En moins de dix mois, les taux d’intérêt à dix ans sur les marchés financiers sont passés de zéro à près de 3 %. Croissance extrêmement rapide associée à une inflation galopante. En effet, dans la zone euro, les prix ont augmenté de 10,7 % sur un an à fin octobre, du jamais vu depuis les années 1970.
Afin de freiner cette hausse, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé en juillet dernier de resserrer sa politique monétaire en remontant ses taux directeurs. La hausse a ensuite été reportée par les banques sur les taux d’intérêt longs (dix ans et plus), ce qui signifie qu’il est désormais plus cher d’emprunter à un ménage ou à une entreprise.
Mais les effets d’une telle politique se font également sentir dans le domaine de l’épargne. Après quarante ans de baisse des taux d’intérêt, tous nos indices de référence sont chamboulés. Nos conseils pour remettre de l’ordre dans vos investissements et créer les bons compromis dans toutes les catégories de produits.
Les livrets grimpent en flèche
Bonne nouvelle pour les titulaires du livret A, c’est-à-dire livret de développement durable et solidaire (LDDS) ! En un an, les redevances de ces subventions, dont l’encours est de 500 milliards d’euros, ont quadruplé. Alors que ces livrets réglementés avaient un taux fixe (0,5 %) en début d’année, ils rapportent désormais 2 % par an à leurs titulaires. Et cette tendance à la hausse pourrait se poursuivre au début de l’année prochaine. Car le tarif de ces livrets, révisé quatre fois par an, est calculé essentiellement en fonction de l’inflation. Or, ce dernier a atteint 6,2 % en France sur un an, en octobre.
Le gouverneur de la Banque de France a déjà évoqué publiquement une nouvelle hausse du taux du Livret A au 1er février 2023. La limite des 3 % pourrait alors être dépassée. De leur côté, les livrets d’épargne fiscalisés deviennent de plus en plus attractifs. Par exemple, le livre Zesto, de la banque Renault, propose un taux majoré de 3,5 % pendant trois mois (jusqu’à 75 000 euros de dépôts), puis 1 % de plus. Mais attention, contrairement aux livrets réglementés – livret A, LDDS… – ces enveloppes sont soumises à un prélèvement forfaitaire unique. Les intérêts perçus seront ainsi réduits de 30 %.
Malgré ces revalorisations à la hausse, la commission sur compte d’épargne ne parvient pas à couvrir l’inflation. Cela signifie qu’en fin d’année vous perdrez du pouvoir d’achat, y compris le Livret A. Ce dernier est pourtant un avantage pour placer votre épargne par précaution, constituée pour faire face à des dépenses imprévues. Les professionnels recommandent de mettre de côté un montant correspondant à trois à six mois de revenus. En cumulant Livret A et LDDS, d’un montant maximum de respectivement 22 950 euros et 12 000 euros, vous pouvez économiser jusqu’à 34 950 euros !
« Dans la période actuelle, qui offre peu de visibilité sur l’évolution des marchés financiers, il convient de prendre une position sûre, donc d’être dans le haut de cette fourchette », recommande Stefan de Quelen, directeur général du broker. Meilleur taux de placement.
C’est bon à savoir. Si vous remplissez les conditions, choisissez plutôt un compte d’épargne populaire (LEP). Son tarif est toujours supérieur à celui du Livret A, car son taux est davantage corrélé au niveau de l’inflation. Il rapporte actuellement 4,6 %. Seul bémol : son ouverture dépend des conditions de revenus, et est limitée à 7 700 euros.
Le fonds en euros sort la tête de l’eau
Avec une moyenne de 1,28 % en 2021, le rendement du fonds en euros est divisé par quatre en vingt ans. Cependant, les professionnels de l’assurance-vie ont récemment bénéficié d’un marché plus favorable. 80% des sommes déposées sur ce support à capital garanti sont investies en obligations, c’est-à-dire des titres de créance cotés en bourse, émis par des entreprises, des collectivités locales ou des Etats. Cependant, leurs tarifs ont augmenté ces derniers mois.
« C’est un changement de paradigme », s’enthousiasme François-Régis Bernicot, PDG de l’assureur Suravenir (groupe du Crédit Mutuel Arké). Les taux d’intérêt négatifs que nous avons connus ces dernières années ont été mortels pour l’assurance-vie. Nous trouvons des opportunités d’investissement qui permettront de dynamiser le rendement du fonds en euros dans les années à venir. Mais quand les épargnants verront-ils la couleur ?
Le mouvement sera probablement très progressif. Pour profiter de la hausse des taux, les assureurs doivent trouver de l’argent frais à investir. Cependant, pendant plusieurs années, ils ont ralenti le versement de cet investissement garanti, obligeant les Français à investir au moins en partie dans des unités de compte, des actifs risqués.
Les taux proposés pourraient néanmoins se redresser légèrement à partir de début 2023. « Face à la concurrence du Livret A, les assureurs devront donner un signal positif sur le fonds en euros pour ne pas décourager les épargnants », analyse Cyrille Chartier-Kastler, fondateur. du site d’information Good Value for Money.
