Rarement dans l’histoire les instruments de musique ont été témoins avec autant de force et d’émotion des souffrances infligées aux hommes. Le 22 novembre, dans le théâtre du Gymnase Marie Bell à Paris, les tambours Ka de Guadalupe et les violons de la Shoah raisonneront et vibreront à l’unisson. Une rencontre exceptionnelle pour un concert qui marquera.

« Je me souviens, c’était l’année 2019, je regardais un concert de violon à la télévision », se souvient Suzy Palatin, à l’origine de ce concert des instruments de l’espoir et présidente de l’association Ailleurs et Ici. « J’ai été surprise par le son très particulier qu’ils dégagent. Ils m’ont profondément touchée, j’ai même pleuré », s’enthousiasme-t-elle. Ce jour-là, Suzy regardait, sans le savoir, le concert des Violons de l’Espoir dont l’histoire est intimement liée à l’une des pages les plus sombres de notre histoire, celle de la Shoah, « la catastrophe » en hébreu.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que près de 6 millions de juifs européens étaient exterminés par l’Allemagne nazie et ses collaborateurs, le violon était un soutien, voire un moyen de survie pour certains prisonniers des camps de concentration. Grâce à leur maîtrise du violon, ils jouèrent pour leurs geôliers et bourreaux et virent ainsi leur exécution suspendue.

Amnon Weinstein, un luthier israélien, décide un jour de réparer ces violons puis de les faire jouer sur scène en faisant appel à des musiciens lors d’un concert. A travers eux, il les fait témoigner et raconter l’histoire de ces hommes et femmes qui ont connu l’insupportable.

Ma mission est de mettre la main sur tout violon survivant de l’holocauste, de l’acquérir, de le réparer et d’en faire un violon capable d’être joué pour un concert, je veux que ces violons soient joués, pour entendre ce qu’ils disent

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Ammon Weinstein, fondateur de Violins of Hope

Amnon Weinstein et son fils.

©Photo soumise par Ailleurs et ici

Cette rencontre avec Ammon Weinstein et « les violons de l’espoir » a été déterminante pour cette ancienne mannequin, aujourd’hui auteure de livres de cuisine à succès dans lesquels elle rend un hommage particulier à la cuisine antillaise qui lui a donné le goût de la bonne chère. Suzy Palentin imagine alors un projet un peu fou, celui de réunir sur une même scène ces deux instruments qui ont été témoins des atrocités de notre histoire et qualifiés de crimes contre l’humanité : la Shoah et l’esclavage.

Pendant la période de l’esclavage, les tambours Ka, constitués d’une peau de chèvre et d’un tonneau, le tout monté par un système de cordes, jouaient un rôle important. Ils ont fourni à la fois un soutien aux esclaves et un moyen de communication décisif dans leur libération. Le gwoka allie musique, chant et danse et se pratique sur les rythmes que les tambouyé (tambours) fabriquent à partir de son instrument. Elle est le résultat du métissage interethnique et de la volonté des esclaves de recréer leur culture africaine sur le territoire de la Caraïbe. Elle se pratique dans le cadre d’une ronde où se crée une synergie nécessaire à la sublimation d’un quotidien insupportable. A partir de 1441 et pendant plus de 400 ans, onze millions de personnes sont déportées.