Publié le 21 octobre 2022 à 06h02 Mis à jour le 21 octobre 2022 à 9 h 19

La lumière mystérieuse d’une esquisse qui associe la Tour Eiffel, la colonne Vendôme, le Panthéon et le lampadaire attire le regard. A Noël, il suffit d’entrer dans les boutiques Pierre Hermé pour revisiter Paris. La bûche de Noël du Faubourg Saint-Honoré associera la vanille aux noix de pécan et au caramel à la fleur de sel sur un fond glacé décoré de monuments, tandis que la version Monceau associera la farine de châtaigne, la crème de marrons glacés et la pâte de fruits passion Depuis fin octobre, les macaronis du Sacré-Coeur ou du Champ-de-Mars ont préparé le terrain.

En choisissant la capitale comme thème de fin d’année, le pâtissier français le plus connu à l’étranger met en avant ses racines françaises. Une façon de réaffirmer son identité vingt-cinq ans après la création de la maison qui porte son nom alors qu’il n’a jamais réalisé autant de projets, souvent internationaux.

Partenariats avec d’autres marques

La page du confinement désormais tournée un peu partout va de pair avec le nouvel élan donné au développement par un changement de partenaire. Walter Butler et sa société d’investissement ont acquis en décembre 2021 la majorité du capital de LOG Investment, la holding de L’Occitane. Pierre Hermé conserve le reste des parts d’une entreprise qui, avant la pandémie, réalisait, selon les estimations, un chiffre d’affaires de cent millions d’euros. « Walter Butler aime la gastronomie. Il essaie d’amener la marque plus loin. Nos échanges portent aussi sur l’aspect artistique », remarque le créateur d’Ispahan à base de rose, de framboise et de litchi. « Cette entreprise ce n’est pas comme les autres. Cela fait partie du luxe français, de notre patrimoine culturel et culinaire », a déclaré le financier annonçant l’alliance.

Le groupe de travail cupide est prêt pour l’offensive. Les équipes viennent de se regrouper dans un nouveau siège social au 100 boulevard Malesherbes, à Paris. Ce qui réunit le marketing et l’atelier créatif où les process foisonnent. Et faire des partenariats avec d’autres marques, qui se rencontrent, de la Tour Eiffel à la Monnaie de Paris ou Nespresso qui distribuera en fin d’année les cafés et biscuits revisités par la pâtisserie dans tous les pays où se trouve le label Nestlé. cadeau Du côté du magasin, les cartons du Monopoly parisien se remplissent. Les points de vente de l’île Saint-Louis et de l’avenue des Ternes complètent la vingtaine d’implantations déjà présentes dans la capitale. Deux boutiques vont être ouvertes à Roissy, avec de nouveaux projets également dans les gares.

Pasticceria Pierre Hermé. Infiniment café moka, 2000 feuilles, tartes ispahan et Infiniment vanille.©IORGIS MATYASSY pour Les Echos Week-End

Pour le reste de la France, les ventes en ligne ont gagné leur lot. Les macarons, fabriqués depuis 2008 dans l’usine de Wittenheim, en Alsace, berceau du pâtissier, sont à l’honneur, tout comme les chocolats. Sa durée de vie joue en sa faveur. Mais pour ne pas priver les amateurs en dehors des boutiques d’autres types de gâteaux, les douceurs nomades ont fait leur apparition l’an dernier. De forme ovale, elles sont expédiées à une température de -18°C et se dégustent au frais. Le sel fait aussi partie du paysage. Mais uniquement par les cafés, qui fleurissent avec leur arrivée cet été à la Galerie des Fresques, à la Gare de Lyon, ou au Pont de l’Alma. Le lancement de ce type de produit en magasin n’est cependant pas au menu. « Ce n’est pas notre travail principal, justifie Pierre Hermé. Pour les plats servis à table, souvent inspirés de douceurs, comme pour l’avocado toast avec sa pâte ultra-sable et ses éclats de framboise. Je veux créer du pain perdu savoureux. »

L’étranger reste une terre de conquête pour celui qui a été sacré meilleur pâtissier du monde en 2016. Le Japon occupe une place importante dans l’activité. Le premier magasin a ouvert en 1998, avant même la France. Plus de 40 % des ventes y sont réalisées, avec quatre points de vente supplémentaires prévus. Le découvreur de nouveaux goûts pourra enfin revenir ici en novembre, celui que le Covid et les restrictions d’entrée ont privé de ses habituels trois voyages par an dans un pays auquel il est très attaché. Mais la marque de luxe commence à s’intéresser aux autres continents. Au Qatar, le troisième espace sera un café. Alors qu’un atelier devrait être opérationnel à Dubaï en 2023.

Comme toujours, la difficulté est de trouver les bons canaux d’approvisionnement. Dans la région, des collaborations avec des hôtels de luxe sont également à l’étude, comme celle déjà en place à La Mamounia à Marrakech. « La haute-pâtisserie est un marché de niche. Mais elle a encore un potentiel de croissance à l’international car de nombreux pays ont longtemps eu une culture sucrière inférieure à la nôtre. En France, le marché n’est pas saturé dans les zones touristiques », juge François Blouin, fondateur président de Food Service Vision.

