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L’éthique organisationnelle se démocratise en entreprise : les managers se préoccupent désormais autant de cet aspect que du profit, et parfois même plus. Mais voici tout le paradoxe : selon un chercheur, les salariés pourraient agir de manière moins morale au travail si des normes élevées sont fixées.
Muel Kaptein, professeur d’éthique des affaires à la Rotterdam School of Management, explique dans un article scientifique mis en lumière par Grianchloch que de nombreuses banques, assurances et industries pharmaceutiques ont traversé des scandales ces vingt dernières années. Pour y remédier, ces derniers ont amélioré leurs pratiques… avant d’être de nouveau frappés par la polémique quelques années plus tard.
Si certains attribuent ce phénomène à des problèmes qui sont simplement mis sous le tapis au lieu d’être traités, le professeur a une toute autre interprétation. Selon lui, les entreprises en question deviennent effectivement plus éthiques, mais cette innovation crée de nouveaux problèmes.
Puisque l’organisation éthique cherche toujours à s’améliorer, les employés sont encouragés à prêter attention aux moindres détails qui ne correspondent pas et ainsi trouver des problèmes là où il n’y en a pas. Cela pourrait avoir pour conséquence, par exemple, qu’un responsable exerce trop de pression sur son personnel, ou que les travailleurs deviennent plus stressés et créent des problèmes qui doivent être résolus – des problèmes qui n’existaient pas auparavant.
Ce besoin d’amélioration incompressible peut être contre-productif, voire néfaste, puisque la barre finira par être fixée à un niveau impossible.
La théorie du fruit défendu
Au niveau individuel, plus une entreprise devient éthique, moins ses employés sont biaisés. Muel Kaptein utilise une analogie pour l’expliquer : de même que manger les fruits défendus peut être attirant (selon ses recherches, « l’interdiction de fumer ou l’usage de la marijuana les rend plus attirants »), il est possible d’agir sans autorisation, et plus donc lorsque les normes organisationnelles sont élevées. En d’autres termes, plus les exigences sont importantes et ancrées dans l’entreprise, plus il est intéressant pour les travailleurs de ne pas les respecter, voire de les enfreindre.
En fait, le cerveau humain est toujours attiré par l’interdit. Par exemple, lorsque nous suivons un régime, nous nous privons d’un aliment en particulier, notre désir pour celui-ci augmente et la fréquence de nos pensées à son sujet augmente. De même, lors d’une perte de poids, plus l’objectif est proche, plus la tentation de rompre le régime est grande.
La théorie des résultats interdits appliquée à l’éthique organisationnelle, comme le fait Muel Kaptein, met en lumière pourquoi il est si difficile pour les entreprises de respecter leurs propres normes : plus une organisation devient éthique, plus les comportements contraires à l’éthique deviennent éthiquement attrayants et donc susceptibles de se produire. . « Il est plus sensible de rester éthique que d’être humain », précise le chercheur.