Muriel Pénicaud, en juin 2020.

© Jacques Witt/Sipa

Après l’adoption du projet de loi de finances jeudi, l’amendement du gouvernement, qui crée une charge résiduelle pour les salariés qui utilisent leur compte personnel de formation (CPF), pourra être mis en œuvre. Malgré le tumulte général. Pour l’ancien ministre du Travail, cette mesure doit être « supprimée ».

Le gouvernement va instaurer la participation des salariés au CPF. Qu’est-ce que tu penses ?

L’éducation et la formation sont désormais vitales. La France est le 13ème pays au monde en termes de dépenses publiques par habitant consacrées à l’éducation et le 25ème pays en termes de maîtrise des savoirs de base [source OCDE]. Nous nous dirigeons de plus en plus vers une société des compétences, mais nous ne préparons pas suffisamment notre avenir. Avec la révolution numérique, le verdissement de l’économie et le vieillissement de la population, un emploi sur deux ne sera plus le même en 2030. C’est pour toutes ces raisons que nous avons instauré le compte personnel de formation (CPF) par la loi » . Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018 : permettre aux 25 millions d’actifs, grâce à un financement annuel et une application très simple, de se former pour la vie. Avant le CPF, 80 % des Français en formation étaient des cadres. Les autres sont restés coincés dans des pièges à bas salaires faute de qualification pour pouvoir monter. Aujourd’hui, il faut encore six générations pour passer de l’extrême pauvreté à la classe moyenne. Si vous ne donnez pas à chacun le pouvoir de contrôler sa propre vie professionnelle, vous aggravez l’injustice et la division sociale.

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Cet amendement est en contradiction avec le projet Macron

Ces avancées sont-elles remises en cause ?

L’amendement qui a été déposé samedi dernier est une erreur sociale et économique, qui établit un solde à payer quel que soit le coût de la formation. Et donc politique. Car les personnes les plus modestes et les plus instables, celles qui ont le plus besoin de formation, ne pourront pas payer. Une charge restante de 20 à 30% est citée. C’est énorme ! Imaginez quand vous êtes au salaire minimum ! 50 euros valent 50 euros de trop. Pourquoi devriez-vous financer des droits acquis grâce à votre travail, accumulés tout au long de votre vie ? Le reste à couper est un malentendu, à contre-courant de la marche de l’histoire et des impératifs de compétitivité du pays.

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Quelles sont vos préoccupations ?

Ce grand élan que la nation a à l’entraînement peut être stoppé. Cela découragera beaucoup de gens, surtout ceux qui ont le moins d’espoir d’avancement. Grâce à la formation, on peut renforcer son employabilité, anticiper les reconversions ou la mobilité, accéder à une promotion, changer de métier et éviter de souffrir à chaque instant. Quand ça a commencé, on nous avait dit que seuls les cadres activeraient leur CPF. Or, sur les 5 millions d’utilisateurs des trois dernières années, 90 % sont des ouvriers et employés, et 50 % sont des femmes. N’a pas vu! C’est une véritable avancée sociale, et c’est un grand succès. Enfin certains ont pu passer leur permis de conduire, d’autres ont pu passer le permis de conduire, l’aide-soignant ou le diplôme d’informatique. Le CPF a changé des vies. Parmi tant d’exemples, je retiens la fierté de cet éboueur, usé par de lourdes charges, qui pouvait être camionneur et était mieux payé. Ou le ressenti de ces mères célibataires, à Drancy [Seine-Saint-Denis], qui se déplaçaient trois heures par jour pour aller faire le ménage à Roissy [Val-d’Oise], et ont pu faire courir leur permis et réduire leur . trajets jusqu’à trente minutes par jour ou changement d’emploi. Le coût moyen d’une formation est de 1 400 euros. 500 euros sont crédités au CPF par an, il faut donc épargner pendant trois ans pour se payer un stage qualifiant. Ce n’est pas un luxe dans un monde qui change.

Emmanuel Macron a plaidé pour la liberté de choisir sa carrière. L’a-t-il abandonné ?

En 2017, j’ai rejoint Emmanuel Macron pour sa vision transformatrice de l’émancipation par le travail et la formation. Nous avons réussi. Le CPF est victime d’irrégularités budgétaires. Le comprendre comme un coût et non comme un investissement est une erreur stratégique. Cet amendement est en contradiction avec le projet Macron. « Si vous trouvez une éducation coûteuse, essayez l’ignorance », a déclaré Abraham Lincoln. L’État doit faire des économies, mais pas sur l’éducation et la formation, qui favoriseront notre compétitivité et notre intégration sociale.

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