L’apparition des nouveaux sous-variants d’Omicron, XBB et BQ.1.1, et la possible co-infection par deux variants, associée à une co-infection avec la grippe, compliquent la tâche des chercheurs. « Quelle sera la situation sanitaire cet hiver ? » s’alarment deux chercheurs qui soulignent qu’en l’absence de financement gouvernemental et d’avis scientifiques il sera difficile de prédire l’évolution du coronavirus et d’anticiper de nouvelles vagues d’infection.

Une certaine « fatigue pandémique » a vaincu une partie de la population, mais SARS-CoV-2 SARS-CoV-2 continue d’évoluer. Alors que la France connaît sa huitième vague (la quatrième en 2022), dominée par la sous-variante OmicronOmicron BA.5, elle voit une autre sous-variante, appelée BQ.1.1, progresser rapidement.

Samuel Alizon, directeur de recherche (CNRS, CIRB) et Mircea Sofonea, maître de conférences et professeur associé (Université de Montpellier, MIVEGEC), évoquent la situation sanitaire qui se profile cet hiver-hiver et mettent en lumière les enjeux de la surveillance et de la recherche dans notre pays. Pour quelles conséquences ?

Le discours : Avec la fin de l’été, l’actualité est revenue sur le Covid et ses variantes. C’est maintenant BQ.1.1 et d’autres XBB mentionnés. Que dire de ces « sous-variantes » ? Et comment sont-ils suivis ?

Samuel Alizon : Depuis septembre, il y a eu une forte diversification du SARS-CoV-2, avec l’émergence de nombreux sous-variants du variant Omicron.

BA.4.6, BA.2.75, BA.5.2 et même B.1.1.529.5.3.1.1.1.1.1.1, renommé BQ.1.1 selon la nomenclature Pango, qui fournit un système d’identification pour retracer les lignées génétiques du SRAS – CoV-2 d’importance épidémiologique…

Tous ces genres, qui prédominent dans différentes régions du monde (par exemple, BQ.1.1 est en train d’émerger en France), appartiennent officiellement à la variante Omicron. Ce sont donc des sous-variantes, mais en réalité on pourrait facilement les appeler des variantes.

TC : Que sait-on de ces nouvelles sous-variantes ? Représentent-ils une menace épidémiologique ?

SA : À ce stade, la plupart des connaissances sur ces nouveaux genres doivent être prises avec prudence, car elles proviennent au mieux de pré-publications et non d’un examen par les pairs. On sait peu de choses sur leur virulence et, bien sûr, presque rien sur les effets à long terme de leurs infections.

4 facteurs ont été identifiés qui favorisent le Covid à long terme

En revanche, nous sommes sûrs des mutations présentes dans les génomes de ces lignées car ce sont elles qui les définissent. Par exemple, le variant BA.5 a fixé une mutation en position 452 de la protéine Spike protein. De nombreuses recherches ont été effectuées à ce sujet, car elle était caractéristique de la variante Delta Variante Delta au moment de la publication.

Pour BQ.1.1, nous voyons un ensemble très différent de mutations dans le domaine de liaison au récepteur (RBD) de cette protéine, c’est-à-dire la partie de la protéine Spike qui interagit avec ACE2, le « verrou » à la surface des cellules qui infecte SRAS-CoV-2. C’est notamment le cas pour la mutation S:R346T. Comme l’indique une pré-publication d’un consortium d’équipes chinoises, ces mutations semblent conférer à cette lignée un potentiel d’évasion immunitaire important. De plus, BQ.1.1 peut ne pas être sensible au traitement par des anticorps monoclonaux disponibles en France (comme l’association tixagevimab-cilgavimab (Evusheld)).

Parmi les sous-variantes suivies, notamment en raison de ses potentielles capacités d’évasion immunitaire, on peut également citer la lignée XBB, qui est le résultat d’une recombinaison-recombinaison entre des virus viraux des lignées BJ.1 et BM.1.1 lors de la co- infection de la même cellule.

TC : Comment ces sous-variantes inquiétantes sont-elles contrôlées ? D’où viennent les données épidémiologiques ?

SA : Sur le plan épidémiologique, la qualité du système de surveillance britannique est toujours excellente. Leur dernier rapport daté du 7 octobre 2022, qui combine des données de dépistage et de séquençage, offre une image particulièrement claire de leur situation épidémique.

Pour les autres pays, dont la France, nous nous appuyons sur les données de séquences partagées sur la plateforme GISAID. Plusieurs sites internet, dont Nextstrain.org mais aussi l’excellent covSPECTRUM de l’équipe du Pr Tanja Stadler, en Suisse, permettent de visualiser la dynamique des variants en temps réel (dans la limite des données fournies par chaque pays).

