Le vote du second tour de l’élection pour départager Lula et le président sortant de droite aura lieu dimanche. Notre correspondant au Brésil, Bruno Meyerfeld, a répondu à vos questions.

TCHAT

CONTEXTE

Cette discussion touche à sa fin ! Merci !

En effet, Jair Bolsonaro s’est livré ces derniers mois à une gigantesque opération d’achat de voix, que certains décrivent déjà comme l’une des plus grosses affaires de corruption au monde… Des milliards d’euros ont été dépensés en aides sociales pour offrir un revenu complémentaire à la plupart des électeurs modestes, avec l’espoir de rallier des suffrages dans cette catégorie de la population où Lula est majoritaire. Cependant, cela n’a fonctionné que très modérément. M. Bolsonaro a fait peu de progrès parmi les catégories populaires, fidèles à Lula, qui ont rapidement vu dans ces mesures une opération électorale significative.

Environ 20% de la population. C’est beaucoup, surtout dans un pays où le vote est obligatoire de 18 à 70 ans. Et c’est important pour le discrédit des institutions brésiliennes et de la démocratie.

En 2018, les marchés et les grands patrons ont massivement voté pour Jair Bolsonaro. Mais la situation s’est résolue d’elle-même. Le président actuel a fait du Brésil un paria sur la scène internationale, ce qui n’est pas bon pour les affaires. M. Bolsonaro trouve son soutien le plus fort dans l’agro-industrie, qu’il a fortement encouragée au pouvoir, et qui profite de l’explosion des prix des matières premières. Lula, de son côté, rappelle les souvenirs de la croissance économique des années 2000, qui avait profité autant (sinon plus) aux plus riches qu’aux plus pauvres. Il s’est allié à Geraldo Alckmin, son vice-président : un ancien gouverneur de Sao Paulo, mis en avant à droite, très proche des milieux financiers. Cela a rassuré de nombreux patrons.

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

Cela montre justement qu’une très grande partie des Brésiliens est satisfaite du mandat de Jair Bolsonaro, favorable à la destruction illimitée de l’Amazonie, à la morale ultra-conservatrice des fêtes de Pentecôte, aux armes à feu, à l’affaiblissement de l’État social, à la persécution des minorités… Ils ont juste l’impression que le Brésil (comme on dit) « s’est réveillé ». C’est ainsi.

C’est un sujet très peu présent dans le débat au Brésil. Lula a tenté, en vain, de piloter la campagne sur cette question lors des débats. Mais les thèmes dominants restent l’économie, la religion, la morale et la corruption.

Lula est un leader extrêmement populaire dans le monde entier et a des alliés sur tous les continents. Il est proche d’Emmanuel Macron, des socialistes portugais, des démocrates américains, mais aussi de nombreux dirigeants africains, des dirigeants autoritaires du Nicaragua et de Cuba, de la Chine de Xi Jinping, de la Russie de Vladimir Poutine, etc. M. Bolsonaro, en revanche, est extrêmement isolé. Ses derniers vrais alliés se comptent sur les doigts d’une main. On peut citer Viktor Orban en Hongrie, les princes de certaines monarchies du Golfe, ainsi que Benyamin Netanyahu en Israël, et Donald Trump aux États-Unis. Pourtant, ces deux derniers ne sont plus au pouvoir…

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

Question épineuse et centrale que celle-ci ! Officiellement, l’armée est obligée de défendre le processus électoral et la constitution. Mais, problème : le chef suprême des forces armées est précisément Jair Bolsonaro, qui est le plus susceptible de contester le scrutin et qui a fait entrer un nombre record de généraux et de militaires dans son administration. À l’heure actuelle, on imagine mal l’armée s’engager dans une aventure risquée consistant à maintenir M. Bolsonaro au pouvoir contre l’avis d’une majorité de l’électorat et contre le reste du monde, et notamment les États-Unis. Cependant, il est difficile de l’imaginer rester passif en cas de troubles très graves dans le pays. Selon certaines interprétations, la constitution lui donnerait le droit de rétablir l’ordre en cas de troubles graves…

Lula a reçu le soutien explicite de plusieurs membres de la gauche française, et notamment de Jean-Luc Mélenchon. Les deux hommes se connaissent bien. M. Mélenchon était allé jusqu’à rendre visite à Lula en prison. Cependant, Lula bénéficie également du soutien tacite d’Emmanuel Macron. Ce dernier lui avait fait un beau « cadeau » en 2021, en le recevant à l’Elysée avec les honneurs d’un chef d’Etat (tapis rouge, garde républicaine, etc.). Un privilège auquel Jair Bolsonaro – qu’Emmanuel Macron déteste depuis la crise amazonienne de 2019 – n’a jamais eu droit.

