Le tout nouveau meilleur sommelier du Luxembourg, Grégory Mio, participera au concours du meilleur sommelier du monde à Paris dans un mois. Les Bordelais représentent leur pays d’adoption lors de cet événement qui n’a lieu que tous les trois ans.
Votre participation au concours du Meilleur Sommelier du Monde vient d’être confirmée. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Grégory Mio : Je suis content, impatient et un peu stressé ! Il n’y a pas de sommelier supérieur, c’est l’excellence. Tous les candidats sont très talentueux. Bien sûr, j’espère aller le plus loin possible, mais il serait irréaliste d’espérer atteindre la finale. Passer les quarts et les demi-finales (NDLR : c’est-à-dire top 15), ce serait super ! Je considère cette course comme une expérience fantastique. Grâce au Luxembourg, que je représente, je peux réaliser un vieux rêve.
Comment s’est passée votre sélection ?
Normalement, je ne devrais pas participer. A ma place aurait dû se trouver Niels Toase (ndlr : qui a déjà participé plusieurs fois à l’événement et qui est aujourd’hui professeur à la Luxembourg School of Hospitality and Tourism à Diekirch). Mais l’Association des sommeliers luxembourgeois (NDLR : dont Niels Toase est le vice-président) a jugé plus logique d’envoyer un sommelier en exercice, grâce à eux. De plus, Niels m’aide beaucoup à me préparer.
Je sais que là, il faut que je pousse le curseur un bon cran au-dessus
Comment vous préparez-vous exactement pour une telle compétition et à quels défis faites-vous face ?
Il y a beaucoup de tests écrits avec beaucoup de théorie. Les questions sont très précises et peuvent s’appliquer à tous les vignobles du monde, y compris les moins connus. Des contre-la-montre de service sont toujours offerts. Les organisateurs posent systématiquement des pièges, il faut faire attention à tout et être assez malin pour les déjouer ! Et puis il y a les dégustations à l’aveugle de vins – souvent blancs et rouges –, de saké ou de spiritueux. C’est un grand défi !
Comment pratiques-tu ?
J’ai déjà beaucoup appris pour le concours du meilleur sommelier du Luxembourg, mais je sais que là je dois pousser le curseur un bon cran plus haut dans tous les domaines. Dans les révisions, je base le cursus sur ce qu’il faut savoir pour obtenir le 2ème niveau de Maître Sommelier. C’est la base d’un niveau mondial élevé et crée un cadre pour aller de l’avant. Par exemple, hier (NDLR : jeudi), j’ai recherché des vins du Liban, d’Israël, de Turquie, du Maroc et de Chypre. Ce n’est pas facile car il n’y a pas de livres pour ça, il faut faire des recherches par soi-même et être curieux.
L’objectif n’est pas de dire que je suis meilleur que les autres
Vous êtes le chef sommelier du groupe Place d’Armes avec un emploi du temps déjà chargé. Comment organisez-vous vos journées de formation ?
En ce moment je me lève à 6h30 pour regarder jusqu’à 8h30. Puis je prends le train jusqu’à Place d’Armes. Entre les quarts du midi et du soir, je trouve encore du temps pour aller travailler à la Bibliothèque nationale du Luxembourg au Kirchberg. C’est un endroit magnifique, très calme, où vous pouvez simplement être dans votre propre bulle et vous concentrer. Bien sûr, tout ce travail est un gros investissement. Mais je suis motivé !
Vous avez déjà un très bon travail dans l’une des maisons les plus prestigieuses du pays. Qu’est-ce qui vous pousse à travailler encore plus dur pour rivaliser avec vos pairs du monde entier ?
C’est un défi personnel. Si je fais ce travail, c’est parce que le vin m’attire. Participer à ces concours me donne une bonne raison d’aller toujours plus loin dans ma connaissance du vin. Je le fais vraiment pour moi, pour m’améliorer. Je ne suis pas du tout arrogant, le but n’est pas de dire que je suis meilleur que les autres. Au contraire, à chaque fois que je participe à ces concours, je suis content de rencontrer d’autres sommeliers. Nous avons toujours beaucoup à partager, ce sont de bons moments ! De plus, les organisateurs organisent des masterclasses de dégustation à Paris, qui ne manqueront pas d’être passionnantes, j’ai hâte !
Vous avez déjà une expérience de la compétition, puisque l’année dernière vous avez atteint les demi-finales du Master of Port, qui se situe à un très haut niveau. Que gardez-vous comme souvenir ?
Un super souvenir même si, malheureusement, nous n’avons pas atteint la finale. Mais être dans le top 8 sur une cinquantaine de sommeliers, c’est déjà gratifiant ! Je me souviens quand j’ai entendu mon nom, ce qui signifiait que j’étais en demi-finale, j’étais très content, mais aussi très ému… Je ne m’y attendais pas et ça m’a fait quelque chose. J’avais travaillé dur, j’avais même un préparateur mental. Cette compétition ne concerne que les ports, mais je ne pense pas que ce soit plus facile, bien au contraire. Il faut entrer dans tellement de détails, c’est fou.
