Mathou : "Le développement personnel m'a fait plus de mal que de bien"

Avec l’humour qui la caractérise, Mathou signe un nouvel album, Filgoude (éditions Robert Laffont), dans lequel elle aborde les carences du développement personnel. Mais cette BD est aussi plus personnelle et plus sérieuse, car l’illustratrice livre en filigrane un récit intime de son combat contre la dépression. Rencontrer.

Avec l’humour qui la caractérise, Mathou signe un nouvel album, Filgoude (éditions Robert Laffont), dans lequel elle aborde les carences du développement personnel. Mais cette BD est aussi plus personnelle et plus sérieuse, car l’illustratrice livre en filigrane un récit intime de son combat contre la dépression. Rencontrer.

Dans votre album, vous présentez les principales méthodes de développement personnel qui ont eu du succès ces derniers années. Les avez-vous réellement toutes testées ?

Dans votre album, vous présentez les principales méthodes de développement personnel qui ont eu du succès ces derniers années. Les avez-vous réellement toutes testées ?

Oui ! Certains bien avant de songer à écrire ce livre, d’autres pour l’occasion. Quand j’ai commencé à travailler sur ce projet, j’ai fait une liste : yoga, méditation, détox… Très vite, j’en ai ajouté d’autres grâce à des conversations avec des amis ou des idées qui me sont venues, la lecture d’un article par exemple. Ensuite, j’ai tout essayé et j’ai pris beaucoup de notes. Mais je dois être honnête : au début, j’ai essayé d’être objectif. Au final, j’y suis allé en pensant que ça avait l’air vraiment mauvais avant de l’essayer !

On a l’impression qu’à chaque fois qu’il y a une nouvelle injonction qui sort, vous la prenez personnellement…

On a l’impression qu’à chaque fois qu’il y a une nouvelle injonction qui sort, vous la prenez personnellement…

C’est vrai, je prends tout à cœur et personnellement, surtout avec ma dépression, qui n’était pas encore diagnostiquée. Je voulais passer à l’action, faire des choses pour moi, mais je suis tombé dans le piège du développement personnel : ça nous pousse à toujours en faire plus, comme se lever à 4h du matin pour faire la salutation au soleil, quand ce n’est pas pour rien. Lorsque nous sommes déprimés, le but n’est pas de devenir une meilleure version de nous-mêmes, mais de nous améliorer ! Je ne m’en suis rendu compte que plus tard.

De tout ce que vous avez testé, vous ne gardez donc rien ?

De tout ce que vous avez testé, vous ne gardez donc rien ?

Oui, mais à ma façon. Tous mes amis font de la méditation ou du yoga et ils disent que cela les aide à se sentir mieux. J’ai essayé, mais sans succès. En y repensant, je me suis rendu compte que je prenais déjà un peu de temps pour moi, pour me recentrer, mais d’une manière différente : je dessine, je marche… J’aime aussi l’idée de m’entourer de personnes positives, car le positif attire positif. Au fond, prendre soin de soi est important, surtout dans une société où l’on est toujours à 1000 à l’heure, mais cela ne doit pas devenir un dogme ou nous faire tomber dans le fanatisme. Mais le développement personnel est dans le mandat continu : il faut faire ceci ou cela pour être bon, pour s’améliorer, pour devenir une meilleure personne. Il y a quelque chose de très faux. On ne peut pas prendre soin de soi à tout prix et surtout sans vraiment s’écouter. Personnellement, le développement personnel m’a fait plus de mal que de bien.

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Votre livre n’est d’ailleurs pas tout rose. On rit en lisant vos aventures d’apprentie méditante, mais vous abordez aussi des sujets plus sérieux…

Votre livre n’est d’ailleurs pas tout rose. On rit en lisant vos aventures d’apprentie méditante, mais vous abordez aussi des sujets plus sérieux…

Mon idée de base était de dire « Nous avons le droit de ne pas être bien ». Nous avons le droit d’avoir des jours sans, des mois sans et même des années sans. Yo, c’est ce que j’ai eu, tout le monde pensait que c’était cool, mais ce n’était pas le cas. Pour faire passer le message, sans culpabiliser mes proches, il fallait que je raconte une histoire. J’ai commencé avec un format « j’ai essayé pour vous », mais cela me semblait trop éloigné, alors j’ai opté pour un journal en qui j’ai vraiment confiance. Je ne savais pas où cela me mènerait !

A révéler des choses très personnelles…

A révéler des choses très personnelles…

Oui, c’est vrai que certains proches vont découvrir que je suis allé chez un psy en lisant cette BD ! Je ne prétends pas avoir d’expérience dans le domaine de la dépression et des antidépresseurs, je témoigne simplement de ce que j’ai vécu, et comment le psychiatre et les médicaments m’ont aidé, bien plus et bien mieux que le personnel de développement et leurs promesses. Bien sûr, les gens se débrouillent sans antidépresseurs, mais depuis que j’en parle autour de moi, j’obtiens régulièrement la réponse « oh, mais moi aussi ». En partageant mon expérience, je souhaite participer à lever le tabou autour de la santé mentale.

En quoi aller voir un psy vous a fait du bien ?

A certains moments de la vie, un psychiatre permet de passer à autre chose. Nous devons trouver le psychiatre et la thérapie qui nous conviennent le mieux. Personnellement, ce sont les thérapies comportementales qui me conviennent : j’ai besoin de quelqu’un pour me donner un point de vue extérieur et m’aider à avancer. Les mariées qui disent toujours « mais ne t’inquiète pas, ce que tu fais est super » ça va, bien sûr, mais parfois on a besoin d’un look plus neutre. La thérapie me permet de prendre du recul sur mes comportements et mes réactions, de les comprendre. Je ne deviens pas nécessairement une meilleure version de moi-même, mais je me connais mieux. C’est déjà énorme. On devrait tous aller voir un psychiatre un jour, parce qu’on traîne tous des valises. C’est quand même bien d’essayer de les alléger.