Difficile de répondre… Toute la question est : pourquoi Jair Bolsonaro devrait-il contester le scrutin ? Pour promouvoir un coup d’Etat et conserver le pouvoir ? Faire pression sur les institutions et éviter la prison ? Nous ne savons pas vraiment.

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

La question de la faim est très symbolique au Brésil. Le pays a souffert chroniquement de ce problème pendant des décennies et a été le siège de terribles famines, notamment dans le nord-est. La situation s’est considérablement améliorée sous la présidence de Lula… mais a recommencé à redevenir dramatique sous Jair Bolsonaro. Ce dernier nie ouvertement le problème, alors qu’au moins 33 millions de Brésiliens souffrent d’insécurité alimentaire sévère. Dans les rues des grandes villes, on voit des familles entières fouiller dans les poubelles à la recherche de restes de nourriture, des gens faire la queue pour ramasser des os d’animaux à la sortie des supermarchés, des gens emprisonnés pour avoir volé un paquet de riz et de haricots… C’est dramatique.

Oui, la société est en effet très polarisée et les relations sont électriques, notamment entre voisins, membres d’une même famille, collègues de travail… C’est un phénomène récent, remontant en réalité à 2015-2016, avec la procédure de destitution de Dilma Rousseff, la gauche -wing président qui a succédé à Lula . Le Brésil était alors divisé sur son sort. Il en a été de même lorsque Lula a été mis derrière les barreaux, puis Jair Bolsonarao a été élu. Dans le passé, on parlait très peu de politique en famille. C’était un sujet peu discuté et assez consensuel.

Les risques sont importants et nombreux. J’en nommerai trois, si vous êtes d’accord.

L’Amazonie d’abord : la forêt approche de son point de non-retour, et en cas de réélection de Jair Bolsonaro, sa destruction prendra une tournure probablement irréversible.

Armes à feu, ensuite : Le nombre d’armes en circulation et de clubs de tir a considérablement augmenté au Brésil sous M. Bolsonaro. S’il régnait encore quatre ans, on peut craindre une violence accrue dans les relations entre les citoyens et la société en général.

À Lire  HAVAS VOYAGES / MARIETTON DEVELOPMENT - Responsable d'agence H/F - CDI - (Chateauroux - 36) | Classé | TourMaG.com, média spécialiste du tourisme francophone

Enfin, les institutions et la démocratie : le principal contre-pouvoir de Bolsonaro au cours des quatre dernières années a été la justice et surtout la Cour suprême fédérale, la plus haute institution du monde judiciaire brésilien. M. Bolsonaro a déjà nommé deux piliers comme juges. Le prochain président du Brésil pourrait en nommer deux ou trois de plus. A terme, M. Bolsonaro pourrait donc avoir la majorité au sein de cette institution clé, mettant en péril l’équilibre des pouvoirs au Brésil.

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

Lula a dû ajouter de l’eau à son vin pour gagner l’électorat évangélique, très conservateur sur les questions sociales et familiales. Il n’a pas fait de proposition spécifique pour les LGBTQI+ et a confirmé à plusieurs reprises son opposition à l’avortement. Difficile d’imaginer, dans le contexte d’un Brésil très polarisé où l’extrême droite est en position de force, qu’il tentera de légaliser l’avortement durant son mandat.

Cela n’a eu que peu ou pas d’impact, à part le buzz sur les réseaux sociaux. Au Brésil, Neymar est un joueur populaire, mais pas très populaire : trop frimeur, mauvais chef d’équipe et, surtout, loin des préoccupations et du quotidien des Brésiliens. Neymar évolue en Europe depuis 2013… Cela fait une décennie qu’on ne l’a plus vu sous les couleurs d’un club brésilien.

