Prendre une pause « hors du monde » n’est pas réservé aux moines ou aux croyants. Nous pouvons tous, sans quitter notre environnement, nous retirer pour mieux nous connecter. A notre dimension intérieure, mais aussi aux autres.

Prendre une pause « hors du monde » n’est pas réservé aux moines ou aux croyants. Nous pouvons tous, sans quitter notre environnement, nous retirer pour mieux nous connecter. A notre dimension intérieure, mais aussi aux autres.

Se retrouver

S’évader de l’agitation du monde, seul, chez soi, pour quelques heures ou quelques jours : la retraite spirituelle n’est pas une nouvelle façon de pratiquer l’art du cocooning de régression, mais une opportunité de se connecter à la dimension spirituelle de notre être. Cette part de nous si souvent délaissée dans notre quotidien mouvementé, qui se manifeste parfois par la présence du sacré ou du beau et nous donne l’impression d’être pleinement vivant. La retraite spirituelle est un outil – parmi d’autres – pour vivre cela consciemment. « A la maison ou en communauté, la retraite est une respiration du corps et de l’esprit qui permet d’aller vers un horizon qui nous dépasse, vers un vide et un silence habité par autre chose que le faire ou l’avoir », explique Patrice Gourrier, prêtre et psychologue conscient, auteur avec Jérôme Desbouchages de 40 Jours avec Maurice Zundel et les Pères du désert (Préses de la Renaissance).

Alain Gamichon, psychologue et psychothérapeute, souligne l’intérêt de la liberté de cette démarche : « Faire une retraite spirituelle est une action que l’on fait par rapport à soi et dont les résultats ne sont pas immédiatement visibles. Il se peut même que la sensation actuelle soit inconfortable, physiquement et mentalement. Le silence, l’action consciente, la lecture d’un texte spirituel, la nourriture frugale…, tout cela constitue une véritable ascèse pour nous, habitués aux gratifications immédiates et dopés dans l’activité sociale ! Et c’est justement parce que nous sommes tous soumis aux mêmes contraintes et courons après les mêmes leurres que cette retraite n’est pas réservée qu’aux croyants. Même si ces derniers peuvent évidemment trouver, dans cette pratique « hors des sentiers battus », une opportunité de vivre pleinement leur foi.

Se préparer

Le sevrage demande un état d’esprit particulier. « Il faut avant tout avoir une envie profonde de vivre autre chose, d’aménager une pause qui ne soit pas ‘arrêter de faire’, précise Patrice Gourrier, mais ‘faire autrement’, en partant de soi, à l’opposé de ce que la plupart d’entre nous faire l’expérience chaque jour. Par conséquent, cette pause nécessite une rupture nette avec nos gestes, pensées et réflexes habituels. Pas de téléphone, pas de visite, pas de radio, pas de télévision, personne d’autre à la maison, mais le silence choisi, pour entrer symboliquement dans un nouvel espace-temps. Pour être féconds, ce silence et cette solitude doivent être encadrés. Comme la journée monastique, rythmée par des temps d’activité et des temps de méditation ou de prière.

« Il est essentiel de s’impliquer pleinement dans ce projet, de se donner les moyens de laisser place à l’inconnu de soi, cette dimension de son être qu’on ne soupçonnait peut-être même pas », affirme Alain Gamichon. Choisir ses vêtements (très confortables), choisir des citations, des poèmes ou des textes spirituels, disposer des bougies, de l’encens, composer un petit autel ou monter un centre de méditation… Chacune de ces actions, qui modifient insensiblement notre état d’esprit, nous prépare. entrer, en conscience, dans un autre univers.

Pour aller plus loin

La mise en place d’un programme est la condition sine qua non d’une vraie retraite. Nous avons respecté ici les séquences communes aux différentes traditions spirituelles. Les temps de lecture ou de méditation durent, pour les débutants, entre un quart d’heure et une demi-heure. Chaque activité est précédée d’une pause respiratoire consciente.

Apprendre à s’arrêter

• Se lever (7 heures), s’étirer, respirer, faire ses ablutions.

• Petit déjeuner (7h30), puis marche, lecture, étirements ou marche, méditation ou prière, activités ménagères (rangement, nettoyage, couture, cuisine), lecture.

• Déjeuner (12h ou 13h), puis promenade, contemplation (une image, un bouquet de fleurs…), lecture, méditation ou prière, étirements.

• Pause thé (16h), puis marche, lecture, activités ménagères, méditation ou prière, étirements • Dîner (20h).

Agir en pleine conscience

Nous ne sommes pas habitués à faire l’expérience de cette suspension de la pensée et de l’action ordinaires. Aussi, ne soyez pas surpris si des sentiments d’impatience, d’agacement ou d’ennui surgissent. Remarquons-les, accueillons-les et laissons-les se dissiper. La difficulté fait partie du parcours : c’est de l’ascétisme et non un week-end « bulle » !