Collections et saisonnalité

Sur le plan personnel, la sortie ce mois-ci par Buchet Chastel de Toutes les saveurs de la vie, une autobiographie, écrite avec la journaliste Catherine Roig, marque également un tournant pour Pierre Hermé. Habituellement plus enclin à parler de ses créations que de lui-même, à sortir des livres de recettes plutôt que des confessions, il enfreint la règle. Ce fils de boulangers-pâtissiers de Colmar, né en 1961, lève le voile sur une enfance passée au rythme de la boutique familiale. Il évoque ses cours chez Lenôtre, où il trouve un père spirituel, ses passages chez Fauchon et Ladurée et rend hommage à sa femme, Valérie, qui lui a fait découvrir la richesse des ingrédients corses. Lui, si réservé, fut convaincu d’écrire à la première personne. « C’était un bon moment pour partager la façon de travailler. »

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Le confiseur est le premier à avoir appliqué les codes de la haute couture à la confiserie, créé une saisonnalité dans les images de mode et lancé de véritables collections. La maison oscille en permanence entre gâteaux signatures devenus de grands classiques et créations. Les meilleures ventes restent, année après année, Ispahan, puis les 2000 feuilles et la galette vanille Infiniment. Cependant, le renouvellement n’a jamais été aussi crucial face à une concurrence féroce. Hermé réinterprète donc aussi des goûts anciens. D’ici la fin de l’année, l’ispahan sera disponible sous forme de panettone. Pour de nouvelles saveurs, la créativité de la « Picasso Pasticceria », comme l’appelait autrefois un journaliste anglo-saxon, puise sa source dans ses voyages.

Au Café Pierre Hermé Beaupassage Paris, les macarons must have.©IORGIS MATYASSY pour Les Echos Week-End

Dans sa maison, qui emploie environ 650 personnes, le créateur s’occupe de tout. Longtemps, il forme un duo professionnel avec Charles Znaty, avec qui il fonde la maison. Depuis le départ de ce dernier, le pâtissier s’est lancé dans des sujets marketing. Aussi un nouveau directeur général, Eric Vincent, est arrivé au printemps. « J’aime entrer dans les détails », avoue Pierre Hermé, qui visite régulièrement les boutiques à la recherche de ce qui ne fonctionnerait pas. Il n’a pas oublié le douloureux passage par la faillite il y a vingt ans, provoqué, malgré le succès de la pâtisserie, par une association malheureuse avec le duo Hubert Boukobza/Jean-Luc Delarue.

En se lançant dans une collaboration, Pierre Hermé en découvre les différentes facettes. Avec Nespresso, il a rencontré des producteurs de café en Colombie dans la région de Tolima, visité des chocolateries et biscuiteries en Suisse et travaillé avec le nez Olivia Giacobetti pour la bougie qui complète la collection de Noël. « Pierre Hermé a passé beaucoup de temps à appréhender la culture du café auprès des cultivateurs. Sa soif de découverte est inépuisable, y compris vis-à-vis de ce que les autres ressentent en termes de goût. C’est l’un des secrets leur permettant de se réinventer sans cesse. « , a déclaré Mélanie Brinbaum, Chief Brand Officer de Nespresso. Elle s’attend à un très bon accueil tant en Asie que dans les grandes villes américaines qu’en Europe.

La pâtisserie française à l’Unesco ?

L’envie d’explorer d’autres mondes a conduit le créateur à dévier dans ses échanges avec des personnalités comme le parfumeur Jean-Michel Duriez. Il n’a d’ailleurs pas son pareil pour dénicher de jeunes illustrateurs qui mettent leur empreinte sur les boîtes de ses gâteaux. Octave Marsal crée l’ambiance de Noël avec ses créations sophistiquées. Des discussions avec l’artiste portugaise Joana Vasconcelos et une visite de son atelier lui ont donné envie d’imaginer une collaboration. « Ces échanges nourrissent ma curiosité », se réjouit le roi des macarons. Quand on parle des nouvelles générations dans son univers, il met en avant le devoir de transmission qui lui a fait accepter la présidence de la Coupe du Monde de la Pâtisserie. Il travaillera avec la profession à vivre pour que la pâtisserie française, unique au monde, soit classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Si Pierre Hermé songe moins que jamais à partir, il sait aussi qu’il doit « poser les bases » de sa succession. Au programme, l’élaboration d’un livre sur les réalisations véganes et d’un dictionnaire amoureux de la pâtisserie. « J’ai une idée en tête : un gâteau paradoxal dont les ingrédients ne seraient pas, pris séparément, considérés comme bons, mais qui, assemblés, donneraient un résultat délicieux. »

Contrairement à de nombreux confrères, qui en ont fait leur nouveau Graal, il n’a pas l’intention de dédier un point de vente au pain, qui demande un savoir-faire très précis. Il connaît bien le métier. L’odeur du pain et des petits pains le réveillait le matin dans sa chambre située juste au-dessus de l’atelier familial. Son nouveau rêve serait cependant d’ouvrir un temple dédié au chocolat, qui ne serait plus seulement un achat supplémentaire. Car le créateur célébré dans le monde pour ses gâteaux aimerait être reconnu à la même hauteur pour son travail autour du cacao.

Une pièce en forme de macaron

Habituellement, à la Monnaie de Paris, les objets de collection publiés autour d’événements ou de personnages comme Astérix sont plats. La collaboration avec Pierre Hermé joue avec le volume. Et pour une bonne raison. Il représente un macaron. Une exception permise par la rencontre de deux passionnés, le pâtissier et le graveur généraliste Joaquin Jimenez. Un projet dans lequel Marc Schwartz, le directeur général de l’établissement est largement impliqué. Ces objets d’or et d’argent, sur lesquels s’entremêlent les initiales de Pierre Hermé et le sceau de la République française, sortiront en novembre.