Shift Technology est l’un des moteurs de l’écosystème français de l’insurtech. Selon CB Insights, Shift se classe 13e dans le top 50 des néo-assureurs mondiaux de cette année. La startup, fondée en 2014, est cependant moins connue des particuliers, puisqu’elle propose ses services aux assureurs.
Pour mieux comprendre leur portée et les innovations que Shift leur propose, nous avons interrogé Jeremy Jawish, son PDG et co-fondateur, et Adrien Terrier, responsable des partenariats pour la région EMEA, à propos de la récente alliance nouée avec le cabinet de conseil Stelliant
Pouvez-vous nous présenter les différents produits actuellement proposés par Shift ?
Jeremy Jawish : Nous proposons actuellement six produits différents, mais ils ont tous un point commun : ce sont des modules qui aident à automatiser la prise de décision pour les assureurs. Les voici :
En bref, une gamme de solutions qui aident les assureurs à prendre des décisions précises, sans avoir à effectuer de nombreuses étapes manuelles. Cela leur permet de libérer plus de temps à consacrer à leurs clients.
Parmi cet éventail de produits, lequel est le plus plébiscité ?
J.J : Historiquement, c’est la détection des fraudes, mais ces dernières années, les autres produits ont également été très demandés. En effet, nos clients optent généralement pour plusieurs produits à la fois. Il faut dire qu’une fois le premier mis en place, il est plus facile d’intégrer les autres dans le système informatique. Concernant la répartition par produit de nos clients, il s’agit principalement d’assureurs de biens et responsabilité, positionnés en automobile, habitation et santé notamment.
L’intelligence artificielle (IA) est utilisée dans tous ces produits ?
J.J : L’intelligence artificielle est exploitée dans tous les produits et intégrée dans la façon dont nous créons nos produits. Notre ambition est simplement d’introduire l’IA dans les processus des assureurs, et notamment dans leurs systèmes de gestion pour automatiser leurs processus décisionnels.
Et comment fonctionne cette IA ? Elle brasse les historiques des choix passés pour prendre la meilleure décision ?
J.J : C’est un mélange, en fait il y a un mélange d’historiques de décisions, mais aussi de retours d’utilisateurs, de données externes, etc. C’est une composition technologique complexe qui nous permet d’être compétitifs avec les assureurs, mais, pour nous, le plus important est que ces derniers puissent être plus proches de leurs propres clients, que le sinistre soit couvert ou non. C’est notre façon de contribuer aussi à une sorte de retour aux sources du métier d’assureur.
« Notre marché a aussi mûri, quand on voit le nombre d’acteurs, dont des américains, qui travaillent avec nous et deviennent adeptes du marché français. J’ai l’impression qu’il y a dix ans ce n’était pas comme ça, parce qu’on arrive à être en avance. » . dans plusieurs matières en France, dont le logiciel, par rapport à des pays très performants dans ce domaine. »
En tant que locomotive de l’écosystème assurtech tricolore, comment percevez-vous notre marché ?
J.J : Je pense que l’écosystème français a enfin réussi à trouver ses marques, avec une population très solide techniquement qui ne rêve plus de travailler uniquement pour des entreprises de la Silicon Valley. C’est un grand atout, car le nombre de personnes qualifiées requises par la technologie française est énorme. Notre modèle repose également sur le fait que les assureurs français ont très vite accepté de travailler avec des start-up. On entend souvent dire que l’écosystème est plus lent qu’aux États-Unis, mais en réalité les assureurs ont pris le virage numérique beaucoup plus tôt en France, ce qui a conduit à des partenariats solides. Enfin, on remarque que notre marché a aussi gagné en maturité, quand on voit le nombre d’acteurs, dont des américains, qui travaillent avec nous et deviennent adeptes du marché français. J’ai l’impression qu’il y a dix ans c’était moins le cas, car en France on arrive à devancer plusieurs dossiers, dont les logiciels, par rapport à des pays très performants dans ce domaine, qui achètent désormais des français.
Et en tant qu’élément moteur, vous sentez-vous une responsabilité d’accompagner les acteurs qui se lancent ?
J.J : Absolument, nous avons par exemple la Banque Publique d’Investissement (BPI) dans notre capital, ce qui nous permet d’être à la fois accompagnés et proches de l’écosystème. Aussi, dès que nous pouvons aider le marché à innover grâce à des partenariats, nous le faisons, comme avec Stelliant par exemple. Notre vision est que les acteurs d’un même écosystème ne doivent pas aller à tout prix vers une concurrence exacerbée, mais penser à construire un marché commun où chacun devient compétitif en participant à son élévation d’un point de vue technologique. L’objectif commun est de faire de la France un pays avancé sur ce point clé.
Cet écosystème est-il à même de résister à la baisse des investissements constatée outre-Atlantique ?
J.J : Il est clair qu’une bulle a éclaté, en France aussi, et il va falloir apprendre à le faire avec moins d’investissement, ce que tout le monde avait préparé. C’est pourquoi de nombreuses entreprises ont levé beaucoup l’année dernière ou plus tôt cette année. En fait, c’est un retour à la normalité, qui nécessitera de s’adapter et de garder le cap. Aux États-Unis, les écosystèmes sont locaux et font preuve d’une remarquable solidarité. Il est important qu’en France nous soyons habités par le même esprit, et que nous profitions des synergies qui se sont créées durant cette période faste de ces dernières années.
Vous faites justement partie des assurtech qui ont réalisé d’importantes levées lors des derniers exercices, leurs ambitions ont-elles été revues suite à ce renversement de conjoncture ?
J.J : Non, rien n’a changé pour nous, nous continuons à consacrer le maximum de nos fonds à l’investissement technologique et à l’amélioration de nos produits. Il faut dire qu’en tant qu’acteur B2B, on est moins tenté par d’autres dépenses, comme le marketing. Nous continuons également à investir dans notre centre de R&D, qui est le plus important en nombre de data scientists dédiés au secteur, avec l’ambition de devenir le leader mondial, depuis la France, de l’IA en assurance.
Quelle est l’ambition de ce partenariat avec Stelliant ?
Adrien Terrier : Le partenariat avec Stelliant portera sur nos solutions d’automatisation de la gestion des sinistres. Ensemble, nous avons demandé comment nous pouvions aider les assureurs travaillant avec Stelliant à numériser leurs processus, tels que l’identification de la responsabilité, la couverture, etc. Ce qui compte le plus pour l’assureur, c’est de satisfaire l’assuré après un sinistre. Les délais de réponse et d’indemnisation sont essentiels pour que l’assuré ait une bonne expérience de cette « mauvaise expérience » elle-même qu’est le sinistre. Si tout se passe bien, numériquement, avec une proposition rapide, l’assuré sera plus satisfait du service.
Comment cela va se concrétiser ?
A.T. : Dans ce cadre, nous avons conclu un partenariat à deux niveaux. Côté fraude, l’objectif est de travailler avec des assureurs qui utilisent déjà Stelliant. Nous enverrons des alertes directement aux experts, avant leur intervention, afin qu’ils soient dirigés vers les points d’attention. Grâce aux algorithmes, nous dirigeons le travail d’expert : suspicion de ce type de fraude, analyses plus fines sur les sites, etc. Au deuxième niveau, nous avons travaillé sur l’automatisation de la gestion des sinistres, en intégrant des créneaux de disponibilité experts dans notre solution Shift.