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« Tout commence par la respiration », note Patrice Gourrier. C’est la meilleure façon d’apprivoiser ce que j’appelle « le temps d’arrêt du corps ». Un exercice très simple consiste à inspirer en pensant « je respire la vie » et à expirer en pensant « j’expulse ce qui m’opprime ». C’est aussi ce que Thich Nhat Hanh, un maître zen vietnamien, appelle la « pleine conscience de la respiration » dans Essential Breath, notre rendez-vous avec la vie (Albin Michel, « Living Spirits »). En position assise, le dos doit être droit, les épaules baissées, la mâchoire détendue et le ventre souple. Les yeux sont fermés pour favoriser la conscience corporelle. Les taoïstes recommandent des séries de trois respirations profondes et larges, qui amènent la contraction du bas-ventre à l’inspiration et son relâchement à l’expiration. Respiration consciente L’établissement d’un programme est le préalable indispensable à une véritable retraite. Nous avons respecté ici les séquences communes aux différentes traditions spirituelles. Les temps de lecture ou de méditation durent, pour les débutants, entre un quart d’heure et une demi-heure. Chaque activité est précédée d’une pause respiratoire consciente. Une journée typique et profonde (il ne faut jamais la forcer) est recommandée pour se calmer en soi, avant et après chaque activité du corps ou de l’esprit.

Une fois que le corps s’est calmé et que l’esprit s’est calmé, nous pouvons savourer des aliments plus denses, comme la lecture de textes spirituels ou poétiques. « Je recommanderais un seul texte court le même jour (psaume, sourate, koan, poème ou sutra…) pour éviter d’étaler ou de surmener l’esprit », poursuit Alain Gamichon. Le thérapeute recommande de lire et de relire ces phrases, en y revenant plusieurs fois. « Il s’agit de « mâcher » les mots et de les laisser couler en nous… Leur sens, leur musicalité, leur poésie, leur résonance vont se développer au fil des heures et faire naître en nous des interrogations, des émotions, ouvrir ou fermer des portes. » La lecture peut se faire à voix haute ou en silence. Il est important de sentir le poids et le ton de chaque mot, puis du texte entier.

Cette pratique, dont parle le moine bouddhiste Matthieu Ricard dans L’Art de la méditation (NiL) consiste à « se transformer pour mieux transformer le monde », continue de faire peur ou de repousser. Cependant, c’est d’une simplicité enfantine. Il faut commencer par choisir les positions les plus simples : assis sur une chaise, dos droit, menton légèrement rentré, mains posées, paumes vers le haut, sur les cuisses, pieds parallèles, à plat, trois poings écartés. Pendant une vingtaine de minutes, les yeux mi-clos, vous devez respirer profondément mais sans forcer par le nez, laisser vos pensées vous traverser l’esprit sans chercher à les expulser ou à les retenir. On peut aussi méditer à partir d’un thème spirituel. Matthieu Ricard en propose plusieurs, dont « l’impermanence » : « Pensons à la succession des saisons, des mois et des jours, à chaque instant, et aux changements qui affectent chaque aspect de la vie des êtres… »

Pour aller plus loin

Pour les croyants, la retraite spirituelle offre aussi l’opportunité de renouer avec la forme la plus intime de la spiritualité : la prière. « Chacun, avec ses propres mots, peut demander de l’aide, exprimer sa peur, sa colère, ses doutes, exprimer sa gratitude, précise Patrice Gourrier. Nous pouvons tous ouvrir cet espace en nous pour entamer ce dialogue, nous éclairer et trouver de nouvelles forces. Il arrive souvent que les prières de l’enfance réapparaissent, remplies d’émotion, de saveur et d’une profondeur insoupçonnée.

Revenir dans le monde

Le temps de la contemplation est suivi du temps de l’action. Un retour au mouvement nous ramène à notre dimension matérielle, incarnée, et nous rappelle que celle-ci est tout aussi importante que notre part spirituelle. L’unité du corps et de l’esprit ne peut être atteinte qu’en expérimentant consciemment les deux dimensions de notre être.

Après chaque séance de méditation, la marche donne un coup de pouce à l’énergie vitale qu’elle fait circuler dans le corps. Cet exercice est silencieux, lent et conscient. Faites quelques pas dans votre appartement ou sortez dans votre jardin (mieux vaut éviter la rue pour ne pas être distrait). Avant chaque marche, il est conseillé de faire une série de trois respirations nasales profondes et larges. De préférence pieds nus, commencez le mouvement du pied sur l’inspiration et placez-le sur l’expiration, tandis que les épaules restent basses et le dos droit. L’exercice se poursuit selon le même rythme : inspiration (je lève le pied) et expiration (je pose le pied).