Les hommes « ont aussi des migraines ». Par envie, elles sont de plus en plus nombreuses à consulter un sexologue. Ils ne souffrent pas de dysfonction érectile, simplement faire l’amour ne les intéresse pas. Comment expliquer cette baisse de libido ?
Les hommes « ont aussi des migraines ». Par envie, elles sont de plus en plus nombreuses à consulter un sexologue. Ils ne souffrent pas de dysfonction érectile, simplement faire l’amour ne les intéresse pas. Comment expliquer cette baisse de libido ?
« Lorsqu’un couple me consulte pour un problème de désir, je ne risque plus d’aller voir la femme pour lui demander : « Depuis quand, madame ? dit Sylvain Mimoun avec un sourire. Car ce trouble, longtemps féminin, a conquis les hommes. « Peut-être que leurs femmes se plaignaient moins avant, suggère le sexologue. Peut-être que les hommes ont également confondu la dysfonction érectile avec la perte de désir. Tout à l’heure, quand l’un d’eux m’a dit qu’il n’avait plus envie, en enquêtant un peu, je me suis rendu compte qu’il avait surtout peur que son érection ne dure pas. Aujourd’hui, ceux qui viennent me voir ont une érection, mais ne font rien. « Le vrai trouble du désir est là : avec ou sans Viagra, faire l’amour ne les intéresse pas… ou plus. Retour sur ce qui peut conduire à cette évasion du désir.
Une tyrannie des valeurs dites féminines
Pour expliquer cette baisse de la libido masculine, la psychanalyste Hélène Vecchiali dénonce d’abord une forme de violence insidieuse : « La société valorise sans vergogne le féminin. La douceur, la parole, le consensus, au détriment de ce qui est pointu, piquant, aigu. On demande aux hommes de développer des qualités féminines, comme si les femmes avaient raison et les hommes avaient tort ! Comment le rester quand tout ce qui est constitutif du masculin est considéré comme brutal, agressif, violent ? Comment souhaiter avec des valeurs et des mots qui vous sont étrangers ? Pourtant, les femmes n’ont rien à gagner à cette dévalorisation des valeurs masculines. « Ils ont besoin d’admirer un homme pour l’aimer », poursuit le psychanalyste. Ils ont aussi besoin d’être voulus, car ils doivent réparer une double blessure imaginaire : celle d’avoir déçu leur mère de ne pas être le garçon qui l’aurait faite, à laquelle s’ajoute la douleur de devoir abandonner le père qui préférait leur mère. Les femmes sont donc perdantes sur les deux tableaux : elles vivent avec des hommes qu’elles n’admirent plus et qui ne les désirent plus. »
La peur de la rencontre
Absence de désir ne signifie pas toujours absence de rapports sexuels, comme le rappelle le psychanalyste Jacques Arènes : « C’est surtout vrai pour certains jeunes, ayant des relations sexuelles machinalement, la tête et le cœur ailleurs. Ils font partie de la génération élevée avec les films pornographiques : ils ont une sexualité structurée, des attentes spécifiques, mais ils sont absents de la relation. Il est surprenant de voir que de plus en plus de jeunes fréquentent les clubs échangistes, jusque-là fréquentés par des couples établis qui souhaitent redynamiser leur sexualité. Cette pratique traduit une perte de désir qu’il faut vaincre à tout prix, avec des stimuli de plus en plus forts. Il y a donc une certaine saturation autour de la sexualité invasive. Pourtant, le désir se nourrit toujours d’un petit manque. Pour le psychanalyste, ces relations non habitées par le désir sont avant tout une manière de se protéger : « Avoir du désir pour une femme, entretenir la vraie rencontre affective et sexuelle est excitant, mais aussi inquiétant, l’homme sait qu’il court le risque de souffrir . » Une prise de position longtemps réservée aux femmes, un danger qu’il ne veut pas prendre.
Pour aller plus loin
Jacques Arènes, auteur d’une Lettre ouverte aux épouses de ces hommes (pas encore) parfaits… (Fleurus).
Des femmes sexuellement exigeantes
Pendant des siècles, seul le plaisir masculin comptait. Heureusement, les temps ont passé : l’homme d’aujourd’hui sait qu’il ne suffit pas d’avoir une érection et un orgasme, mais qu’il doit donner du plaisir à sa partenaire. Cependant, certaines femmes établissent une frontière très fine entre l’accès au plaisir et la demande de plaisir. Des remarques parfois dures peuvent être dévastatrices à désirer : « Une critique sexuelle est inscrite de manière indélébile dans la mémoire d’un homme, il s’en souviendra toute sa vie », note Sylvain Mimoun. C’est ainsi que la peur de ne pas faire jouir son partenaire se cache derrière de nombreuses pertes de désir. Et qu’on voit des hommes s’éloigner d’une sexualité qui les met en danger.
Une affaire d’hormones
Toute perte de désir doit faire l’objet d’une consultation médicale, avant toute investigation psychologique, recommande le Dr Ronald Virag, spécialiste des dysfonctions sexuelles masculines. En fait, chez les hommes, le désir dépend de leur taux de testostérone. Celui-ci est présent dans le sang à raison de trois à douze nanogrammes par millilitre. En dessous, il y a une baisse significative de l’appétit sexuel. D’autres paramètres biologiques interviennent également, notamment les hormones hypophysaires et hypothalamiques, ainsi que les neurotransmetteurs cérébraux (dopamines, endorphines, ocytocines, etc.). Ajoutons que certains médicaments inhibent la production de testostérone, par exemple ceux qui contiennent de la prolactine. Un supplément hormonal peut alors être prescrit.
