Le document n’a été officiellement publié que jeudi. Et pourtant, le contenu du nouveau rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR) n’est plus un secret. De quoi lancer le débat à ce sujet, alors qu’Emmanuel Macron a confirmé lundi aux journalistes de la presse élyséenne que sa réforme des retraites serait mise en place à partir de l’été 2023.
La réforme des retraites prendra effet « dès l’été 2023 », assure Emmanuel Macron
Le temps presse pour l’exécutif. Car le rapport du COR est catégorique : pendant les quinze prochaines années (au moins) le système de retraite sera déficitaire. Autrement dit, pendant quinze ans, les actifs ne financeront pas suffisamment les retraites de leurs aînés.
Un excédent éphémère
Mais le rapport du COR commence par de bonnes nouvelles financières. Après l’important déficit provoqué par la crise sanitaire en 2020, le système de retraite s’est redressé en 2021 et 2022, et a même dégagé des excédents de respectivement 900 millions et 3,2 milliards d’euros. Mais cette bonne santé financière ne durera pas.
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« Dès l’an prochain et jusqu’à la fin du quinquennat, nous aurons à nouveau des déficits de l’ordre de 0,2 % à 0,3 % », indique Éric Heyer, économiste à l’OFCE et spécialiste du marché du travail. « Et d’ici 2038, le déficit sera un peu plus prononcé, autour de 0,5 % à 0,7 %. C’est pourquoi le chef de l’État y pousse, quitte à intégrer sa réforme des retraites dans le prochain projet de budget, qui sera présenté. à l’automne à la Chambre est discuté.
Les baby-boomers à la retraite
Bien que les salaires aient augmenté à un rythme effarant ces dernières années (+3,2 % entre 2019 et 2022 selon l’INSEE), la mutation structurelle du marché du travail affectera le système de retraite actuel. « On s’attend à beaucoup de départs à la retraite dans les années à venir, car ce sont les générations du baby-boom qui sont sur le point de quitter le marché du travail », a expliqué Philippe Crevel, économiste spécialisé dans les questions macroéconomiques. Ainsi, d’ici 2038, « les déficits monteront à dix, puis vingt milliards d’euros ».
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La réforme des retraites tant voulue par le président de la République ne peut-elle plus attendre ? Eric Heyer estime qu' »il est normal de réformer » pour que le poids de la dette ne soit pas supporté par les générations futures. Mais l’économiste de l’OFCE souligne que la situation devrait s’améliorer à long terme même sans réforme. « Entre 2038 et 2060, le système est susceptible d’être excédentaire », dit-il, en s’appuyant sur la projection du COR. Cependant, tout comme les déficits, les excédents ne sont pas souhaitables (car qui comprend que l’on prélève sur les salaires plus de cotisations que nécessaire ?).
Pour Éric Heyer, la solution à cela serait d’attendre que tous les effets de la réforme Touraine de 2014 – qui prévoit d’allonger progressivement la durée de cotisation pour toucher une retraite à taux plein – se fassent sentir. Quitte à avancer l’échéance fixée par cette loi pour lutter contre les déficits futurs. « Mais si on prend des mesures liées à l’âge [comme le propose le gouvernement, N.D.L.R.], on va renforcer les surplus que le COR prévoit à long terme », prévient Éric Heyer.
Outre l’aspect purement économique, Emmanuel Macron doit s’assurer que sa réforme est politiquement acceptable. Ou il devra affronter à nouveau la colère de la rue.
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