Quatre-vingt-dix professionnels du voyage participent à la convention des Entreprises du Voyage Ile-de-France qui se tient à Québec autour d’un thème : l’attractivité des métiers du voyage. Entretien avec Lionel Rabiet, président d’EdV Ile-de-France.
Quatre-vingt-dix professionnels du voyage participent à la convention des Entreprises du Voyage Ile-de-France qui se tient à Québec autour d’un thème : l’attractivité des métiers du voyage. Entretien avec Lionel Rabiet, président d’EdV Ile-de-France.
L’Echo touristique : La convention EDV Ile-de-France se déroule actuellement au Québec, quelles sont vos impressions sur l’événement ?
Lionel Rabiet : On sent vraiment une envie chez les agents de voyages de se retrouver pour échanger et débattre. De vivre des choses aussi, et cela s’est concrétisé pendant trois jours par des rencontres avec nos amis québécois, notamment les forums autochtones qui ont été très populaires. Elle se matérialise aussi par des débats un peu vifs, notamment sur la place des femmes dans nos métiers ou sur la RSE, avec des avis qui divergent, d’autres qui convergent, mais toujours beaucoup d’échanges. Et puis l’envie d’être ensemble.
Les sujets abordés en plénière sont des sujets majeurs pour le développement de la filière. Comment EDV Ile-de-France compte-t-elle les accompagner au-delà de cet accord ?
Lionel Rabiet : Les trois thèmes qui ont été abordés lors de la plénière – l’innovation, la place des femmes dans nos métiers et la transition écologique – sont pour moi les sujets qui vont structurer l’avenir de nos métiers. Valérie Boned, qui s’est également exprimée lors de la plénière, en est consciente. Avec elle et Jean-Pierre Mas, nous voulons faire avancer ces sujets. Nous, dans les régions, soutiendrons évidemment ces initiatives. En pratique, on va vraiment mettre le turbo sur l’entraînement. Il y a un grand projet lancé par Valérie Boned pour lever des fonds et développer la formation au sein de nos agences, notamment autour du tourisme responsable, du numérique… Il est clair aussi qu’il y a une volonté au niveau du ministère d’accompagner nos entreprises dans ces transitions qui sont pleinement conforme aux priorités de nos gouvernements. Je sais que Valérie Boned en a discuté avec Olivia Grégoire.
D’autres sujets prioritaires ont-ils été mis sur la table pour les mois à venir, au niveau d’EdV Ile-de-France ?
Lionel Rabiet : Il y a parfois des sujets régionaux, notamment les JO 2024 qui se déroulent à Paris. Les opportunités à saisir pour les agences franciliennes sont nombreuses, mais la plupart des sujets sont des sujets nationaux et notre rôle est d’animer notre communauté. C’est pourquoi une convention est importante. Pour moi, c’est un rendez-vous qui permet aux gens de se rencontrer, d’apprendre, de se sensibiliser. à certains sujets. Concernant les enjeux de la transition écologique, je crois vraiment que la prise de conscience passe souvent par les pairs. On parle à quelqu’un et on se dit pourquoi pas moi ? Dans les conventions, il y a une forme d’émulation. J’ai déjà vu de nombreux projets, des partenariats nés de simples rencontres lors de ces moments. C’est pourquoi je crois toujours beaucoup à ce concept, même si certains le critiquent. On va aussi continuer, on a un projet d’accord pour mars 2023, en Guyane.
Des conventions critiquées notamment pour leur impact environnemental… Lors de votre discours d’introduction, vous avez évoqué la notion d’« ombre climatique », notion encore peu connue. Comment peut-elle s’appliquer au tourisme ?
