A l’approche des élections et dans le contexte actuel de guerre en Ukraine, Emmanuel Macron a abordé le sujet de l’achat d’énergie pour répondre à la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation. « Bouclier tarifaire », prix du pétrole, chèques alimentaires… des mesures sont prévues et pourront être votées dès le 19 juin. La prochaine mesure aura une quatre grosses économies pour les familles : le transfert du fonds personnel d’éducation (CPF) des parents à leurs enfants, pour le financement du permis de conduire. La situation actuelle nécessite le recours à cette mesure.
Le « prix du permis » augmente malgré les mesures
Depuis des années, baisser le prix des permis de conduire est une promesse faite avant chaque élection. Différentes approches ont été mises en œuvre, avec plus ou moins de succès. Des rapports ont été écrits, puis enterrés. Aujourd’hui, la situation nécessite un changement dans la façon d’obtenir un permis de conduire, pour tout le monde.
Le Rapport Dumas n’a pas eu les effets escomptés
Les mesures préconisées par le rapport Dumas (février 2019) n’ont pas permis de réduire le coût du permis. Apprendre le code pendant SNU (proposition n°5) n’a aucun effet. Selon nos informations, moins de 100 candidats par an apprennent l’autoroute lors du SNU et passent rapidement l’épreuve grâce à cet appareil.
La réduction de la TVA sur les cours de conduite (proposition n°12) n’a pas été réalisée. La directive TVA de l’UE de 2006 a été modifiée à la suite de l’accord conclu entre les États membres de l’UE en décembre 2021. Ces nouvelles règles ont été adoptées par les ministres des finances de l’UE en avril 2022. le 31 décembre 2024 pour entrer dans leur législation nationale. Pour l’instant, rien n’indique que le gouvernement français envisage d’utiliser une réduction de la TVA pour permettre l’éducation…
Enfin, la séparation des sites d’essais (plan n° 19), qui est présentée comme une mesure dans le rapport, devrait finalement être sans effet sur le prix du permis. Le portail RDV Permis est en cours d’installation et devrait être publié fin 2022-début 2023.
Les formations low cost n’attirent pas
Dans le même temps, les offres proposées par les auto-écoles en ligne n’ont pas non plus réussi à réduire le coût du permis de conduire. Les chiffres sont désormais connus avec précision des services qui ont mis en place le RDV Permis. Les auto-écoles en ligne n’obtiennent que 5% des candidats et les économies réalisées sur le cours sont bien inférieures à ce qui est promis sur leurs pages publicitaires.
Les candidats au permis de conduire ont, semble-t-il, combiné le fait que ces formations sont également de faible qualité (pas de suivi et moins de quatre mesures de réussite).
Les auto-écoles obligées d’augmenter leurs tarifs
Dans le même temps, les auto-écoles ont dû augmenter le coût de leurs services pour faire face à l’augmentation de leurs tarifs. En effet, les principales dépenses des auto-écoles ont considérablement augmenté : les salaires des enseignants ont partout augmenté faute de main-d’œuvre et le prix du carburant a augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine.
Ces augmentations de tarifs sont motivées par le manque de flexibilité du contrat standard, qui est bloqué sur les tarifs pendant toute la durée du contrat.
Agir sur les financements
C’est pourquoi nous sommes face à un double dilemme : d’une part, les mesures prises pour faire baisser le prix des permis de conduire sont inefficaces et, d’autre part, les auto-écoles sont obligées d’augmenter leurs prix en fonction du taux d’inflation.
Dans cette conjoncture économique, pour aider les jeunes à trouver de la mobilité et du travail, la seule solution est de travailler sur les financements. Pour Patrice Bessone, président de Mobilians ESR, « il nous faut un vrai plan Marshall pour les permis de conduire. ». Lorenzo Lefebvre, vice-président de Mobilians ESR, va dans le même sens et ajoute « soit on travaille sur une solution de financement public, soit on doit arrêter de dire que le permis de conduire coûte trop cher ».
Le permis de conduire reste, encore aujourd’hui, le premier examen en France (avant le baccalauréat). C’est très important pour l’intégration sur le marché du travail. C’est très important pour se déplacer, surtout dans les zones rurales.
La portabilité du compte personnel de formation
Les auto-écoles favorables à la mesure
Une solution existe depuis de nombreuses années et fait l’unanimité dans les organisations professionnelles : la portabilité du CPF au sein de la famille. Le truc est simple, si ce tarif est accepté, les parents peuvent utiliser tout ou partie de l’argent versé sur leurs comptes d’enseignement privé pour financer la formation au permis de conduire de leurs enfants.
Cette demande ne change rien puisque, dans les faits, les parents financent le permis de conduire de leurs enfants dans 85% des cas. Il s’agit simplement de leur permettre d’accumuler l’argent qu’ils ont donné et de ne pas l’utiliser immédiatement.
L’idée non plus n’est pas nouvelle, nous l’avons défendue sur PermisMag en 2018. Elle est désormais unifiée dans l’ouvrage. En 2019, le CNPA (dit Mobilians) avait fait cette demande au ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner (voir communiqué). Cette demande a été envoyée aux journaux, mais elle s’est opposée à la fin du rejet par le ministère du Travail.
