ReportageStation-service, bureau de tabac, animalerie, épicerie… Ces milliers de magasins, qui entremêlent le territoire et permettent aux clients de récupérer leurs achats sur Internet, dessinent aussi les contours d’une économie inventive.
Le magasin s’appelle Yoyo et est situé à Conches-en-Ouche dans l’Eure. Depuis vingt ans, sa vitrine promet : « Hommes femmes, chaussures et accessoires ». Trois clients attendent à la caisse. Étrangement, rien dans leurs mains, juste le téléphone dans leurs mains. La vendeuse disparaît dans l’arrière-boutique. Elle revient chargée de cartons et de paquets mous, de colis. Des vêtements d’occasion achetés sur Vinted ? Des vêtements achetés à bas prix sur le site chinois ? Nulle part mieux qu’à ces points relais il n’est possible d’observer d’aussi près le sort de ces petits commerçants qui doivent survivre pour transporter les colis de ceux qui les enterrent. Dans le monde du e-commerce, c’est ce qu’on appelle le problème du « dernier kilomètre ». Vous pouvez avoir la plateforme en ligne la plus sophistiquée au monde, avec des algorithmes intelligents et des entrepôts robotisés, s’il n’y a personne pour prendre votre colis, cette compétence est inutile.
Partout en France, pressings, opticiens, magasins de chaussures se sont peu à peu transformés en bureaux de poste, et c’est une spécialité française. En Allemagne, vous récupérez votre colis au casier ; aux USA, avec son voisin. En France, on va chez un caviste ou chez un réparateur de smartphone, parfois même chez celui qui fabrique, vend ou répare ce que contient le colis.
Depuis peu, nous nous sommes habitués aux boîtes occupant les étagères du coin de la buanderie ou du magasin. Mais pour de nombreux commerçants, ce n’est pas nouveau. La station-service Avia à Fleurance (Gers) traite les colis depuis une vingtaine d’années. A l’époque c’étaient ceux de 3Suisses. Une dizaine par jour arrivait et les clients avaient les cheveux blancs. Aujourd’hui, Annie en reçoit une centaine par jour, trois fois plus pendant les vacances, ce qui attire une clientèle plus jeune, des gens qui ne savaient pas forcément qu’elle vendait aussi de l’épicerie ou des pneus réparés.
Quand 3Suisses et La Redoute ont développé leurs filiales logistiques au début des années 1980 pour éviter les grèves de La Poste. Sogep-Relais Colis devient alors une filiale de La Redoute et promet un « chrono » de quarante-huit puis vingt-quatre heures, tandis que le Mondial Relay est développé pour les 3Suisses. Depuis, l’habitude de commander par correspondance s’est installée : Mondial Relay compte désormais 11 000 points relais contre 6 500 pour Relais Colis et 16 000 pour Pickup, le réseau de La Poste.
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