La pluie de cette semaine suffira-t-elle à ne pas stopper la navigation sur le Rhin ? Jour après jour, le niveau du fleuve est scruté avec inquiétude par les transporteurs fluviaux et les industriels. Vendredi dernier, au point de mesure de Kaub, en Allemagne, limite utilisée pour juger de la navigabilité du fleuve, le niveau est descendu sous les 40 centimètres. Profondeur définie au minimum pour le transport fluvial… « Certaines zones ne sont pas loin d’un arrêt total de la navigation et les bateaux ne sont pas totalement remplis pour ne pas toucher le fond », prévient Pascal Rottiers, le vice-président des Entreprises. Fluviales de France (E2F), le syndicat des acteurs du transport fluvial. Une situation d’autant plus préoccupante que ce fleuve est un atout stratégique pour le continent européen. « Environ 80% du transport de marchandises par voies navigables dépend de ce fleuve qui traverse de grandes villes et ports comme Cologne, Düsseldorf, Rotterdam et Bâle », rappelle John Plassard, directeur de Mirabaud, dans une note publiée la semaine dernière.

Une pénurie d’eau qui va attiser l’inflation

Le Rhin n’est pas le seul fleuve à souffrir de la sécheresse de ces dernières semaines. Dans toute l’Europe, le niveau des rivières, des ruisseaux et des canaux ne cesse de baisser. Le niveau du Danube, deuxième plus grand fleuve d’Europe, se rapproche de son plus bas historique. En Italie, le Pô, dont le bassin est l’une des principales zones agricoles du pays, est quasiment à sec. En France aussi, le débit devient de moins en moins puissant sur de nombreuses rivières. Dans le dernier bilan de Voies navigables de France (VNF), au 1er juillet, « le taux de remplissage général de nos réserves d’eau à l’échelle nationale est de 60% contre 72% au 1er juin 2022, et une moyenne de 80% au niveau national. la même date sur les dix dernières années », peut-on lire sur leur site internet. Un manque d’eau inquiétant pour l’écosystème, mais aussi pour l’activité économique de nombreux secteurs qui dépendent des torrents d’or bleu qui parcourent habituellement le territoire européen… Et qui risque de renverser un peu plus d’huile sur le feu de l’inflation. .

L’un des secteurs les plus touchés est évidemment le transport fluvial, et par extension toutes les industries qui dépendent de cet approvisionnement. En raison de diverses restrictions (accélération des péniches, regroupement des bateaux dans les passages d’écluse, fermeture de certaines voies navigables, etc.), le délai de livraison augmente, et augmente mécaniquement le coût du transport. Sur le Rhin, par exemple, où transitent chaque année plus de 200 millions de tonnes de marchandises, qu’il s’agisse de céréales, de charbon, de matériaux de construction ou de produits pétroliers et chimiques, le coût des marchandises a déjà été multiplié par cinq. « En juillet, nous avons traité 150 conteneurs de moins que la normale, et le trafic de vrac a diminué de 5 à 10 % », constate Frédéric Doisy, directeur général adjoint du port de Strasbourg. Certains industriels, comme le groupe chimique BASF ou l’énergéticien Uniper, ont déjà annoncé qu’ils pourraient être contraints de réduire leur production en raison de ces soucis logistiques, qui affecteront également les chantiers.

À Lire  Chiffres clés de la retraite et des retraités

Offre limitée. Deux mois pour 1€ sans engagement

« Nos clients se reportent sur la route ou le train, et ne reviennent pas »

En France, les « principaux atouts » sont pour l’instant assez épargnés, malgré la baisse du niveau des eaux. « Mais pour les « petits jigs », c’est une autre histoire, explique Pascal Rottiers. Ces canaux sont pourtant indispensables pour assurer le transport entre les différents bassins. » Une situation qui n’est pas nouvelle, mais qui s’amplifie d’année en année. « Conséquence, nos clients reprennent la route ou le train, et ils ne reviennent pas », se désole-t-il. Autre secteur touché par les restrictions sur les petites rivières : le tourisme fluvial. « Heureusement, nous avons des clauses dans les contrats de réservation qui nous protègent, car du fait de la fermeture des canaux, nous sommes obligés de modifier les itinéraires, ce que les clients n’aiment pas, explique Mark Bostin, responsable de French Tourist Cruises. Mais C’est un casse-tête logistique. : il faut changer les réservations pour les visites liées aux croisières, mais aussi trouver d’autres restaurants… »

Le manque d’eau dans les rivières, ruisseaux et canaux ne pénalise pas seulement la navigation. « Nous avons déjà dû libérer 35 milliards de mètres cubes d’eau pour maintenir un certain niveau d’eau bas dans la Garonne, mais aussi pour assurer l’approvisionnement en eau potable des habitants », décrit Jean-Michel Fabre, président du Syndicat mixte. ré. « études et d’aménagement de la Garonne (SMEAG). Malgré cela, il est impossible pour les agriculteurs de garantir la possibilité d’irriguer leurs cultures normalement… « Leur récolte va diminuer, et nous avons aussi une trentaine de grands industriels qui utilisent l’eau du fleuve, notamment dans l’industrie papetière, et qu’ils sont susceptibles d’être touchés », poursuit-il. Juste au milieu d’une année marquée par le conflit entre la Russie et l’Ukraine, et l’augmentation du prix des matières premières, l’assèchement des rivières affecte aussi un peu plus la production d’électricité, avec notamment la voie hydraulique.

Congestions, hausse des coûts de transport, perte de rendement pour les agriculteurs, pressions inflationnistes… Le coût global de l’assèchement des fleuves pour les économies européennes reste pour l’instant difficile à chiffrer. D’autant plus que l’étendue des dégâts dépendra de la durée de cet épisode « d’étiage ». « Compte tenu des prévisions, il ne faut pas s’attendre à une amélioration avant fin août ou début septembre », estime Frédéric Doisy. Un coup d’œil dans le rétroviseur permet tout de même de se faire une idée. En 2018, le Rhin avait déjà été touché par un épisode de sécheresse qui avait perturbé la navigation. Selon les calculs de Deutsche Bank Research, cette situation avait réduit le PIB allemand de 0,2 % (environ 7 milliards d’euros). Une petite taille du couteau certes, mais qui cette année rajoute un autre vent de face contre…

Opinions

La chronique de Frédéric Filloux

La chronique de Christophe Donner

La chronique de Christophe Donner