Mircea Sofonea : A noter que, contrairement aux ondes précédentes causées par l’arrivée d’un nouveau variant, les données de dépistage issues des écrans RT-qPCR (qui identifient des mutations préalablement définies et servent donc à détecter des variants déjà connus) ne permettent plus d’identifier ces nouvelles lignées distinctes .

Cela nous prive d’un signal précoce et donc précieux pour informer les modèles en temps réel sur la dynamique de remplacement actuelle. Celle-ci ne peut alors être connue que par séquençage, avec un délai d’au moins une semaine après le prélèvement (auto-arrivée quelques jours après le début de l’infection) et sur un prélèvement réduit pour des raisons matérielles – les études FlashFlash réalisées par le Consortium Emergen avec 1 000 à 2 000 séquences interprétables.

Le problème est que cette fois la France est la première à connaître la prédominance de la nouvelle (sous) variante (BQ.1.1). On ne peut donc plus se fier aux tendances observées outre-Manche !

Alors que la diversité génétique du SARS-CoV-2 met à nouveau à l’épreuve notre système de surveillance et de prise en charge, la chaîne technico-scientifique, du prélèvement individuel à l’analyse de population, sur laquelle repose notre anticipation collective, nécessite un investissement immédiat à la hauteur le défi de la santé publique.

TC : Comment ces variantes s’intègrent-elles dans l’évolution globale d’Omicron ?

SA : Jusqu’alors, nous avions souvent une lignée dominante et des substitutions de variantes assez prononcées : Alpha remplaçait toutes les lignées précédentes, Delta remplaçait Alpha et ainsi de suite.

Là, comme on peut le voir sur le site Nexstrain.org, les sous-lignes de BA.2, BA.4 et BA.5 semblent circuler ensemble dans le monde entier.

Quant aux raisons de cette diversification, il est bien sûr impossible d’en être sûr. L’étude de la diversité biologique est un domaine en soi, mais deux hypothèses peuvent être formulées.

D’une part, la diversité des parasites parasites est souvent corrélée à celle de leurs hôtes. Or, les populations humaines sont aujourd’hui plus diversifiées que jamais en termes d’immunité, qu’elle soit d’origine vaccinale ou post-infectieuse.

D’autre part, la diversification du virus est également proportionnelle au nombre de nouvelles infections et actuellement le virus circule de manière incontrôlée dans de nombreux pays.

TC : Peut-on s’attendre à une telle situation ?

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MS : S’il est impossible à l’heure actuelle, et certainement pour de nombreuses années à venir, de prédire la trajectoire évolutive précise d’un coronavirus coronavirus, les dynamiques de diversification observées depuis le printemps ne sont pas forcément surprenantes.

Les deux premières années de la pandémie pandémique ont été caractérisées par de fortes pressions de sélection sur la transmission – Alpha et Delta n’ont pu survenir que parce que leur infectivité particulièrement élevée leur a permis de compenser la distanciation sociale et le masquage.

Omicron, qui provenait d’une ancienne branche de l’arbre phylogénétique SARS-CoV-2 et non de ces deux variants, s’est quant à lui propagé dans un contexte où l’immunité des populations (post-infectieuse et vaccinale) était devenue un frein supplémentaire à la propagation virale . Depuis le printemps 2022, cette immunité est le seul frein restant.

Grâce à la combinaison de son pouvoir infectieux élevé et de sa forte évasion immunitaire, Omicron BA.1 a presque conduit d’autres genres à l’extinction et a bénéficié de la circulation avec peu de restriction en plus de l’immunité humorale et cellulaire qui s’est développée contre eux.

Cependant, comme toute infection est source de mutations (aléatoires), les conditions étaient réunies pour mettre en place un « tapis roulant » de diversification alimenté par l’évasion immunitaire.

TC : C’est donc cette capacité à se diversifier à l’infini ?

SA : Cette question invite à revenir sur les débats de 2020 voire 2021, où certains annonçaient un « essoufflement » du virus dont les capacités de mutation diminueraient.

En effet, l’évolution virale est toujours difficile à anticiper car toute mutation peut complètement changer le « paysage adaptatif » du virus, c’est-à-dire ses capacités évolutives. Aux limitations génétiques s’ajoutent celles de l’environnement et de la variabilité des populations infectées par le virus.

Un point intéressant dans la diversification actuelle des lignées virales est qu’il existe un certain nombre de cas d’évolution parallèle, c’est-à-dire de lignées qui fixent indépendamment la même mutation.

TC : Qu’est-ce que cela pourrait signifier pour cet hiver ? Les pronostics sont-ils encore possibles ?

