Même si le libéralisme peine à se débarrasser de sa mauvaise réputation, les jeunes s’y intéressent. Tout le monde n’ose pas franchir les portes d’un club. Les sites de rencontres spécialisés leur facilitent la tâche, et plus s’ils le souhaitent.
Au XVIIe siècle, le libertinage existait déjà. « Ce mot nommait deux branches de la dissidence, la philosophie contre la religion, ou la liberté sexuelle », a annoncé Didier Foucault, auteur du livre Histoire du libertinage : des goliards au marquis de Sade (éditions Perrin). Au 21ème siècle, hommes et femmes sont encore libertins. « La population est très diversifiée. Le libertinage touche tous les âges et toutes les catégories socioprofessionnelles. En janvier 2017, 29% des nouveaux inscrits ont entre 18 et 25 ans », précise Benjamin Warlop, chargé de communication de Wyylde, le site de rencontre libertin qui a succédé à Netechangisme. En 2014, un sondage Ifop montrait qu’environ 5% des Français avaient essayé l’échangisme. « La pratique la plus courante est le trio, qui est d’environ 11 % en France. Le libertinage y est encore minoritaire », explique François Kraus, directeur des études.
Une alternative aux clubs
Parfois, les clubs échangistes sont répugnants. Depuis qu’elle a 19 ans, Lucie*, en couple avec Robin depuis un an et deux mois, ne s’est jamais laissée tenter. « Personnellement, ça ne m’a jamais traversé l’esprit. Nous ne faisons que commencer », avoue-t-elle. Alors que les sites de rencontres les aident à nouer des relations, les clubs libertins les emmènent en territoire inconnu. « Internet permet d’y aller facilement, de discuter avec les gens, de poser les bonnes questions. En club, on a moins de choix, ce qui limite nos chances de trouver quelqu’un qui nous plaît. On se sent presque obligé de faire quelque chose », a déclaré Méryle, fondatrice du site HFlibres.
Olivier et Perrine, malgré leur jeune âge, 21 et 20 ans, sont déjà en club. « L’ambiance est festive et respectueuse. La première fois, nous étions très stressés et mal à l’aise. Maintenant c’est beaucoup mieux. On voit régulièrement les mêmes personnes », précisent-ils. C’est lors d’un de ces voyages qu’il leur a été recommandé de s’inscrire sur Wyylde. Grâce à ce site, Olivier et Perrine ont rencontré un groupe de libertins. « Nous sommes allés dans un restaurant, puis dans un club. Nous avions quatre couples au restaurant et une dizaine de personnes à la fête », raconte Olivier.
Badoo, un autre terrain de chasse
Badoo, un autre terrain de chasse
Parfois les libertins élargissent leurs recherches. Ils s’inscrivent sur Badoo ou Tinder pour trois. Selon un sondage réalisé par l’Ifop en 2015, 40% des Français se sont déjà inscrits au moins une fois sur un site de rencontre. Et 38% d’entre eux avouent ne rechercher qu’une aventure d’un soir.
En couple avec Sandra depuis cinq ans, Christophe a trouvé une femme sur Badoo. « Dans sa description, il était clair qu’elle était ouverte à trois personnes. Nous lui avons parlé pendant trois semaines, avant de la rencontrer. Depuis qu’on est sur NousLibertins, on n’est plus en contact », confie ce libertin de 24 ans.
De l’expérience à la clé
Tout indique que le public s’intéresse au libertinage relativement jeune. « Généralement, les couples ont entre 20 et 35 ans. Cette attirance vient du porno, les gens y voient une sexualité débridée. Ils se mettent à l’échangisme, aux trios, au gang bang… », souligne Cédric, président de NousLibertins. La sexologue Karin Rousseau va plus loin : « Il y a une recherche de performance : ‘Je veux être le meilleur amant.’
C’est pour acquérir de l’expérience que Marc est devenu libertin. Après une rupture douloureuse, il ne pouvait plus s’investir dans une relation. Depuis un mois, il est inscrit sur NousLibertins. « Beaucoup de partenaires évitent l’engagement », a déclaré Karin Rousseau.
A tout juste 19 ans, Marc a déjà rencontré une femme de 32 ans. « On s’est vus dans un lieu public, puis dans un hôtel », se souvient-il. Parfois son jeune âge est un frein, parfois une aide. « Des libertins auraient essayé avec moi, si j’avais été un peu plus âgé. D’autres personnes sont attirées par mon enfance. Je parle à un couple en ce moment, dont la femme est plus âgée. Elle a l’air très belle et mature », dit-il.
Au début, c’était étrange, Tomás l’aimait aussi. Cependant, il ne s’envisage pas de continuer dans une relation. Jusqu’à présent, il a eu des « aventures » avec quelques-unes et trois femmes.
