Le titre de cet article résume en quelques mots forts ce que toute notre société pense d’elle-même. Le sexe ne serait pas éternel et ne peut être pratiqué après un certain âge. Mais quel âge ? C’est là que réside la question. Demandez à n’importe quel enfant, qu’il ait 18 ou 58 ans. Aimez-vous penser que vos parents peuvent avoir des relations sexuelles ? Moment inconfortable. À cette réalité, cependant, nous devrons nous y habituer. Car contrairement à leurs aînés, beaucoup de « new olds » aspirent à garder leur sexualité active. Jusqu’à quand ? Jusqu’à la mort s’il le faut, tant qu’il y a du désir. Mettons de côté les préjugés.
Ce sujet délicat de la sexualité des personnes âgées est abordé dans une série astucieusement intitulée « We Never Stop Being Silly ». Réalisées par l’Institut régional d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) de Bretagne, ces courtes vidéos diffusées sur YouTube abordent tous les tabous autour de la sexualité des personnes âgées. Et cette semaine, il a atteint son sixième épisode qui touche presque au cœur du sujet : le désir. On discute de l’évolution des désirs, du corps qui change. On rappelle aussi que l’absence de sexualité « n’est pas une fatalité ». Quelque chose qui n’existait pas il y a vingt ans. Mais peu à peu elle s’impose dans notre société qui en a bien honte. La raison ? L’allongement de l’espérance de vie mais aussi la retraite des jeunes qui ont grandi en mai 1968. « Cette génération a vécu la révolution sexuelle et il en reste quelque chose. Aujourd’hui, on estime que plus de la moitié des personnes âgées sont sexuellement actives. Alors qu’il y a vingt ans à peine, nous étions à 10 % », explique Hervé Strilka.
« On a plein de jeunes couples de vieux »
Pour mener à bien son projet vidéo, le chef de projet de l’IREPS s’est tourné vers Gérard Ribes. Ce psychiatre s’est fait connaître pour ses consultations de sexologie destinées aux personnes âgées. « Quand j’en parlais il y a vingt ans, ils m’ont dit que ça n’existait pas. Ils ont dit que j’étais gérontophile. Mais tout a changé. La question de la sexualité va être une révolution sociale sur la représentation des vieux. âge », raconte le médecin. Pendant des années, il a reçu des interrogatoires de personnes âgées dans son cabinet. Certains sont en couple depuis trente ans mais ont rompu. D’autres, de plus en plus, rompent et recommencent une histoire. avec le taux exponentiel de divorce des plus de 60 ans. Nous avons beaucoup de jeunes couples de personnes âgées et la question du sexe se pose. Les gens se demandent s’ils savent encore faire. Ce que l’autre va penser de leur corps. Les hommes se demandent si elles peuvent encore avoir une érection et les Femmes peuvent se mouiller. On les rassure, on leur dit comment tout commencer ». « La parole est la première des caresses », glisse l’IREPS dans une de ses vidéos, comme pour rappeler aux l’importance de la communication dans les couples. un.
Le psychiatre utilise des mots plus durs, mais assume. Parce que les patients auxquels ils s’adressent sont des adultes, ils ont tous bien vécu et ne sont plus des adolescents, même si certains points les unissent. « Le corps qui change, les relations qui changent, les questions. Nous avons les mêmes questions que les adolescents. Aude Théaudin-Bourhis est médecin. Se référant au centre de prévention Agirc-Arrco, il a vu la question sexuelle arriver au galop. Selon elle, le changement a commencé il y a dix ans. « Aujourd’hui, les gens osent en parler. Il y a une réappropriation du désir, de la sexualité dans le couple. Chez les hommes, il semblait que l’impuissance touchait à sa fin. Souvent, dans un couple, c’est comme ça que ça se termine. La femme n’ose pas en parler, de peur de rabaisser son homme, de l’offenser. Mais il n’y a pas d’expiration ! »
« J’ai vu des femmes de 70 ans découvrir l’orgasme »
Ce mercredi, le médecin donnera une conférence à Rennes sur le thème « L’amour à tout âge ». Selon elle, les questions sont les mêmes à 40 ans qu’à 70 ans. Mon corps vous plaira-t-il ? Suis-je désirable avec mon ventre et mes vergetures ? « Il ne faut pas arrêter sa sexualité, mais l’adapter à son corps, à ses envies. J’ai vu des femmes de 70 ans découvrir enfin leur sexualité et trouver l’orgasme. » Avec la psychologue Kiara-Aurore Harel, elle tentera ce mercredi d’expliquer comment la sexualité peut durer. « C’est une génération vieillissante, mais elle est encore très en forme en comparaison. avec leurs aînés. Sa sexualité est plus large, plus variée. Elle ne se concentre pas uniquement sur la pénétration. La société donne une vision jeune de la sexualité. Il doit être dynamique, rapide. Les personnes âgées ne s’identifient pas à cette image. Ils ont de l’expérience, ils savent ce qu’ils veulent, ce qu’ils aiment ». Son confrère n’hésite pas à rappeler le rôle du Web dans cette révolution. « Internet offre la possibilité aux seniors de se renseigner, d’échanger, de discuter ». seulement Ils parlent de tricot.
Le problème avec la question des relations sexuelles entre personnes âgées, c’est qu’elle dérange bien plus que les premiers intéressés. S’ils se demandent ce qu’ils font ou n’ont pas le « droit » de faire, les plus de 60 ans doivent aussi affronter le regard rarement heureux de leurs enfants. « Penser que vos parents déconnes est tabou. Il y a une forme d’interdit qui reste présente », explique Gérard Ribes. Le Dr Théaudin-Bourhis dilue les propos. « Rencontrer un nouveau partenaire peut être problématique pour la famille. Les enfants ont souvent envie de protéger, c’est bienveillant, ça vient d’un bon feeling. Mais vous ne devriez pas priver quelqu’un de sa liberté en pensant que vous le protégez. »
Si la question se pose dans les familles, elle peut être encore plus délicate dans les institutions. Alors que les Ehpad sont déjà sous le feu des critiques et peinent à recruter, ils doivent aussi faire face à cette révolution imposée par Papy et Mamie. « Parce que tu es fragile, tu ne peux plus te masturber ? demande le Dr Ribes. « La sexualité est une nécessité à prendre en compte. Chacun doit conserver sa liberté de choix. Les soignants commencent à se former, mais c’est très récent », a déclaré Aude Théaudin-Bourhis.
Si l’IREPS a décidé d’enquêter sur ce sujet délicat, ce n’est pas pour rien. Dans sa volonté d’accompagner les personnes âgées à « bien vieillir », la collectivité territoriale espère aussi préserver leur santé. A tous ceux qui nous lisent encore, nous allons livrer un scoop, que chacun de nos interlocuteurs s’est promis de partager. L’amour et le sexe sont bons pour la santé. Et il n’y a pas d’âge pour en profiter.