Et si Jonathan Franzen était le meilleur écrivain français d’aujourd’hui ? Le romancier américain, né en 1959, dans son nouveau livre ne cesse de faire allusion à nos stars littéraires : Camus, Sartre, Colette, Maupassant. Il ne s’assied pas sur le divan du naturalisme. Ça roule là. Il n’explore pas la réalité, il l’épuise. Franzen a même annoncé que « Crossroads » avec un bon kilo de papier n’est que le premier tome de la nouvelle trilogie.

Là, il ravive la révolution hippie dans une petite communauté religieuse d’une banlieue cossue de Chicago. Le pasteur « First Reformed » Russ Hildebrandt est un favori des jeunes de Crossroads, une association de bénévoles qui prêchent la bonne parole sous l’autorité de Rick Ambrose, le nouveau collègue de Russ qui, contrairement à son aîné, fait l’unanimité pour. Russ est trop attaché à la lettre de l’Evangile quand Rick se contente d’un discours creux, mais moins rébarbatif, la défense de l’amour universel. D’une parfaite maîtrise narrative, Franzen multiplie les personnages secondaires autour de Russ, à commencer par Marion, sa femme qu’il ne sait plus aimer, et Frances, la nouvelle recrue des « Premiers réformés », une jolie fille avec qui il flirte. savoir où il met les pieds.

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Ampleur, précision, richesse, finesse, intelligence…

Ce n’est pas un hasard si, comme « Corrections », le livre qui a rendu Franzen célèbre il y a vingt ans, « Crossroads » commence la veille de Noël. Avec toujours au menu la question à laquelle semble répondre chacun de ses livres : qu’est-ce que la famille américaine ? Paradoxe : en racontant le parcours des enfants Russ, en explorant les moindres recoins de leur personnalité, en creusant les crevasses de leur psychologie pour révéler leurs moindres secrets, Franzen pousse le réalisme presque jusqu’à la limite de l’abstraction. Perry, un morveux doué qui n’hésite pas à joindre les deux bouts en vendant de l’herbe ; Becky, une belle fille encore vierge qui est amoureuse d’un mec cool de la communauté ; ou Clem, un garçon indécis qui pourrait décider d’aller au Vietnam.

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Si la lecture d’un livre peut parfois s’apparenter à du parachutisme sans parachute, avec son long développement et son abondance de détails, à la fin du parcours vous ne pourrez en admirer l’ampleur et la précision, la richesse et la finesse, le souffle et l’intelligence. Balzac, reviens, Franzen est encore plus fou que toi !

Jonathan Franzen : « La planète est complètement foutue, et nous aussi » Crossroads, Jonathan Franzen, traduit de l’anglais (USA) par Olivier Deparis, L’Olivier, 706 pp., 26 euros.