Publié le 26 octobre 2022, 11h44. Mis à jour le 26 octobre 2022 à 16 h 45

« Prolonger un peu l’été. C’est ce que souhaitait Matthieu Gobrecht (29 ans) lorsqu’il s’est envolé pour Séville début octobre. Il passera un mois dans la capitale andalouse avec sa compagne. Au programme : un city tour, des matchs de foot avec le locaux, cours de flamenco, sorties à la plage…

Lorsque le coucher du soleil et le temps ensoleillé permettent de se détendre, les journées de Matthieu sont occupées à travailler à la maison. Consultant Paris Publicis, il s’est offert ce break à l’étranger en janvier 2022 dans le cadre du programme « Work your World » créé par le groupe de publicité. Depuis, les salariés ayant au moins un an d’ancienneté ont le droit de télétravailler pendant un mois. semaines par an à l’étranger.

Côté destination, les collaborateurs peuvent se rendre dans les 80 pays où Publicis a des bureaux ou dans leur pays d’origine. A ce jour, près de 300 des 5 000 salariés du groupe en France ont présenté leur démission. 160 d’entre eux ont déjà bénéficié du programme. Sur place, ils sont libres d’effectuer leur mission dans les bureaux de Publicis ou partout ailleurs dans le pays de leur choix. Les destinations les plus demandées ? Italie, Espagne, Maroc, Argentine et Portugal.

Les frais de déplacement et d’hébergement sont à leur charge. Cela peut représenter un budget important, surtout s’ils ont un loyer ou un crédit immobilier à rembourser en même temps. La raison pour laquelle Matthieu Gobrecht ne se serait pas vu voyager à Londres, par exemple. Trop cher.

Il est content de son expérience en Espagne. En un mois, il sent qu’il a découvert un mode de vie différent qu’il n’aurait pas pu vivre en tant que touriste, et qu’il a suffisamment de temps pour « créer des petites habitudes, rencontrer des gens, habiter le quartier ». période de rentrée scolaire, cela me donne une année de nouvelle dynamique à terminer ! s’enthousiasme-t-il. Mais ses clients, savent-ils qu’il est parti ? « Oui, je suis transparent avec eux et ils sont contents de moi car ils voient que le travail est fait. »

Huit semaines par an chez ManoMano

Publicis n’est pas la seule entreprise à autoriser le travail à distance à l’étranger après la crise sanitaire. Il y a aussi Google (1 300 salariés en France) et Ubisoft (4 400 en France). Leurs salariés peuvent télétravailler hors de nos frontières vingt jours par an. Chez Renault, cette proportion monte à trente jours par an. Chez le spécialiste du bricolage et du jardinage ManoMano (700 salariés en France), les salariés ont droit à quarante jours par an.

Si ces grandes entreprises ont sauté le pas, c’est parce qu’elles y voient des intérêts multiples. « Avec cela, nous pouvons répondre aux attentes des salariés en matière de qualité de vie au travail. Cela permet de les fidéliser et d’attirer de nouveaux talents », explique Bénédicte Daveau, responsable qualité du travail du constructeur automobile.

« Le permettre est plus compliqué que cela en a l’air »

Actuellement, les entreprises qui autorisent le travail à distance à l’étranger sont l’exception plutôt que la règle. Certains peuvent se demander pourquoi cette flexibilité n’est pas plus répandue. En gros, quelle est la différence entre exercer chez soi à Lyon, à 5 km de l’employeur, ou dans une maison au bord de la mer en Italie, lorsque la mission est accomplie ? « Beaucoup de managers sont encore hostiles au travail à domicile. Alors pour eux, le travail à distance dans l’environnement dit de travail où l’on combine travail et loisirs n’est pas souhaitable », note Nelly Magré, consultante RH, co-auteur du livre From Crisis Du travail à distance au travail à distance durable (Ed. First).

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Pour l’avocate Sandra Thiry de Kopper, avocate spécialisée dans la mobilité internationale, c’est plus difficile à admettre qu’il n’y paraît. Les employeurs sont légalement tenus d’assurer la santé et la sécurité de leurs employés, tant en personne qu’à distance. Le non-respect de cette obligation peut entraîner une responsabilité civile et/ou pénale.

Par exemple, il est chargé de s’assurer que le télétravailleur a une assurance s’il a un accident et est sommé de s’absenter du travail par un médecin dans un pays étranger. Cela oblige évidemment les entreprises à se familiariser avec la réglementation en vigueur dans le pays d’accueil et, si possible, à effectuer des démarches administratives avant le départ. Pour l’employeur, cela peut se traduire par la souscription d’une assurance complémentaire.

Par exemple, chez Publicis, une équipe a été constituée pour analyser chaque demande de voyage, les documents administratifs nécessaires et les complexités liées à l’obtention d’un éventuel visa. L’entité française a également souscrit une assurance urgence médicale et rapatriement pour couvrir ses salariés et éventuellement leurs conjoints et enfants s’ils voyagent avec eux lors de leur expérience « Work Your World ».

En raison de ces problèmes, les groupes limitent les destinations autorisées. A moins que Renault et Google n’aient établi une liste prédéfinie, Ubisoft permettra à ses citoyens européens de travailler à distance depuis l’Union européenne pendant vingt jours. Limiter la durée des sorties et se contenter de l’UE « évite les problèmes habituels de maintien des impôts, de l’immigration ou de la sécurité sociale, bref, cela facilite la gestion tant pour l’entreprise que pour les travailleurs », estime Kévin Bouchareb, directeur de Future Work. Dans l’édition française de jeux vidéo.

Sandra Thiry en est persuadée, le travail à distance à l’étranger en est encore à ses balbutiements. « Il devrait se démocratiser rapidement, car les entreprises y voient une opportunité d’améliorer leur marque employeur. »

À noter

En dehors de ces grandes entreprises individuelles, Sandra Thiry souligne que, dans un premier temps, les start-up à l’étranger sont généralement plus flexibles lorsqu’il s’agit de travailler à distance de temps en temps. Comment l’expliquer ? « Les grands groupes ont souvent des directions juridiques qui les exposent à tous les risques et contraintes qui vont de pair avec le télétravail international, là où les startups peuvent ne pas être aussi calées en la matière », note l’avocat. Et d’ajouter : « Ou du moins ils l’ont accepté, en se disant qu’au final ils prenaient peu de risques à le permettre. »