel Hinderyckx (40 min).

Supermaggot, un super-héros rampant et bienveillant, est capturé par le tristement célèbre magicien Saurian. Aujourd’hui, le jardin tremble devant les dangers dont il était jusque-là protégé. Un premier film signé par les artistes du studio qui a produit « Zébulon le Dragon » et « la Baleine et l’Escargot ». Cela signifie que nous y allons en toute confiance. L’humour est typiquement britannique, avec des citations de deuxième année et de parodie. La narration est versifiée (savoureuse !) et l’animation en stop motion donne une touche vintage joyeuse. Tonifiant, tendre et respectueux de l’environnement. XL

♥♥ Poulet Frites

Semi-documentaire belge de Jean Libon et Yves Hinant (1h40).

Art ou cochon ? demandent les deux réalisateurs. On hésite : sommes-nous dans un documentaire sur la traque policière d’un meurtrier, avec tous les détails bureaucratiques, les hésitations, les humeurs de la police ? Ou dans une fiction réaliste, orientée reportage ? Dans la lignée de l’émission télé « Strip Tease », les deux cinéastes suivent l’enquête d’une prostituée assassinée et en profitent pour s’amuser sur un morceau important en Belgique, la frite. Le commissaire Lemoine et ses pieds nickelés suivent l’affaire, et nous aussi. C’est joyeux, absurde (tendance Groland), inattendu. Pour les fans d’humour belge. F.F.

C’est raté : The Woman King

Fresque historique américaine de Gina Prince-Bythewood, avec Viola Davis, Thuso Mbedu (2h20).

Dans une Afrique pittoresque et colorée du début du XIXe siècle, où tout le monde parle anglais (on ne va pas embêter le public avec un dialecte local), une armée de femmes entre dans la lutte contre les esclavagistes. Dès sa première semaine d’exploitation, cette « female queen » a tout raflé au box-office américain. Le succès n’est pas si surprenant puisque cette production joue la carte de l’opportunisme communautaire. Appréciation sans réserve des résistants noirs, féminisme discutable (ils se battent comme des garçons ! sic) ou encore caricatures de mauvais blancs (le seul qui échappe à ce systématisme est un métis !!). Plus contre-productif, tu meurs. Côté scénario, le film vise avec de grands raccourcis la traite des Noirs pour unir film historique, politique et épique. A ce fardeau pas léger viennent se greffer les clichés les plus éculés des feuilletons télévisés dans le but espéré d’attendrir le public. Petite fille née d’un viol, perdue puis retrouvée (ramenant ainsi notre amazone guerrière à l’état de mère !!), d’amours interdites et sacrifiées… un abus souvent ridicule qui continue d’alourdir le scénario au point de pas – retour. La ligne est franchie par la mise en scène qui oscille entre représentation type MJC du Roi Lion et clips brisés de Rihanna. Une réalisation en mode pachyderme, qui privilégie la lourdeur démonstrative à toute idée de souplesse. XL

À LIRE

♥♥♥ « Générique. La vraie histoire des films »

Par Philippe Garnier. Serment. Jokers, trois tomes d’environ 360 pages. et 20 euros chacun.

Depuis quarante ans, Philippe Garnier, journaliste à L.A., fouille dans les archives des studios hollywoodiens, retraçant le cinéma devenu iconique. C’est passionnant, et ces volumes richement illustrés (avec des photos inconnues) se divisent en trois parties : « 1940-49 » (Preston Sturges, Edward Small, Howard Hawks) ; « 1950-59 » (Richard Fleischer, Anthony Mann, Charles Laughton); « 1962-77 » (Richard Brooks, Don Siegel, Richard Sarafian). La richesse, la précision, l’amour du cinéma, tout y est. F.F.

FESTIVAL : La Conscience dans tous ses états

Depuis les années 1960 et l’avènement d’un cinéma orienté vers la connaissance de soi, les réalisateurs ont exploré le champ de la conscience, avec l’instrument de la caméra (que certains ont comparé à un outil d’hypnose). A partir du vendredi 7 jusqu’au dimanche 9 octobre, sept rendez-vous conférences au cinéma Club de l’Étoile (14 rue Troyon, 75017 Paris, 01.43.80.73.69, métro Charles de Gaulle Étoile) aborderont les thèmes de l’éveil, de la présence, de la connexion, de la médiumnité, de la méditation . Vaste programme autour de films, dont « Eo » de Jerzy Skolimowski, « Descendant la montagne, Exploration de champignons et méditation », de Maart Je Nevejan, « Going Bath » de Swann et Zen & Sounds, et « Ayahuascan Kosmik Journey » de Jan Kounen (en réalité virtuelle). Ateliers, débats, conférences, livres, rencontres avec Sabine Mahieu (communication animale), Kevin Finel (hypnose ericksonienne), Geneviève Delpech (artiste et médium), José Le Roy (méditation et éveil), Arouna Lipschitz (développement rationnel).

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