Pour aller plus loin
Ronald Virag, auteur de Le Sexe de l’homme (Albin Michel).
Des hommes malmenés ?
« La plupart du temps, lorsqu’un homme vient me voir par manque de désir, je m’aperçois très vite qu’il a des difficultés dans son travail », commente Ghislaine Paris, sexologue médicale. Par exemple, certaines subissent une telle pression professionnelle que tout interrogatoire a des répercussions sexuelles. « Un homme s’est fait dire qu’un stagiaire aurait pu faire son travail et qu’on le gardait parce qu’on ne pouvait pas faire autrement », raconte Sylvain Mimoun. Il s’est senti castré et son désir sexuel a disparu. Ce dernier n’est qu’une facette de notre libido et de notre désir en général, et son absence peut s’inscrire dans un contexte dépressif : l’homme ne veut plus faire l’amour, mais il n’en veut pas beaucoup plus.
C’est le « syndrome du vieil homme fatigué » décrit par Jacques Arènes : « Il a beaucoup de travail, des enfants fatigants, des problèmes d’usure dans le couple, et il doit pouvoir renouveler son désir, de peur d’une vitalité réduite et peur de vieillir. Une peur sourde qu’il faut entendre et comprendre. » Il y a toujours eu des hommes et des femmes modérément intéressés par la sexualité, explique le psychiatre Philippe Brenot. Certains sont en sublimation, qui consiste à détourner l’intérêt sexuel vers un autre but de jouissance , que ce soit dans le travail intellectuel, dans l’art ou le sport. Pourtant, aujourd’hui, une soi-disant norme exige que nous soyons tous, à tout moment, passionnés par le sexe. Un dicton qui complique beaucoup d’hommes, mais aussi de femmes qui s’en détournent subitement. . »
Pour aller plus loin
Ghislaine Paris, auteur d’Un désir si fragile (Leduc.s Éditions) Philippe Brenot, auteur de Violences ordinaires des hommes contre les femmes (Odile Jacob).
Une inversion des rôles
Certaines femmes se comportent envers les hommes comme les hommes se comportent parfois envers eux. Gabriel, 22 ans, maître nageur dans un hôtel de luxe, se souvient encore d’une expérience amère : « Une femme m’a dragué dans la piscine et m’a proposé de la raccompagner dans sa chambre le soir. Après l’amour, elle m’a dit : « Habille-toi ! J’ai mis un an à m’en remettre. Bien sûr, toutes les femmes n’ont pas un comportement aussi excessif, mais elles sont de plus en plus nombreuses à faire le premier pas, d’une manière qui prive l’homme de toute initiative. Les conséquences sur le désir sont immédiates : « Depuis l’origine, l’homme est un chasseur. C’est une posture qui l’empêche de tomber dans le piège du désir maternel, analyse Hélène Vecchiali. En effet, très jeune, sa mère lui a donné le sentiment d’être un homme parfait qui la comble, mais il sent que c’est un faux. Approcher des femmes est un moyen de combattre ce mensonge et de vous prouver que vous êtes capable de désirer, de séduire une autre femme qu’elle. Face à un partenaire trop entreprenant, il est privé de l’opportunité de tester son courage. »
Un pas l’un vers l’autre ?
Comment réconcilier les désirs féminins et masculins ? En « émouvant », Hélène Vecchiali répond, acceptant que les choses aient changé : « On est dans une période de changement de rôles et il faut arrêter de regretter l’air du « avant c’était mieux ». Les femmes devraient cesser de demander tout et son contraire aux hommes. Elles doivent se mobiliser : les femmes ont changé et maintenant elles savent ce qu’elles veulent. A eux d’en faire autant et d’affirmer leur propre désir. Faire un pas vers l’autre, ok. Et pourquoi ne pas transformer cette inversion des rôles en un nouveau jeu amoureux ?
« Je vis de plus en plus mal qu’il n’ait jamais envie de moi »
Sabine, 36 ans, mariée depuis dix ans, trois enfants
« Quand j’ai rencontré mon mari, j’ai vite réalisé qu’il n’était pas très intéressé par le sexe, mais comme je partais dans des aventures où les hommes ne cherchaient que ça, j’ai vraiment apprécié ça. Nous avons eu trois enfants en quatre ans, et ça ne me dérangeait pas qu’il ne me demande pas trop. Aujourd’hui, mon plus jeune a 4 ans et aimerait avoir une vie sexuelle plus riche. Pendant des années on n’en a jamais parlé, alors un jour je lui ai proposé d’aller voir un sexologue. A ma grande surprise, il a accepté.
Mais depuis, le problème s’est aggravé : je pense que cette approche lui a mis une sorte de pression, il a des problèmes d’érection et d’éjaculation précoce. Je vis de plus en plus mal qu’il ne me veut jamais, j’imagine qu’il me trouve grosse, moche et du coup je me sens comme ça ! Cependant, c’est un homme adorable, nous avons tout pour être heureux. Je ne veux pas le quitter, j’ai juste peur de le trahir… »
Pour aller plus loin
Sexe et sentiments, version masculine de Sylvain Mimoun et Rica Étienne. La sexualité masculine sous tous ses aspects. Où Sylvain Mimoun se souvient que, aussi chez les hommes, ça traverse l’esprit (Albin Michel). Ainsi soient-ils par Hélène Vecchiali. Les effets négatifs de la « féminisation » de la société sur l’identité des hommes et les moyens d’en sortir (Calmann-Lévy).