Lionel Rabiet : Ma vision est que l’agent de voyages de demain est celui qui permettra au tourisme de faire sa transition. Parce qu’il est à l’interface entre clients, voyageurs et fournisseurs. Vis-à-vis des voyageurs, il a un rôle de sensibilisation, de prescription. Et vis-à-vis des fournisseurs, il a aussi un pouvoir de pression. On le voit déjà dans les voyages d’affaires. Aujourd’hui, les grandes entreprises demandent à leurs partenaires d’être RSE ou d’adhérer à des labels comme Agir pour un Tourisme Responsable. Les agences de voyages peuvent influencer les fournisseurs en choisissant des hôtels ou des compagnies aériennes en fonction de ces critères. Nous sommes des intermédiaires, oui, mais finalement notre position d’intermédiaires nous rend puissants. Et dans un monde qui doit faire sa révolution, l’agent de voyages est celui qui doit l’accompagner. Il n’est pas le problème, il est la solution à cette transition vers un voyage sans carbone. Ce faisant, son rôle personnel dans la transition écologique est très positif. (…) Oui, il faut essayer d’être un peu plus sobre sur le plan individuel, mais la réponse que je donne à cela, c’est la compensation.
L’ombre climatique, c’est aussi effectivement prendre en compte les actions positives dans le calcul de notre impact…
Lionel Rabiet : Oui, alors voyons aussi toutes les actions que nous menons en tant que professionnels dans ce sens et arrêtons de culpabiliser sur notre consommation quotidienne. Nous sommes des voyageurs par définition, alors continuons à voyager. Arrêter de voyager serait abandonner notre travail. (…) Continuons à découvrir le monde, c’est l’essence même de qui nous sommes. Mais agissons, car nous sommes bel et bien aux premières loges pour voir ce qui se passe quand le tourisme est débridé. Qui mieux que nous sait ce qu’est le tourisme non responsable ? Nous avons une responsabilité alors formons-nous. Mon ambition serait que chaque agent de voyage ait au moins un jour ou deux de formation sur ce sujet. Par exemple, j’aimerais que tous les agents de voyages puissent faire la fresque climatique, c’est un des projets que nous voulons mettre en place au niveau national.
En tant que président d’EdV Ile-de-France mais aussi en tant que chef d’entreprise, comment envisagez-vous la fin des années 2022 et 2023 ?
Lionel Rabiet : Nous sommes dans une période très contrastée. (…) On a des agences qui sont à plus de 20% par rapport à 2019 et d’autres qui sont très en retard, c’est comme s’il y avait une énorme différenciation, une dispersion, voire, des résultats de chacune, sans pouvoir observer une tendance globale. Tout dépend du marché dans lequel vous vous situez, du type de produit, de la clientèle… Par rapport aux agences qui ont continué à fonctionner, la reprise a été beaucoup plus dure pour celles qui ont failli fermer, c’est évident. Il y a des raisons d’espérer et aussi des raisons de s’inquiéter. Je pense qu’on va progressivement sortir du « revenge travel ». Ce besoin un peu irrépressible de voyager pour certains, quitte à avoir une forme de boulimie du voyage, s’estompe. Nous allons revenir à un marché plus normal et c’est là que nous allons voir ce que sera cette nouvelle normalité. Bien sûr, on s’interroge sur l’impact de l’inflation, de la géopolitique… Bien malin qui peut dire à quoi ressemblera 2023. Après tout ce que nous avons connu, je pense qu’il est extrêmement important de rester humble, prudent, de ne pas se vanter. Important d’investir aussi, tout en gardant les yeux sur la ligne de coût. Nous avons prouvé notre résilience, nous avons prouvé que nous étions capables de nous adapter.
C’est à Québec que se tient actuellement le congrès des Entreprises du Voyage Ile-de-France. 90 participants se sont réunis pour cet événement, organisé en partenariat avec Destination Canada, Bonjour Québec et Air Transat, qui a débuté le 15 octobre. Au programme : atelier, conférences et découverte de la destination. En toile de fond, les couleurs orangées de l’été indien, de Québec à Montréal en passant par Trois-Rivières et Saint-Alexis des Monts.