Rome a puni l’ancien évêque de Créteil en octobre 2021 pour avoir abusé sexuellement de deux adultes dans la Manche il y a 30 ans. Sa démission prématurée en 2019 était liée à cette affaire.

Le travail de vérité et d’abus continue dans l’Église, même aux niveaux les plus élevés. M. Michel Santier, évêque de Luçon puis de Créteil de 2001 à 2021, a été puni par Rome il y a un an pour avoir abusé sexuellement de deux hommes majeurs, a appris Famille Chrétienne de plusieurs sources concordantes.

Les faits se sont déroulés dans les années 1990 dans le diocèse de Coutances (Manche), où le curé de l’époque Mgr Santier a été incardiné, a confirmé le diocèse normand à FC. Mgr Michel Santier, directeur de l’École de la foi à Coutances, une école de prière d’un an pour les 18 à 30 ans, a appliqué un contrôle psycho-spirituel et a utilisé son pouvoir sur deux jeunes adultes à des fins sexuelles. Les circonstances aggravantes sont que ces actes ont été commis en instrumentalisant les sacrements, notamment la confession.

La véritable raison de sa démission

Seulement vingt ans plus tard, en 2019, les deux victimes décident de se tourner vers les autorités ecclésiastiques. Dès qu’il est informé de cette annonce, Monsieur Michel Aupetit, alors archevêque de Paris et métropolite de la Province, convoque l’évêque de Créteil. Au cours de cet entretien, ce dernier avoue les faits. Dans la foulée, Mgr Aupetit enverra un dossier de signalement à Rome le 5 décembre 2019, et Mgr Michel Santier enverra dans le même temps une lettre de démission au Pape François, dans laquelle « il rapporte les faits qu’il reconnaît », confirme le FC Mgr Dominique. Blanchet, qui lui succède en 2021 à la tête du diocèse de Créteil.

Ainsi, le 6 juin 2020, le pape François a démissionné non seulement à cause des problèmes de santé de Mgr Santier – il a été hospitalisé en réanimation après avoir contracté le Covid-19 en avril 2020 – mais aussi à cause de cet incident. Mgr Michel Santier, à qui il restait encore deux ans pour s’entraîner avant d’atteindre l’âge de la retraite, le laisse aussi vaguement entendre dans une lettre qu’il adresse ce jour-là aux fidèles du diocèse de Créteil, dans laquelle il mentionne « d’autres difficultés » : « Voir que jusqu’à l’âge de 75 ans je n’aurai pas assez de force physique pour continuer à servir parmi vous et ayant traversé d’autres difficultés, fin 2019, après réflexion, prière et écoute des conseils, j’ai écrit au pape François pour remettre sa charge d’évêque de Créteil. Il a répondu positivement et a accepté ma démission. »

Selon les vœux du Saint-Père, Mgr Michel Santier ne quittera officiellement ses fonctions que le 9 janvier 2021, jour de la nomination de son successeur. Sa messe d’adieu, prévue le 15 novembre 2020, a été reportée à une date ultérieure en raison de la détention et de l’interdiction de toutes les célébrations religieuses publiques. Mgr Michel Santier n’évoque jamais publiquement la véritable raison de son départ entre l’annonce de sa démission et son départ effectif de Créteil…

À Lire  Gens du voyage de Sarrola-Carcopino : Les gendarmes interviennent

Une vie de prière et de pénitence

M. Michel Santier, qui s’est retiré de la Manche, sera sanctionné par Rome quelques mois seulement après sa démission. Les mesures disciplinaires prises par la Congrégation pour la doctrine de la foi « ont été communiquées à Mgr Santier en octobre 2021 », a confirmé Mgr Dominique Blanchet, également vice-président de la Conférence épiscopale de France (CEF). « Ils lui demandent de vivre une vie de prière et de pénitence. L’évêque de Coutances, Monsieur Laurent Le Boulc’h, est chargé de l’application de ces sanctions, qui l’assigne à vivre en communauté religieuse au monastère de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Il est autorisé à remplir la fonction d’aumônier de la communauté et d’aumônier des prêtres âgés qui y résident, précise le diocèse de Coutances. « L’Eglise veut servir la vérité et la justice », confirme Mgr Blanchet dans un entretien au FC. Il ne peut être dérogé à cette exigence de vérité et de justice, quelles que soient les fonctions de l’accusé… ».

Même si elle n’est pas imposée par le droit canonique, la divulgation des sanctions romaines a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années, et les associations de victimes appellent régulièrement à une plus grande transparence de l’Église, en particulier pour le clergé qui a rempli d’importants devoirs publics et moraux. .

Il n’y a pas d’autres poursuites pénales, canoniques ou civiles contre Mgr Michel Santier. « Les mesures prises par Rome sous forme d’injonction de peine sont venues compléter la procédure lancée par le rapport du 5 décembre 2019 », explique Mgr Dominique Blanchet. Deux victimes n’ont pas voulu porter plainte. « Ils veulent rester complètement anonymes et demandent explicitement que rien ne soit dit publiquement sur leur calvaire », confirme l’évêque de Créteil. « Ils ont pu rencontrer et interagir avec les différentes autorités compétentes aujourd’hui également. »

Interrogé par Famille Chrétienne, M. Michel Santier nous a répondu mais n’a pas souhaité réagir « par respect pour les victimes et leurs souffrances ».

Une figure du Renouveau charismatique

Fondateur de la nouvelle communauté « Réjouissez-vous » en 1977, Michel Santier a joué une autorité morale incontestée dans le renouveau charismatique en France dans les années 1990. Il a inspiré et dirigé l’instance de la Communauté catholique française du Renouveau charismatique. Son caractère consensuel lui a permis de favoriser l’unité entre des mouvements certes proches mais animés de logiques différentes. Il a été membre actif du conseil d’administration de l’ICCRS (International Catholic Charismatic Renewal Service) de 1991 à 1998.

De 1989 à 2001, jusqu’à la date de sa nomination comme évêque de Luçon (Vendée), il a été directeur de l’Ecole Diocésaine des Jeunes de la Région Apostolique Ouest. Alors responsable de la pastorale épiscopale des vocations du diocèse de Coutances, pour laquelle il est ordonné prêtre en juillet 1973, c’est lui qui porte l’intuition de cette école et la présente aux douze évêques de la région. Reconnu comme un expert ecclésial des communautés nouvelles, Mgr Santier a présidé le Comité épiscopal du renouveau et des mouvements spirituels de 2002 à 2005. Il est également connu comme un grand artisan du dialogue interreligieux.