La semaine dernière, le Covars (Comité de surveillance et de prévision des risques sanitaires) a rendu son premier avis. Dans celle-ci, des experts expliquent notamment que la situation sanitaire est sous contrôle, mais s’inquiètent de la croissance rapide de la sous-option Omicron BQ.1.1. Cependant, ce n’est pas pour cela que le rapport de la Commission a fait sensation.
Sur les réseaux sociaux, il s’agit d’une pièce très précise qui a ensuite été largement plébiscitée. À la page 12, un paragraphe explique : « Il y a aussi un débat scientifique sur la question de savoir si les symptômes peuvent être attribués au SRAS-CoV-2 ou à un autre déclencheur. Les travaux de recherche sur le « Long Covid » doivent permettre de mieux appréhender la complexité globale des syndromes post-infectieux pour améliorer la prise en charge de ces troubles dits « fonctionnels » mal connus et mal étudiés. Pour de nombreux internautes, qualifier la maladie de « trouble fonctionnel » reviendrait à la qualifier de psychosomatique. Mais peut-on vraiment dire que longtemps le Covid se « fait » uniquement dans la tête ?
FAKE OFF
Par définition, les troubles fonctionnels sont des maladies qui n’ont pas de support pour les lésions. Chez les patients intéressés, les médecins ne trouveront pas le soi-disant troubles organiques pour ensuite se tourner vers les troubles psychosomatiques. Sauf que depuis longtemps le Covid est bien plus complexe que de dire « tout est dans la tête ».
Santé Publique France estime que 2 millions de personnes souffrent de symptômes à long terme après avoir été infectées pour la première fois par le Covid-19. Troubles de la concentration, de la mémoire, de la digestion, voire problèmes respiratoires… On sait désormais que le Covid long prend de nombreuses formes.
Le 26 octobre, après la publication par Covars de son avis, l’association AprèsJ20 – un regroupement de patients atteints depuis longtemps de Covid – a directement réagi à l’utilisation du terme « trouble fonctionnel » qui n’aurait aucun fondement scientifique. « Pendant plus d’un an et demi, ces symptômes prolongés ont été appelés « d’après les séquelles aiguës du Covid ». Elles sont décrites sous l’acronyme PaSC en anglais (Post-acute Sequelae of COVID-19) ou alternativement « Long Covid » dans plusieurs milliers d’études », lit-on dans le communiqué. Un porte-parole de l’association, Matthieu Lestage, joint par 20 Minutes, déplore la large « minimisation » des symptômes par les experts scientifiques lors de ce premier avis.
🔴📩📢 Dans son premier avis, le conseil scientifique gouvernemental #COVARS, dont la mission est de travailler sur les enjeux de prédiction et de prévention des crises sanitaires et de leurs effets sur la population, associe à la maladie #CovidLong, le 1/👇👇#après J20 pic .twitter.com/N8aqio4q36
« Complexes et mal compris »
Du côté de Covars, le frère cadet disparu du Conseil scientifique, on préfère d’emblée émettre des doutes sur d’éventuelles confusions. Dans un e-mail envoyé à l’association de patients, la présidente du Conseil Brigitte Autran a expliqué son point de vue : « Cela ne veut pas dire que nous considérons ces troubles comme « fonctionnels » mais, au contraire, nous les considérons comme complexes et mal connus. Nous préconisons la recherche et une meilleure prise en charge de ces troubles, parfois qualifiés de « fonctionnels » mais qui restent mal connus et peu étudiés. »
A près de 20 minutes, Brigitte Autran précise également : « Le terme « fonctionnel » désigne généralement un ensemble de troubles mal définis en médecine, dont la cause est inconnue, mais qui peuvent comprendre, entre autres, troubles dits psychosomatiques ». Comprenez : cela peut être dans votre tête, mais cela peut aussi être autre chose.
La France en retard dans la recherche
Les longues recherches sur Covid font encore défaut, selon les Covars. « Bien sûr, nous avons analysé les travaux déjà publiés sur ce sujet, mais ils ne permettent pas encore d’apporter une base scientifique et médicale à ces troubles ni d’ouvrir une perspective thérapeutique. Il faut continuer à travailler en France et dans le monde. Il existe un consensus international sur cette question, affirme le président du Conseil.
De son côté, l’association assure que de nombreuses recherches ont été menées à l’étranger, où le caractère psychosomatique n’a pas été autant mis en avant. « C’est l’exception française », regrette Slovan, le chef du département scientifique de l’association, chargé de superviser les recherches sur le sujet. Selon notre interlocuteur, cette thèse du long Covid psychosomatique reste marginale dans la littérature. « Ce n’est que 0,5 % des revues que je fais, et c’est toujours la même équipe de chercheurs français. »
La même équipe qui a publié l’étude dans la revue médicale JAMA Internal Medicine début novembre. Leur hypothèse ? Les symptômes du long Covid seraient plus liés à la croyance que quelqu’un a été infecté par la maladie qu’au fait qu’il a effectivement été infecté. Mais l’étude a été rapidement critiquée par les professionnels de santé, notamment pour son échantillonnage. « Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une erreur méthodologique et éthique. Les tests n’ont pas été inclus dans l’étude, mais ont en fait été effectués sur les participants », explique Slovan d’AprèsJ20. Et il y a quelques semaines, l’ANRS a lancé son programme long de recherche sur le Covid et les travaux se poursuivent.
Davantage de discussions avec les malades
Suite à la publication de Covars, les patients atteints de Covid au long cours regrettent également de ne pas être plus impliqués dans les discussions avec le comité scientifique. À l’avenir, ils espèrent être de nouveau inclus dans les débats, comme lors de la crise sanitaire. « Lorsque la Covid Long Task Force existait encore, nous étions engagés dans des discussions. Nous avons pu présenter nos idées et recevoir des commentaires. On attend la même chose de Covars : écouter et ne pas le laisser seul », espère Matthieu Lestage.
Pour AprèsJ20, l’argument ‘trouble fonctionnel’ n’est plus recevable et ajoute même un problème au problème. « Aujourd’hui, nous avons une liste de 203 symptômes qui affectent nécessairement l’esprit. Mais ce n’est en aucun cas une maladie psychosomatique, c’est physiopathologique », précise Matthieu Lestage, qui assure que le long Covid affecte nécessairement sa santé mentale aujourd’hui. « Ma vie s’est arrêtée il y a vingt-quatre mois et elle s’est arrêtée », a-t-il déclaré. Imaginez tout ce qui nous arrive soudainement au coin de notre visage. Je ne demande à personne de ne pas perdre le moral. »