Chaleureux et adorable, Martin Seligman est l’incarnation de ce qu’il professe : l’épanouissement. Souvent considéré comme le père de la psychologie positive, il met en lumière cette discipline encore méconnue en France et trop souvent caricaturale.
Chaleureux et adorable, Martin Seligman est l’incarnation de ce qu’il professe : l’épanouissement. Souvent considéré comme le père de la psychologie positive, il met en lumière cette discipline encore méconnue en France et trop souvent caricaturale.
Psychologies : Comment en êtes-vous venu à penser la psychologie différemment ?
Martin Seligman : Je travaille depuis longtemps sur la dépression, la mélancolie. Quand le patient me disait : « Je veux être heureux », je répondais : « Tu ne veux plus être déprimé. « Je pensais qu’il fallait aller vers rien, pas de souffrance. Un soir, ma femme m’a demandé : « Es-tu heureux ? J’ai répondu: « Quelle question stupide! » Je ne suis pas mécontent. « Un jour, vous comprendrez », a répondu ma femme Mandy.
Et puis, vous avez connu une « épiphanie » grâce à l’une de vos filles, Nicky…
Martin Seligman : Nicky quand elle avait 6 ans m’a fait réaliser. Elle dansait dans le jardin, chantait, sentait les roses. Et puis j’ai commencé à crier : « Va travailler, Nicky ! » Elle est entrée et a demandé : « Tu te souviens qu’avant d’avoir 5 ans, je pleurais tout le temps ? » Avez-vous remarqué que je ne l’ai pas fait depuis ? J’ai répondu: « Oui, ça va. » « Vous savez, quand j’avais 5 ans, j’ai décidé de partir. Et c’est la chose la plus difficile que j’ai jamais faite dans ma vie. Donc si j’arrête de pleurnicher, tu peux arrêter de te plaindre tout le temps ! Trois choses me sont venues à l’esprit : La première était que j’avais tort dans mon éducation. En tant que parent, mon travail n’était pas de corriger Nicky, mais de lui montrer ses talents et de l’encourager. Deuxièmement, Nicky avait raison : je me plaignais. Et j’en étais fier ! Tout mon succès a été basé sur ma capacité à voir ce qui ne va pas. Peut-être que je pourrais faire demi-tour et voir ce qui va bien ? Et troisièmement : j’ai été élu président de l’American Psychological Association. Et toute la psychologie reposait sur l’idée de corriger les erreurs. Cela ne nous a pas conduits à une vie agréable, mais à une vie paralysée.
C’est à partir de ce moment que votre réflexion sur la psychologie positive a commencé ?
Martin Seligman : J’ai étudié Freud, mais j’ai pensé que ses conclusions étaient trop hâtives, pas bien fondées. J’ai ensuite suivi les enseignements d’Aaron Beck à l’université, et sa conception de la thérapie cognitive m’a fasciné. Il existe trois théories sur la dépression dans les thérapies cognitives : la personne déprimée pense que le monde est mauvais, la personne déprimée pense qu’elle n’a ni force ni talent, et la personne déprimée pense que l’avenir est sans espoir. La psychologie positive le voit ainsi : « Ah ! L’avenir est sans espoir. Dites-moi ce que vous aimeriez y mettre. Ensuite, on se fie à ce que le patient imagine. Et tout dépendait de cette approche.
L’un des piliers de la psychologie positive, c’est l’expérimentation…
Martin Seligman : Pour moi, la psychologie positive est une science. Toutes ses théories passent d’abord par la forme d’expérimentations. En ce sens, je crois qu’il s’agit d’une véritable thérapie responsable. Et ce n’est que lorsque les tests sont satisfaisants qu’ils sont intégrés aux praticiens.
Pour aller plus loin
Lire
N’est-ce pas difficile pour certains de faire ce mouvement vers une vision positive de la vie ?
Les beaux jours de Martin Seligman, avec une préface de Christophe André. L’auteur définit et explique les principes de la psychologie positive. Il rend accessible à tous tous les éléments de ce nouveau regard sur la psychologie (Belfond, 432 p., 18,50 €).
Et comment donner du sens, selon vous ?
Martin Seligman : J’ai passé les premières années de ma pratique médicale à faire face au pire : la drogue, la dépression, le suicide. Mon rôle en psychologie est de dire : « Regardons au-delà de ce qui est. « Aujourd’hui, presque tout le monde en France est bien soigné, tout le monde a accès à l’eau potable. Ce sont de grandes avancées. Mais plus tard ? Quels sont nos espoirs ? Pour moi, passer du temps à pointer du doigt ce qui ne va pas ne nous emmène pas vers le futur, mais vers zéro. Qu’y a-t-il au-delà de zéro ? Voici ce que nous devons trouver. Comment cela peut-il avoir un sens.
Quelles sont les relations actuelles entre psychologie positive et neurosciences ?
