À l’occasion de la Journée internationale de la fille mardi, Basic Rules lance une pétition pour un emoji de règles « plus explicites ». Explications avec la directrice de l’association qui lutte contre la précarité menstruelle, Maud Leblon.
Culotte blanche tachée de sang. C’est un emoji évoquant les menstruations que l’association Rules Elementary – qui distribue des protections périodiques gratuites aux femmes dans le besoin et s’engage à briser ce tabou – souhaiterait voir s’ajouter à la très longue liste de ceux que l’on a déjà l’habitude d’échanger par SMS. ou sur les réseaux sociaux. Pour le moment, le seul emoji susceptible de faire référence aux règles est une simple goutte de sang. « Représenter les choses, c’est les faire exister. On ne peut pas se contenter d’une goutte de sang quand une fille sur trois a déjà été discriminée à cause de ses règles, quand 2 millions de femmes en France n’ont pas de quoi s’acheter une protection, quand 20% des femmes souffrent de maladies liées aux règles. fait valoir l’association française.
Basic Rules, qui lutte contre la pauvreté menstruelle depuis près de sept ans, a lancé mardi, à l’occasion de la Journée internationale de la fille (instituée par les Nations unies en 2012), une pétition « pour un emoji qui brise enfin le tabou des règles », adressée au Consortium Unicode.Cette organisation privée à but non lucratif, située à San Francisco, est notamment chargée de coordonner et de valider la bibliothèque d’emoji, qui est utilisée dans le monde entier et qui s’enrichit chaque année de nouveaux caractères.
Le projet Basic Rules a été monté en partenariat avec l’agence de conseil et de communication YZ Paris – qui a imaginé le pictogramme – et le soutien de la fondation La France s’engage. Le lancement de la pétition, avec le hashtag #periodemoji, sera également accompagné de l’annonce d’une toute nouvelle version du site internet de l’association. Directrice des Règles élémentaires pendant un an, Maud Leblon explique à Libération les ressorts de cette initiative.
Pourquoi votre association est-elle impliquée dans la création de cet emoji ?
Pour vraiment parler des choses, il faut être capable de les montrer clairement. Le seul emoji qui peut faire référence aux règles est une simple goutte de sang qui, en réalité, peut faire référence à tout et n’importe quoi. De plus, les règles ne sont pas qu’une goutte de sang. Ça ne ressemble pas du tout à ça. Cette nouvelle émoticône vise à lever le tabou entourant les menstruations. La lutte contre la précarité menstruelle que nous menons est aussi une des conséquences de ce tabou. En mai, en partenariat avec Opinion Way, nous avons interrogé 1 000 Français et Françaises de 18 ans et plus, représentatifs de la population française, sur ce sujet qui impacte fortement la vie des femmes. Résultat de ce baromètre : une femme sur deux considère encore les menstruations comme taboues et un tiers des jeunes femmes interrogées ont déjà été taquinées ou discriminées à cause des menstruations.
Pourquoi n’avez-vous pas choisi la protection périodique ?
La protection périodique est trop limitative. Les culottes tachées de sang véhiculent vraiment la réalité. Cet emoji, bien plus direct, peut contribuer à la déstigmatisation et à la culpabilisation lorsqu’on se retrouve avec des taches de sang sur nos vêtements à cause des règles.
Quel est le but de la pétition ?
Nous visons plusieurs centaines de milliers de signatures, nous avons besoin d’un soutien populaire avec un écho international. C’est aussi pourquoi nous nous sommes tournés vers la plateforme Change.org, qui a une portée internationale. Car nous souhaitons que cet emoji soit utilisé dans d’autres pays européens mais aussi aux Etats-Unis, où la plateforme dispose de nombreux relais. On va aussi se tourner vers des marques de protections menstruelles ou de culottes menstruelles, des ONG, des associations, etc. On veut à terme être dépossédé de cette campagne. C’est pourquoi nous proposons un kit de communication accessible à tous. Dans un premier temps, les emoji peuvent être utilisés dans des emails ou des newsletters par exemple…
Rappelons qu’en 2017, au Royaume-Uni, Plan international, le réseau d’ONG pour les droits de l’enfant et l’égalité entre filles et garçons, appelait les internautes à voter pour qu’une règle emoji soit soumise au consortium Unicode. . Il y avait une goutte de sang, un calendrier qui représentait le cycle menstruel mais c’était celui qui représentait une culotte avec des gouttes de sang qui avait été plébiscité. Et ce par plus de 50 000 personnes. Mais il a tout de même été rejeté par le consortium qui l’a jugé trop choquant.
Pourquoi pensez-vous que le Consortium Unicode changerait d’avis aujourd’hui ?
Nous estimons qu’en six ans les choses ont changé. #MeToo est passé par là et nous ne sommes plus dans la même logique. Il me semble qu’il faut désormais mettre explicitement en évidence un phénomène naturel. Le fait qu’il n’y ait pas d’emoji montre à quel point les règles sont invisibles. Et puis avec notre campagne et notre pétition, on s’est dit qu’on soulèverait gentiment la question avec le consortium. Partir de front, avec un gros dossier dans les bras, n’aurait pas été judicieux. Cela dit, la culotte, le sang… Pourquoi ne pourrions-nous pas encore voir ces images qui représentent une réalité ?