SA : C’est très difficile, car en plus de la difficulté scientifique, les équipes de recherche en France n’ont quasiment pas de financement de base annuel (dit « récurrent »), et de nombreux projets ont été refusés cette année. Bref, nous ne sommes plus en mesure d’explorer des scénarios prospectifs. Et contrairement à 2020 et 2021, il n’y a plus de conseil scientifique pour demander de telles analyses. Les inconnues sur le déroulement de l’hiver sont donc énormes.

Ce que l’on peut dire cependant, c’est que la vague actuelle (qui a débuté mi-septembre) est toujours dominée par la ligne BA.5, qui avait déjà déclenché le troisième pic épidémique de 2022 en juillet. Cette quatrième vague a probablement des causes multiples, mais on peut noter qu’elle a coïncidé avec la rentrée scolaire et qu’une première circulation a été observée chez les enfants.

Quant à savoir pourquoi la même variante a pu générer une nouvelle vague si peu de temps après la précédente, il est probable que des facteurs sociaux aient été décisifs. L’été, qui a probablement brisé la vague précédente, et la rentrée ont été favorables à la reprise de la circulation virale. Le maintien de l’immunité après l’infection par la vague estivale à BA.5 explique probablement pourquoi le pic chez les enfants a été atteint si rapidement (avant la fin septembre).

Pour les adultes, l’épidémie épidémique a logiquement démarré plus tardivement et en raison d’un déferlement de l’épidémie chez les enfants. Malheureusement, le pic épidémique a démarré lentement cette fois. Les données de séquence sont encore inégales, mais, comme le suggèrent les visualisations du site covSPECTRUM, l’émergence des « nouvelles » variantes mentionnées ci-dessus (telles que BQ.1.1) peut en être la cause.

XBB et BQ.1.1, deux sous-variantes d’Omicron très suivies depuis leur apparition. Et ce n’est pas pour rien qu’ils sont jusqu’à présent les plus résistants aux anticorps !

Article de Julie KernJulie Kern, publié le 14 octobre 2022

La circulation active d’Omicron s’est traduite par un nombre impressionnant de sous-variantes de ce dernier, qui toutes, selon une prépublication, ont la capacité de le remplacer. « Une émergence aussi rapide et simultanée de multiples variantes avec d’énormes avantages de croissance est sans précédent », écrivent Yunlong Cao et ses collègues, scientifiques de l’Université de Pékin et auteurs de la préimpression BioRvix. Deux d’entre eux sont à l’honneur : BQ.1.1 et XBB.

XBB et BQ.1.1, des variants champions de l’évasion immunitaire

La séquence génétique de BQ.1.1 a été partagée pour la première fois le 26 août 2022. Cette sous-variante d’Omicron, dont le nom complet est B.1.1.529.5.3.1.1.1.1.1, a été collectée auprès d’un voyageur dans un aéroport japonais en provenance d’Égypte. Selon toute vraisemblance, BQ.1.1 serait originaire du Nigeria. Depuis, il fait le tour du monde. En France, 91 séquences correspondant à BQ.1.1 ont été détectées, représentant une prévalence de 0,073 %. XBB est le résultat de la recombinaison de BJ.1 et BA.2.75, deux sous-variantes d’Omicron. Identifié pour la première fois le 12 septembre 2022 à Singapour, il a depuis été détecté au Bangladesh et aux États-Unis, dont l’État de New York.

Pour l’heure, seule la pré-publication renseigne BioRvix sur certaines capacités de ces deux variantes. Les tests de laboratoire pour estimer leur capacité à résister aux anticorps thérapeutiques indiquent que les deux sont résistants à la plupart des médicaments disponibles. Les anticorps présents dans le plasma des personnes vaccinées au CoronaVac – l’étude étant menée en Chine, c’est cette formule vaccinale qui a été privilégiée – ne vont pas mieux. Les résultats indiquent que XBB, en particulier, présente « les capacités d’évasion immunitaire les plus extrêmes », similaires à celles observées pour le SRAS-CoV-1. Les scientifiques n’ont pas reproduit ces expériences avec du plasma de personnes vaccinées avec PfizerPfizer, Moderna ou AstraZenecaAstraZeneca – les vaccins de choix en Occident.

Covid-19 : on sait combien de temps l’efficacité de la 3e dose diminue

Il n’y a pas encore assez de données pour savoir si ces deux variantes provoquent certains symptômes du Covid-19 ou sont plus mortelles. Pourtant la surveillance du Covid-19Covid-19 et de ces variantes est toujours d’actualité. En France, la huitième vague progresse toujours, avec environ 55 000 cas confirmés par jour, dont 100 % sont dus à une variante de la famille Omicron.