C’est l’une des mesures « coup de pouce » pour le portefeuille des Français, votée cet été dans le cadre des lois dites « pouvoir d’achat » : vous pouvez exceptionnellement renoncer à des RTT que vous ne souhaitez pas poser, afin de les convertir en euros sonnants et trébuchants. Qui peut en profiter ? Quand ? Avec quelle fiscalité ? Et qui décide, salarié ou employeur ? Le point en 5 questions.

Avez-vous beaucoup de jours libres dans votre inventaire que vous ne voulez pas utiliser ? Le principe est simple : votre employeur peut récupérer jusqu’à 7 500 euros de journées RTT non utilisées, à condition que ces journées RTT aient été acquises à partir du 1er janvier 2022. Cette possibilité, en plus de la réglementation habituelle, s’applique aux jours de vacances acquis de 2022 à 2025 inclus. Mais ce principe cache apparemment plusieurs subtilités…

1 – Quels salariés ? Dans quelles entreprises ?

Tous les salariés du secteur privé. Pas au public, car les fonctionnaires et plus de 5 millions de fonctionnaires ont déjà un « CET [compte épargne temps] et donc des possibilités de monétisation », a rappelé cet été à l’AFP le cabinet du ministre du Travail Olivier Dusopt. Le même ministère précise dans une foire aux questions publiée fin octobre que « toutes les entreprises du secteur privé sont concernées par le dispositif, y compris les professions agricoles, quelle que soit la taille de l’entreprise ».

2 – Pouvez-vous vous faire payer tous vos jours de repos ?

Globalement, toutes les journées de RTT « classiques » acquises en 2022, dans le cadre d’un régime de réduction du temps de travail pris conformément à un accord d’entreprise ou collectif, et les autres jours de repos conventionnels, pourront être « rachetées » par l’employeur. Bonne nouvelle pour les salariés à temps partiel qui bénéficient du RTT : eux aussi peuvent demander la conversion des journées non utilisées en espèces sonnantes et trébuchantes.

RTT, définition. Le chômage partiel, héritage de la loi Aubry, s’applique aux salariés qui travaillent plus de 35 heures, grâce à la récupération de ce temps travaillé. Au-delà de 39 heures par semaine, le temps travaillé doit être rémunéré en heures supplémentaires. Le nombre de jours de RTT est déterminé en accord avec l’entreprise.

En revanche, les salariés en forfait journalier (pour beaucoup de managers) sont exclus de ce rachat de RTT : pour les salariés en forfait annuel en jours « il existe déjà un mécanisme particulier de renonciation aux jours de vacances non pris », explique le social – Service RH Walter France. Les congés compensatoires qui remplacent la rémunération des heures supplémentaires sont également exclus de cette monétisation. Tout comme les salariés qui ont déjà déposé leurs journées sur leur Compte Epargne Temps (CET).

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Combien ces jours de RTT seront-ils payés ?

En termes de salaire, bien sûr. Et un peu mieux : « Les journées ou demi-journées travaillées et achetées par l’employeur (…) sont majorées d’un montant au moins égal au taux de majoration pour la 1ère heure supplémentaire qui est appliqué dans l’entreprise », détaille l’Urssaf . Il s’agit d’une augmentation d’au moins 10 %, et en l’absence de convention collective, de 25 %. En bref : ces jours de vacances auxquels vous renoncerez en travaillant seront rémunérés au moins 10 % mieux que votre salaire habituel.

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3 – Votre employeur peut-il refuser ?

Oui. C’est le salarié qui doit demander cette monétisation RTT. Mais l’employeur est tout à fait libre de refuser. Votre patron peut également accepter de ne racheter qu’une partie des jours de vacances pour lesquels vous demandez un paiement.

A savoir : dans l’autre sens, votre patron n’a pas le droit de vous forcer à renoncer à vos jours de repos en vous incitant à les payer. La monétisation est un choix du salarié, confirmé ou non par l’employeur.

4 – Payerez-vous plus d’impôts ou de cotisations sociales sur ces jours de RTT monétisés ?

Version simplifiée : les jours de vacances ainsi monétisés sont exonérés de cotisations salariales et d’impôt sur le revenu, dans la limite de 7 500 euros.

La version précise : aujourd’hui le RTT ainsi acheté par votre employeur bénéficie du régime social et fiscal des heures supplémentaires. En clair : la limite de 7 500 euros est la limite globale, heures supplémentaires + jours de RTT monétisés. L’exonération d’impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires a en effet été portée à 7 500 € (contre 5 000 € auparavant) pour les gains de 2022, qui seront annoncés en 2023. Les jours de vacances monétisés sont exonérés de cotisations sociales salariales pour l’assurance de base et complémentaire vieillesse, mais restent soumis à la CSG et à la CRDS, comme le rappelle la CCI.

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Ce « cumul fiscal » des heures supplémentaires et du rachat de RTT vous fait-il craindre pour le contingent annuel d’heures supplémentaires ? En effet, les règlements, conventions ou accords collectifs prévoient une limite annuelle aux éventuelles heures supplémentaires. Mais c’est une comptabilité différente. L’exonération des jours de RTT ne compte pas dans votre contingent d’heures supplémentaires rémunérées… Même si les deux sont effectivement dans la même catégorie fiscalement.

A savoir : ces fonds supplémentaires seront déclarés au fisc en tant qu’heures supplémentaires et seront donc inclus dans le calcul de votre revenu fiscal de référence (RFR). Une subtilité technique… mais qui peut avoir des effets concrets (accès à l’aide sociale, loyer modéré, etc.) en augmentant votre RFR.

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5 – Comment demander cette monétisation de RTT ? Et êtes-vous limité en nombre de demandes ?

« Aucune formalité n’est imposée », précise le ministère du Travail, et « le nombre de demandes n’est pas limité ». Le salarié peut donc « matérialiser sa réclamation de n’importe quelle manière », mais le gouvernement recommande tout de même « d’établir un processus harmonisé au niveau de l’entreprise ». En cas de contrôle, « l’employeur doit être en mesure de présenter les documents formalisant la demande du salarié, ainsi que son acceptation (partielle ou totale si nécessaire) », précise le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS).

En bref : demandez à votre employeur s’il dispose d’un formulaire de demande spécifique pour la monétisation des RTT. Et vous avez le droit de demander un retrait plusieurs fois par an.

Exemple : 5 jours de RTT monétisés pour une salariée au Smic

Lisa est rémunérée au Smic, toutes les 35 heures, soit actuellement 1 329,05 euros nets par mois. Son salaire horaire brut est de 11,07 euros, et la majoration appliquée dans son entreprise pour les heures supplémentaires est le minimum légal de 10 %.

Lisa demande à son employeur de renoncer à 5 jours de RTT en 2022, soit 35 heures, afin de se faire payer et son patron accepte. Pour ces jours de vacances auxquels il renonce, il percevra 385,58 euros nets : (11,07 + 10%) X 35h = 426,195, monétisation brute à laquelle il faut encore soustraire CSG et CRDS (9,7%).

Explication d’Emmanuel Labrousse, directeur de la masse salariale du service social Walter France : « Quant à la CSG-CRDS [9,70 %, ndlr], celle-ci doit être calculée avec un abattement de 1,75 % sur l’assiette, y compris pour la valorisation des heures supplémentaires « , ce qui explique la complexité de la deuxième formule.

Exemple schématique. Sources : CCI & Walter France.