L’UNIC prend également en charge la portabilité du CPF. Pour son vice-président Thibault Droinet, c’est une recette normale. Il a ajouté, « il devrait être donné aux jeunes qui veulent le prendre ensemble, entre 15 et 17 ans. ». Le CPF propose également de financer des formations au permis moto afin que les demandeurs d’emploi puissent trouver des emplois nécessitant un deux-roues (quatre exemples : coursiers, livreurs, etc.), après avoir été agréés par Pôle emploi.
Pour Patrick Mirouse, président de l’UNIDEC, cette solution s’impose. Depuis 20 ans, l’UNIDEC se bat pour le financement du permis de conduire, comme pour la formation professionnelle. La mobilité doit être financée et le transfert CPF est une solution que nous préconisons. »
La situation actuelle oblige le législateur à reprendre ce dossier.
Le CPF : un dispositif utile, qui demande à être élargi
CPF c’est un financement garanti ! La formation au permis de conduire est, de loin, la formation qui ouvre droit au CPF. En 2021, elles représentaient 14,6 % de l’ensemble des formations financées, contre 12,8 % en 2020 (source : Caisse des Dépôts).
Cependant, le recours au CPF pour financer son permis n’est réservé qu’à un groupe restreint de salariés (ou chercheurs). Pour une bourse financée à 100%, le candidat doit travailler pendant 3 à 4 ans. Ainsi, un adhérent qui commence à travailler directement après le bac ne pourra financer sa licence à 100% grâce au CPF qu’à l’âge de 21-22 ans. Un candidat qui étudie depuis longtemps (Bac+5, Master) doit attendre 26-27 ans. C’est déroutant quand on se rend compte qu’un permis est généralement un pré-requis pour commencer à travailler.
En 2021, le CPF a pu financer 2,1 millions d’enseignements (tous secteurs confondus), dont 307 000 permis d’études B financés l’an dernier. Un chiffre basé sur le million de candidats qui passent le permis B chaque année. Cela signifie que 70% des candidats ne sont pas inclus dans le programme.
Dès lors, si le recours au CPF pour financer son permis de conduire est très en vogue, il est réservé à une personne limitée, déjà motivée. La majorité des candidats – à savoir les jeunes de 16 à 24 ans – ne sont pas inclus dans ce processus, même s’ils sont ceux qui en ont le plus besoin.
Les freins progressivement levés
Une transmissibilité facilitée avec la monétisation du CPF
L’un des problèmes recensés par le ministère du Travail est le CPF (anciennement DIF, Droit Individuel à la Formation) – comme son nom l’indique – « les personnes ». Dans un premier temps, le salarié accumule des heures de formation dont le prix peut varier selon son poste et son niveau de salaire. Depuis le 1er janvier 2019, le CPF est « monétisé » et s’exprime désormais en euros. Ce changement a facilité la remise à leurs enfants de l’argent collecté sur les comptes des parents.
Des mesures similaires existent dans d’autres secteurs
La possibilité de transférer l’épargne sur un compte personnel représentera un changement dans le système actuel. Cependant, des mesures similaires permettant le transfert de capital entre familles (et non parents) existent dans d’autres domaines :
Un système similaire peut être mis en place dans CPF.
Un impact financier limité pour la Caisse des Dépôts
Une autre raison qui explique le refus du ministère du Travail est probablement l’impact financier que ce processus aura. Si vous regardez attentivement les chiffres, cet effet se révélera assez effrayant.
En effet, au 31 mars 2022, la Caisse des Dépôts gérait 38,9 millions de Comptes Personnels de Formation, comptabilisés en moyenne à 1 800 € (source : Caisse des Dépôts), représentant 70 Md€ de dépôts.
Chaque année, le CPF perçoit 500 € par salarié (dans la limite d’un plafond de 5 000 €), soit 19,5 milliards d’euros supplémentaires.
La formation au permis de conduire représente un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros par an (permis B uniquement), dont 312 millions ont déjà été investis par le CPF (source : Caisse des Dépôts).
Le financement du permis de conduire par le CPF pour tous les candidats, grâce au cumul de l’ancien CPF, coûtera donc environ 1,7 milliard d’euros par an (sur 19,5 milliards disponibles). Il n’affecte pas l’équilibre du financement de l’enseignement professionnel.
Lever les dernières réticences
Pour Patrick Mirouse (UNIDEC), la mise en œuvre du transfert du CPF a été bloquée par le ministère du Travail pour des raisons précises (il faut amender la loi pour transférer le CPF) et d’autre part par la crainte de l’imprévu « point final ». Par ailleurs, il a laissé entendre que « le transfert du CPF se limite au financement du permis de conduire » au départ. Une volonté partagée par Lorenzo Lefebvre (Mobilians), qui se dit « prêt à travailler sur le test du système » avec le ministère du Travail.
La ministre du Travail, Elisabeth Borne, a été nommée Premier ministre hier, nous espérons qu’elle portera une attention particulière à ce dossier prioritaire.