Apporter aux parents de jeunes enfants une information nutritionnelle applicable et réellement compréhensible : c’était l’une des missions du groupe de travail nutrition de la Santé publique de France. L’enjeu est de taille : en France 18,7 % des filles et 14,4 % des garçons âgés de 7 à 9 ans étaient en surpoids en 2016. Pour ce faire, une enquête qualitative a été menée afin de comparer les connaissances expertes sur les habitudes alimentaires des parents. . Huit groupes de 4 à 5 parents ont été interrogés pendant trois heures, puis 15 entretiens individuels ont été menés.

« Faut-il donner des aliments allergènes aux enfants dès le début de la diversification alimentaire ? »

Premier constat : les messages sur la nécessité de réduire les apports en matières grasses, sucre et sel dans l’alimentation sont un message bien reçu par le grand public. Dès lors, les parents ont été surpris de constater que les nouvelles recommandations conseillaient l’ajout de matière grasse dans les préparations maison ou dans des petits pots, qui ne contiennent pas encore de matière grasse.

Deuxième constat : les parents s’étonnent qu’il soit fortement déconseillé de donner à leur bébé du miel et des laitages à base de lait cru. Beaucoup ignoraient les risques microbiologiques associés à ces aliments.

A la question : « Faut-il donner des aliments allergènes aux enfants dès le début de la diversification alimentaire ? », les parents ont, pour la plupart, répondu par la négative. Ils craignaient, surtout pour les noix, des réactions allergiques. Or, les scientifiques ont constaté qu’il est préférable d’exposer les enfants entre 4 et 6 mois à des produits allergisants, ce qui améliore leur tolérance à ces aliments.

Les légumineuses et les grains entiers sont également des aliments impopulaires chez les parents : leur consommation, selon eux, entraînerait des troubles digestifs. Cependant, leur présence dans les assiettes des enfants améliore la qualité nutritionnelle des aliments, car elles sont riches en fibres et en protéines végétales.

La mention « spécial pour jeune enfant » ? C’est très marketing…

Les parents ont également constaté qu’ils peuvent, dès 1 an, alterner lait de croissance et lait de vache entier UHT. De manière générale, les professionnels de santé leur ont déconseillé les laits traditionnels. Cette recommandation a été particulièrement appréciée en raison du prix élevé des laits de croissance. Les participants à l’enquête ont également compris que les préparations lactées spécialisées pour les plus petits pouvaient être remplacées par des yaourts au lait entier, beaucoup moins chers ; la mention « spécial jeunes enfants » relève plus du marketing que d’un réel intérêt nutritionnel.

Le petit-déjeuner et surtout le goûter ont fait l’objet de débats houleux entre spécialistes et parents. Les premiers trouvent ces repas trop sucrés car composés essentiellement de viennoiseries, de biscuits et de gâteaux. Pour ces derniers, ce sont des moments de plaisir et ces douceurs ne sont pas totalement interdites à leur progéniture.

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De même, les commandes de préparer tous les repas des plus petits peuvent sembler stigmatisantes et coupables aux yeux des parents. Ils rejettent également la figure du père parfait qui ne place jamais son enfant devant un écran ou qui n’allume jamais la télévision pendant un repas, même si l’effort de suivre ces recommandations leur semble nécessaire.

Les parents acceptent généralement plus les conseils nutritionnels que les conseils éducatifs, comme faire confiance à l’appétit de votre enfant ou même lui donner à plusieurs reprises des aliments qu’il n’aime pas.

« Ces enquêtes qualitatives sont indispensables »

Interrogée par Sciences et Avenir sur ces travaux, Corinne Delamaire (auteur, responsable de l’expertise scientifique en santé publique et impliquée dans ce projet) explique : « Ces enquêtes qualitatives sont indispensables avant de lancer des campagnes de prévention auprès de la population ». Il précise « qui permettent de réajuster le message en fonction des pratiques réelles des familles ». Lorsque l’information est contre-intuitive pour les parents, comme la graisse, un message d’explication scientifique accompagne la recommandation. De la même manière, lorsque le message rencontre une forte résistance de la part des parents – c’est le cas ici des sucreries pour le goûter – les experts éviteront de parler d’interdiction ou d’obligation.

Interrogée sur l’efficacité de ces campagnes de prévention, qui existent depuis 2001 avec la création du Programme national nutrition santé (PNNS), Corinne Delamaire souligne : « Il y a deux messages qui ont marqué le grand public : le premier fait référence aux aliments à éviter (trop salé, trop sucré, trop gras) et le second est le slogan « manger 5 fruits et légumes par jour ». Il ajoute : « C’est surtout à partir de 2007, avec la mise en place de messages de prévention dans les publicités, que ces recommandations ont été connu. »

Le spécialiste estime que l’éducation nutritionnelle est utile dans un environnement où de nombreux produits alimentaires bon marché (et très médiatisés) ont une faible valeur nutritionnelle, notant que ce sont les personnes à faible revenu et à faible niveau d’éducation qui sont les plus touchées par les maladies métaboliques telles que l’obésité. Cependant, les produits sains ont tendance à être plus chers et la hausse des prix de l’énergie ne devrait pas favoriser le « fait maison ».

La question est donc particulièrement complexe car elle met en jeu à la fois des connaissances scientifiques, l’affectivité des personnes concernées et leur souci de faire au mieux pour leurs enfants, ainsi qu’une réalité sociale : on constate de grandes inégalités de revenus et de conditions de vie dans société française.