Afin d’augmenter le rendement de leur fonds en euros et de le rendre plus attractif, certains acteurs peuvent compter sur leurs réserves. Parce que les assureurs ont la possibilité de réserver une participation au bénéfice de l’assuré, au lieu de le redistribuer immédiatement. Et il semble que le moment soit venu pour eux de puiser dans cette aubaine. En moyenne, les assureurs ont des réserves de 5% de rendement, précise notre expert. Mais ce chiffre varie beaucoup selon les acteurs. Les bancassureurs, comme Crédit Mutuel osiguranje, Sogecap ou Cardif, sont les mieux dotés. »
Attention toutefois : les entreprises les plus riches ne sont pas toujours les plus généreuses. Parmi les contrats qui proposent les fonds en euros les plus rémunérateurs sur le long terme, citons par exemple le Compte Epargne Futur Libre Multisupport (CMI), l’Epargne Garance (Garance), l’Epargne Retraite 2 Plus (Asac-Fapès), le Plan Éparmil ( AGPM) Vie ) ou Charac Profiléo (Charac) .
C’est bon à savoir. Parallèlement aux unités de compte, il y a de moins en moins de fonds en euros disponibles sans obligation d’inscription. Pour épargner en toute sécurité, visez les contrats des mutuelles, comme Garance Épargne (Garance), Multi Vie (Macif) ou RES Multisupport (MACSF), ou ceux de certaines associations d’épargne, comme l’Afer d’ Contrat Abeille Vie (ex-Aviva).
Des opportunités à saisir sur le marché obligataire
Les obligations permettent aux entreprises ou aux gouvernements d’emprunter de l’argent sur les marchés financiers. Lorsque vous l’achetez, vous devenez créancier de l’entité qui arrange le prêt et en échange vous recevez des intérêts appelés « coupons » (généralement payés annuellement) et, dans un délai déterminé, l’émetteur vous rembourse le capital emprunté.
Ce fameux coupon repose sur deux versants : des taux d’intérêt et une prime de risque dont le montant varie selon l’emprunteur (il sera plus élevé pour une petite entreprise endettée que pour le modèle phare du CAC 40, qui paiera tout de même plus que le gouvernement). Cependant, tant les taux que les primes de risque ont augmenté sous les effets conjugués de la guerre en Ukraine et du ralentissement économique.
Résultat, « les rendements obligataires sont au plus haut depuis une décennie », constate Aurélien Buffault, directeur de la gestion obligataire de la société de gestion Meeschaert AM. C’est en moyenne environ 4% pour les entreprises très solides, et plus de 7% pour les entreprises plus risquées, déjà assez endettées. « Les entreprises européennes sont en bonne santé et disposent de marges confortables », souligne Olivier Becker, expert obligataire au sein du groupe Corum. Attention cependant : plus le taux d’intérêt est attractif, plus le risque de défaillance de l’emprunteur est grand.
Pour profiter de cette situation, les sociétés de gestion ont créé ces derniers mois des fonds obligataires à maturité, dits aussi « datés » (MAM Target 2027 par Meeschaert AM, Millesima World 2028 par Edmond de Rothschild AM ou Carmignac Crédit 2027 par Carmignac). Ces produits à durée limitée ciblent les obligations qui seront remboursées à la fin du fonds. Ils peuvent être inscrits dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie et représentent un grand intérêt : puisqu’ils détiennent les titres jusqu’à l’échéance, ils sont rémunérés à leur valeur nominale, c’est-à-dire la valeur à laquelle les titres ont été émis. Cela les différencie des fonds obligataires traditionnels qui investissent dans des obligations qui peuvent être vendues en cours de route à un moment où leur prix est bas sur les marchés et susceptibles d’enregistrer une perte.
Mais attention, les fonds des obligations ne sont pas garantis à l’échéance, car le défaut du débiteur est toujours possible. Pour limiter les risques, les gérants diversifient leur portefeuille sur plusieurs dizaines d’entreprises différentes (généralement 80 à 100) et effectuent des due diligences pour sélectionner celles qu’ils estiment capables de rembourser leur dette. Le bénéfice promis est d’environ 5% des frais nets.
C’est bon à savoir. Il existe sur le marché des fonds obligataires avec des maturités créées il y a quelques années, et dont la durée de vie restante est courte (deux à quatre ans au plus), parmi lesquels Sanso Objectif Durable 2024 ou Oddo BHF Global Target 2026. ces supports représentent un peu moins rémunérateur alternative, ils ont aussi l’avantage d’être moins risqués.
Les actions sont plus abordables
Le marché boursier a souffert de la hausse des taux d’intérêt. La liquidité disponible sur le marché étant réduite, les investisseurs préfèrent investir leur capital dans des obligations d’État, désormais mieux rémunérées.