Eve de Candaulie, auteur de L’infidélité promise (éditions Tabou), s’est pour sa part tournée vers les personnes de tous âges. « J’ai même fêté l’anniversaire d’un jeune de 18 ans avec ses cousins au club libertin. Fondamentalement, l’âge ne change pas la chimie entre deux personnes. Personnellement, c’était un très bon coup », conclut-elle.
Un moyen de raviver la flamme
Sur les sites de rencontres libertines, le choix est assez large. Célibataires, couples, homosexuels ou encore personnes transgenres s’inscrivent. Des amitiés et même des couples se font à travers eux. « Les membres se marient. Ils nous envoient des photos de leur bébé. Ils nous remercient pour la vie qui existe déjà », raconte Cédric, président de NousLibertins. De plus en plus de couples expérimentent la débauche.
Il y a trois ans, Alexandre a pris cette décision avec sa moitié. Depuis, ils ont l’habitude de rencontrer des libertins, en couple ou séparément. En matière de fréquentation, ils privilégient leur tranche d’âge, la vingtaine. « Mais ça ne me dérange pas de voir une femme plus âgée, seule », avoue Alexandre. Petit à petit, d’autres partenaires construisent leur vie de couple. Ensemble depuis trois ans, Marie et Nicolas sont à la recherche de nouvelles expériences. Actuellement, ils ont testé « côte à côte », c’est-à-dire qu’ils ont fait l’amour à côté d’un couple, sans aucun contact.
Côte à côte et mélange, des choix judicieux pour commencer
Côte-à-côtisme et mélangisme, des choix judicieux pour un début
Différentes pratiques les aident à changer leur routine : candalisme, échangisme, mixage, plan à trois… Si un homme tente la candidature, il sera ravi de regarder les ébats de sa partenaire avec quelqu’un d’autre. Dans le trio, il les rejoindra.
« La distraction n’a pas à être balancée. Il n’est pas limité aux partenaires d’échange. Quand il y a du voyeurisme, c’est déjà de la débauche. Celui qui fait côte à côte est licencieux. Ceux qui pratiquent le mixage, c’est quand même du libertinage. Ils se mêleront à un autre couple. Ils vont s’embrasser, peut-être aller jusqu’aux préliminaires. Mais il n’y aura pas de pénétration sans couple. Il y a aussi le 2 + 2, où les partenaires ne sont pas dans la même pièce, note Fred, administrateur d’Entre Coquins.
Chaque couple évolue à son rythme. « Ils commencent par un côte à côte ou un mix and match », explique Méryle, fondatrice de HFlibres. Olivier et Perrine étaient là. « Nous sommes prêts pour le swing. Nous attendons juste le bon moment », disent-ils.
Scat, sodomie et SM, non merci
Scato, sodomie et SM, non merci
L’essentiel est d’éviter de se précipiter. Édouard et Sophie, âgés de 28 et 26 ans, ont été perdus au départ. « Nous avons rencontré un couple avec qui nous avons échangé tout de suite, d’une manière trop brutale. Après, on s’est remis au mixage », regrette Édouard. En effet, il s’avère que les libertins doivent se fixer des limites. Marie et Nicolas, par exemple, n’embrassent personne. « C’est un acte lié à l’amour », se justifient-ils. Pendant ce temps, Jonathan est un novice de 23 ans. Il a rencontré trois couples avec sa petite amie. Mais il n’accepte pas tout : « On ne fait rien de plus que ce qu’on fait en couple : pas de SM, pas de sodomie… Je n’ai pas encore droit à la sodomie. Pas question qu’elle le fasse avec un autre homme. » Désormais, Edouard et Sophie ont défini des limites. « Le scat et le SM hard, c’est pas notre truc. La sodomie, on teste ça en couple », expliquent-ils.
Un mot qui fait peur
Bien sûr, le libertinage est encore tabou. « Pour nous, c’est une manière de vivre sa sexualité et non une manière de consommer. La fidélité renforce le besoin de dialoguer, de se comprendre », insiste Roxane, en couple avec Florian depuis quatre ans. Même si ces couples sont très ouverts, ils restent fidèles. «Cela peut sembler spécial pour les non-échangistes. Il faut faire confiance à son couple », assure Méryle, elle-même libertine.
Mais le terme est intimidant. En animant un atelier sur la désapprobation, Ève de Candaulie a remarqué que les gens étaient surpris parce qu’ils l’associaient à quelque chose d’insatisfaisant. Alors elle s’est adaptée : « J’ai changé le nom de l’atelier : non exclusivement sexuel. Tout de suite, c’était moins effrayant.
*Les prénoms ont été modifiés.