Cela s’avère compliqué. Lula est un expert de la coalition et n’a pas hésité à s’allier à la droite lors de ses deux mandats à la tête du Brésil (2003-2011). Mais le Congrès est aujourd’hui dominé par les conservateurs. Les dix partis membres de la coalition de Lula sont parvenus à faire élire environ cent vingt députés à la Chambre des députés, contre plus de cent quatre-vingts pour Bolsonaro. Les partis de Centrao (ou « le grand centre »), composés de formations sans idéologie, opportunistes (et souvent soupçonnés de corruption…), auront donc la mainmise sur la prochaine période. Ils seraient environ cent soixante-quinze à la Chambre des députés.

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

La campagne entre les deux tours a été caractérisée par plusieurs polémiques et des attaques très brutales sur les réseaux sociaux. Le camp bolsonarien a accusé Lula de vouloir fermer des églises, légaliser l’avortement, être ami avec des trafiquants de drogue, voire avoir un pacte secret avec Satan lui-même… beaucoup de vidéos embarrassantes de l’actuel chef de l’Etat, ces dernières étant plutôt favorables. à l’avortement (alors qu’il y est fortement opposé aujourd’hui), visite une loge maçonnique (le satanisme pour les évangéliques conservateurs…) ou encore avoue qu’il pourrait se livrer au cannibalisme si nécessaire… La polémique la plus gênante concernait une prétendue attirance sexuelle pour Bolsonaro pour les jeunes filles vénézuéliennes âgées de 14 ou 15 ans, ce qui a donné lieu à des attaques contre le « président pédophile ».

Sinon, le camp de Jair Bolsonaro a été mis en difficulté par les actions type Far West de Roberto Jefferson : un député sulfureux et menacé de prison mais proche du président, qui a pris pour cible et tiré sur des policiers le week-end. Le Parti travailliste a également critiqué le camp présidentiel après les déclarations du ministre de l’Economie Paulo Guedes, qui a suggéré qu’il pourrait cesser d’ajuster le salaire minimum et les retraites en fonction de l’inflation. Un tissu rouge pour les catégories populaires.

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

Le risque est important, et semble même évident. Depuis des mois (voire des années…), Jair Bolsonaro n’a cessé de torpiller le système de vote brésilien, qui fonctionne par urnes électroniques, demandant la délivrance d’un « récépissé » papier permettant un éventuel recomptage des voix. Il n’a pas obtenu satisfaction… Ces derniers jours, se retrouvant en retard dans les sondages, Bolsonaro a déclenché une nouvelle polémique, affirmant que les radios du pays n’avaient pas diffusé 154 000 de ses spots publicitaires. Des accusations portées sans preuves matérielles, et rapidement balayées par la justice (en fait, l’équipe de campagne de Bolsonaro n’aurait jamais envoyé ces spots aux radios…), mais qui pourraient servir de base à une future contestation.

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

Les dernières enquêtes d’opinion montrent Lula et Jair Bolsonaro au coude à coude, avec une petite avance pour le chef du Parti travailliste (PT). Les instituts donnent 52% à 54% des voix à Lula contre 48% à 46% à Bolsonaro. Or, ces derniers souffrent d’une crise majeure de légitimité : ils avaient largement sous-estimé le score de l’extrême droite au premier tour. Jair Bolsonaro a terminé la course avec plus de 43% des voix, bien plus que les 35% ou 36% prévus par la plupart des instituts.

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

Au Brésil, les évangéliques « en guerre spirituelle » contre le candidat Lula

De nombreux pasteurs intégristes ont milité pour la réélection du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, déversant des flots de fausses informations qui n’épargnent ni ses opposants de gauche ni même l’Église catholique. Lisez notre rapport :

Le contexte

Photo de couverture : DOUGLAS MAGNO / AFP

Reportage. Au Brésil, c’est le camp Lula qui inquiète, pour qui la campagne présidentielle est devenue un carrefour.

Analyser. Les erreurs de Lula et la « faillite » dans les sondages expliquent le score surprise de Bolsonaro au premier tour.

Décryptage. Entre Lula et Bolsonaro, la bataille pour l’Etat clé du Minas Gerais.

Vous pouvez lire Le Monde sur un appareil à la fois

Ce message s’affiche sur l’autre appareil.

Parce qu’une autre personne (ou vous) lit Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

Comment arrêter de voir ce message ?

En cliquant sur  »  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

Ce message s’affiche sur l’autre appareil. Ce dernier restera lié à ce compte.

Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais les utiliser à des moments différents.

Vous ne savez pas qui est l’autre personne ?

Nous vous recommandons de changer votre mot de passe.