Martin Seligman : J’ai grandi après la Seconde Guerre mondiale dans un monde instable. Bien sûr, même aujourd’hui, nous rencontrons des problèmes et des difficultés, mais ils ne sont pas fatals, impossibles à résoudre. Ma réponse réside dans le bien-être humain. Ça va là. Et c’est ça la psychologie positive. Nous pouvons choisir de vivre en paix, d’être heureux, de nous engager, d’être bien avec nous-mêmes, nous pouvons donner un sens à notre vie. De mon point de vue, c’est trop nul. Voilà à quoi devrait ressembler la vie de l’humanité une fois les difficultés et les tragédies résolues.
Vous soulignez trois choses importantes à pratiquer : générer des émotions agréables, s’engager dans des activités gratifiantes et se dépasser en se mettant au service d’une cause…
Martin Seligman : Je pense que la psychologie dit aux neuroscientifiques sur quoi travailler, et non l’inverse ! Je travaille actuellement sur le réseau par défaut (RD), c’est-à-dire ce que fait le cerveau lorsqu’il est au repos. Parce que le circuit cérébral est actif même lorsque vous ne faites rien – c’est un réseau d’introspection, de souvenirs, de projections dans le futur. C’est ce qui se passe lorsque vous rêvez ou demandez au patient d’imaginer son avenir. Il nous apprend beaucoup sur la créativité, une partie importante de la psychologie positive.
Comment la psychologie positive transforme-t-elle le lien social ?
Martin Seligman : En effet, parce que la psychologie positive consiste en partie à établir des relations avec les autres.
« Bravo ! » ?
Martin Seligman : Voici un exemple. Ma femme, Mandy, qui prend beaucoup de photos, a remporté le premier prix du magazine Black and White. Que pensez-vous que j’aurais dû dire à Mandy ?
Que pensez-vous de l’essor de la méditation de pleine conscience ?
Martin Seligman : Je l’aurais dit dans le passé. Ceci est typique d’une relation passive-constructive. Mais cela n’affecterait pas notre lien. J’ai formé de jeunes sergents dans l’armée à qui on a posé la même question, et leur réponse a été pro-déconstructrice : « Vous savez qu’avec ce prix on va payer plus d’impôts ? « Ça tue l’échange. Il y a aussi une réaction passive-destructrice : « Qu’est-ce qu’on mange ? » Ce qui fonctionne, c’est une relation active-constructive. Lorsque l’éditeur a appelé, j’ai demandé à Mandy : « Qu’a-t-il dit sur les mérites de votre photo ? » Vous avez rivalisé avec les professionnels. Vous avez donc des compétences particulières. Pouvez-vous le transmettre à nos enfants? Nous avons alors eu une longue conversation, au lieu des félicitations habituelles. Mieux si nous le faisons. Ce n’est pas la psychanalyse ou les drogues qui nous permettent d’utiliser ces compétences. Faites-en l’expérience avec votre mari ou votre femme. C’est plus que du développement personnel.
Que proposez-vous à une personne dépressive ?
Martin Seligman : Je pratique la méditation depuis vingt ans. C’est une bonne pratique pour la santé mentale. Mais c’est une affaire mineure. Je recommande la méditation aux patients souffrant d’anxiété ou d’hypertension, mais pas à ceux souffrant de dépression, car la méditation réduit l’énergie.
Et quelle est l’efficacité de la psychologie positive dans les cas de traumatismes ?
Martin Seligman : Je crois qu’il existe trois traitements efficaces : les thérapies cognitives, les thérapies interpersonnelles et les médicaments. Eh bien, la psychothérapie positive fonctionne bien. Elle permet au patient de s’appuyer sur ses ressources et d’imaginer l’avenir.
Psychologie positive et pensée positive : rien à voir !
Martin Seligman : Les recherches sur le stress post-traumatique semblent indiquer que les traitements ne sont pas très efficaces. D’après ce que nous voyons dans l’armée, la psychologie positive est positive en tant qu’outil préventif, en particulier pour les soldats entrant dans les zones de combat. Mais quand ils reviennent, c’est dur. Je crois qu’aucune forme de psychologie ne peut guérir le stress post-traumatique. La psychologie positive n’est pas une panacée.
La psychologie positive est une discipline scientifique reconnue par l’American Psychological Association et l’American Psychiatric Association. Il interroge les conditions psychologiques d’une « vie pleine », c’est-à-dire d’une vie qui a du sens. Il en est résulté des pratiques thérapeutiques telles que la thérapie positive ou la psychiatrie positive. Leur objectif est « d’aider les gens à construire une vie heureuse grâce à des » interventions positives « plutôt que de se concentrer sur les dysfonctionnements psychologiques et l’analyse sans fin des événements passés. »
La pensée positive est une méthode de développement personnel, parfois proche de la pensée magique ou de la méthode Coué. « Il prône la toute-puissance de la pensée sur la réalité. Et cela peut être défini comme un ensemble de pensées semi-magiques comme « Quand on veut, on peut ». Ce courant, né des mouvements spiritualistes et New Age américains, n’a rien à voir avec la psychologie positive. Si la pensée positive, pensée magique par excellence, peut agir comme antalgique, son efficacité dépend du volontarisme de celui qui la pratique2. Contrairement à la psychologie positive.