Mais ce n’est pas tout! Ils avaient aussi peur de l’inflation, des tensions géopolitiques, des craintes de récession. En conséquence, au cours des neuf premiers mois de cette année, un indice représentatif des actions internationales a perdu un quart de sa valeur… Et plus encore pour le secteur technologique, qui a chuté en moyenne de 34 %. Cependant, vendre à ce stade ne serait pas judicieux.
« Nous sommes au coeur de la tempête, mais quand les marchés se retournent, la reprise peut être très rapide », explique Alexandre Hezez, stratège à l’établissement bancaire Groupe Richelieu. Vous devez conserver vos titres pour les racheter. » Si vous êtes prêt à endurer quelques mois de turbulences supplémentaires et que vous avez un objectif d’investissement à long terme (au moins entre cinq et huit ans), il peut être judicieux d’augmenter progressivement la proportion d’actions dans votre patrimoine pour profiter d’opportunités attractives. des prix.
Soyez sélectif. Car la hausse des prix de l’énergie et de nombreuses matières premières pèse sur les entreprises. Dans ce contexte, la priorité doit être donnée à ceux qui pourront répercuter l’augmentation de leurs coûts sur leurs prix. Certains fonds ont développé une approche basée sur cette analyse dite du « pricing power », comme Amplegest Pricing Power ou Delubac Pricing Power.
Plus généralement, la période incite à privilégier les valeurs de croissance, peu endettées et peu sensibles à la conjoncture économique, par exemple celles des secteurs de la santé ou de l’agroalimentaire. Enfin, si votre portefeuille est majoritairement investi en valeurs françaises ou européennes, profitez-en pour vous diversifier à l’international, notamment avec des actions américaines.
« A court terme, il vaut mieux privilégier les actifs éloignés du conflit ukrainien, recommande Nadine Trémollières, directrice du centre d’expertise Primonial Portfolio Solutions chez Primonial, groupe spécialisé dans la gestion d’actifs. De plus, les États-Unis profitent de la force du dollar. Parce que ces arbitrages ne sont pas simples, il est possible de s’appuyer sur un expert en utilisant un mandat de gestion, disponible dans la plupart des contrats d’assurance-vie.
C’est bon à savoir. En bourse, acheter au plus bas et revendre au plus haut est une chimère qui peut conduire à de nombreuses mauvaises décisions. Afin de surmonter en douceur les soubresauts des marchés, la meilleure solution est d’opter pour l’investissement progressif. Investir régulièrement de petites sommes (tous les mois par exemple) permet de lisser les prix d’entrée.
L’immobilier soumis à des vents contraires
Les Français aiment la pierre, et cela se voit dans leurs contrats d’assurance-vie. Les fonds de type SCPI y ont fleuri ces dernières années et ont connu un grand succès. Ces produits vous permettent d’investir dans un pool de propriétés avec une part limitée et de recevoir une part correspondante du loyer.
Autres avantages : L’inventaire locatif est géré, et ces fonds investissent dans des biens difficiles d’accès direct, tels que des bureaux, des magasins, des entrepôts ou encore des cliniques. Pour couronner le tout, les SCPI offraient l’an dernier un rendement moyen de 4,45 %, selon l’Institut de l’épargne foncière et immobilière.
Cependant, l’avenir de l’immobilier semble incertain. Certes, cet investissement résiste bien aux périodes de hausse des prix, les loyers étant indexés sur l’inflation. Mais le marché immobilier souffre du resserrement des conditions d’emprunt, ce qui exerce une pression sur les prix. Dans cet esprit, commencez par examiner ce que vous avez déjà dans votre portefeuille. Si vous avez beaucoup investi dans la pierre, il n’est pas nécessaire d’alourdir davantage le navire – au contraire, un rééquilibrage est nécessaire. Si ce n’est pas le cas, visez le long terme – au moins dix ans – pour absorber une éventuelle crise.
Choisissez SCPI judicieusement. « Tous les actifs ne seront pas placés dans le même bateau, prévient Stéphane de Vaulx, directeur du développement commercial et du marketing chez Meeschaert Gestion Privée. Certains sont intrinsèquement plus résilients : ceux liés à la santé, aux bureaux et logements de qualité et bien situés. Ils bénéficient d’une demande structurellement forte.
« D’autres secteurs sont plus vulnérables en cas de ralentissement économique, comme la logistique (l’entreposage) et le commerce », poursuit Stéphane de Vaulx. La qualité énergétique des biens est également cruciale pour leur valeur à long terme. Privilégier les SCPI qui portent le label public ISR (investissement socialement responsable), gage d’efforts en la matière.
C’est bon à savoir. Les prix des parts de SCPI sont réglementés : ils doivent rester dans une fourchette comprise entre plus et moins 10% de la valeur de reconstitution de la SCPI, qui reflète la valeur du parc immobilier. Cela signifie qu’en cas de baisse des cours de bourse, il n’y aura pas forcément d’impact sur le cours de l’action SCPI si celui-ci se situe dans le bas de cette fourchette. Vérifiez la valeur de reconstitution, disponible dans le rapport annuel de chaque SCPI, et privilégiez celles dont les actions sont cotées nettement en dessous de cette valeur.