Avez-vous un modèle dans la guilde des sommeliers ?
Je dois dire que j’apprécie beaucoup Philippe Faure-Brac (NDLR : surtout meilleur sommelier du monde en 1992). Je le connais peu et c’est une personne très gentille. Il y a quelques années, j’ai assisté à une soirée œnologique organisée par lui dans son restaurant à Paris, le Bistrot du Sommelier. Nous avions parlé en fin de soirée et il était très gentil. Je l’ai rencontré plusieurs fois par la suite et il a toujours été très accueillant. Il a une belle carrière, mais il doute toujours de lui-même. Il a une vision très moderne du vin et des accords, ce qui veut dire qu’il ne l’a jamais été ! J’aime sa façon de travailler. Il n’exhibe pas sa science, il partage toujours ses histoires sur les vins sans se mettre en avant.
Rencontrerez-vous d’autres sommeliers au concours ?
Oui! Par exemple, Reza Nahaboo, avec qui j’ai travaillé en Suisse. Il est réunionnais et représente la Suisse. C’est un homme passionné qui a beaucoup de mérites car au départ rien ne le reliait au vin. Et pourtant aujourd’hui il est très fort. Il a atteint les demi-finales du concours Afrique/Europe du meilleur sommelier l’année dernière. Je voudrais également citer mon mentor Jérôme Aké. Il signifie beaucoup pour moi. Jérôme m’a tout de suite appelé pour le féliciter lorsqu’il a appris que j’allais à la compétition. C’est un ivoirien autodidacte qui a également de nombreux mérites. Grâce à sa formation qui n’est pas traditionnelle, il a une vision du vin et de la dégustation qui n’est pas classique, mais qui est très intéressante. Nous avons voyagé ensemble sur la route pour visiter des vignobles !
Dans quels domaines te sens-tu le plus à l’aise pendant une course ?
La France, bien sûr, surtout la Bourgogne et Bordeaux. Mais l’Europe en général, l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et Porto devraient me convenir. L’Amérique latine aussi. Le plus dur est sans aucun doute les vins des Balkans. Ils sont nombreux, ainsi que des cépages qu’on ne trouve que là-bas et qui ont toujours des noms bien compliqués ! Mais c’est une région prospère avec des vins et des vignerons très intéressants. J’ai besoin de mieux les connaître !
Et que trouve-t-on dans votre sous-sol ?
Je suis très bordeaux. La Côte de Nuits et la Côte de Beaune avec Nuits-Saint-Georges, Vosnes-Romanée, Pommard, Puligny-Montrachet sont mes préférées. Par contre, je n’aime plus vraiment Bordeaux puisque ma famille est originaire de Saint-Émilion. J’en avais quelques-uns, mais je n’en achète plus beaucoup. Les bons vins de Bordeaux sont chers et il y a eu des déceptions… J’ai aussi des vins italiens, j’aime beaucoup le Nebbiolo et le Barbaresco. Quoi qu’il en soit, le plus important dans le vin est de les partager pour en discuter avec les personnes que vous aimez. Je ne peux pas imaginer boire du vin seul, ça n’aurait aucun sens.
Le concours en bref
DATE Le concours se déroulera du 7 au 12 février à Paris. Les épreuves jusqu’aux demi-finales se dérouleront à l’hôtel Pullman (Montparnasse). La finale se déroulera pour la première fois en public, à la Défense Arena de Paris. Il y a au moins 4 000 spectateurs.
CANDIDATS Soixante-six sommeliers représentent leur pays de naissance. Les trois champions continentaux (Amériques, Europe/Afrique et Asie/Océanie) se qualifient automatiquement.
COUPS DE CŒUR Cinq sommeliers sont souvent désignés comme les meilleurs favoris : Nina Hojgaard Jensen (Danemark), Raimonds Tomsons (Lettonie), Pier-Alexis Soulières (Canada), Salvatore Castano (Italie) et Pascaline Lepeltier (France). Ce dernier, propriétaire d’un restaurant à New York et amateur de vins naturels, est très attendu, puisque le dernier vainqueur français était Olivier Poussier, vainqueur en 2000.
Le jury n’est évidemment composé que de sommeliers internationaux, dont plusieurs anciens champions du monde comme le Suédois Andréas Larsson, l’Allemand Markus Del Monego, le Suisse Paolo Basso, le Japonais Shinya Tasaki, les Français Olivier Poussier et Serge Dubs. comme des maîtres continentaux comme Véronique Rivest (Amérique) ou Paz Levinson (Amérique).