Chaque semaine, Economic Alternatives sélectionne pour vous les meilleures cartes. Pour ce nouveau graphorama, on fait le point sur l’inflation et les salaires, la situation économique en Italie, les tirs policiers mortels sur les occupants des véhicules, le réchauffement oublié des aides pétrolières du gouvernement et la main-d’œuvre en berne des organismes publics chargés de l’environnement
Chaque semaine, Economic Alternatives sélectionne pour vous les meilleures cartes. Pour ce nouveau graphorama, on fait le point sur l’inflation et les salaires, la situation économique en Italie, les tirs policiers mortels sur les occupants des véhicules, le réchauffement oublié du pétrole des aides du gouvernement et la main-d’œuvre en berne des organismes publics chargés de l’environnement .
1/ L’inflation plombe le pouvoir d’achat
Les tensions montent autour du pouvoir d’achat. Les grèves se multiplient pour réclamer une augmentation des salaires, à Stellantis, à Hordain (Nord), la semaine dernière, ou dans les hypermarchés Carrefour de plusieurs villes de province le week-end dernier. Et ce jeudi, les salariés sont appelés à fouler le sol pour défendre leurs fiches de paie, notamment par la CGT, la FSU et Solidaires.
Marre qu’ont objectivé les dernières données publiées la semaine dernière par la Dares, le service des statistiques du ministère du Travail. Certes, à partir de fin 2021, notamment sous la pression des revendications salariales, les salaires ont recommencé à augmenter significativement, après avoir longtemps stagné entre + 1 % et + 1,5 % en rythme annuel.
Mais ce rebond est loin de compenser la hausse vertigineuse de l’inflation. Résultat : le pouvoir d’achat baisse. Ainsi, au deuxième trimestre 2022, le salaire mensuel de base a augmenté de 3,1 % année après année, après une hausse de 2,3 % au trimestre précédent. Mais les prix à la consommation ont augmenté de 6 % entre fin juin 2021 et fin juin 2022.
Sur un an et en euros constants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, le salaire mensuel de base a donc diminué de 2,9 %. Et la hausse des prix de l’énergie qui va remonter début janvier n’arrangera pas les choses.
2/ L’Italie, une économie à bout de souffle
Le parti d’extrême droite Fratelli d’Italia est arrivé en tête des élections législatives italiennes du week-end dernier avec 26% des suffrages. Avec Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, et la Ligue de Matteo Salvini, Giorgia Meloni se retrouve à la tête d’une coalition de droite majoritaire tant à la Chambre des députés qu’au Sénat.
Les facteurs explicatifs de ce vote sont évidemment multiples. La stagnation économique de l’Italie pendant plusieurs décennies en est une. « L’Italie est sans aucun doute le pays qui a le plus souffert des effets du marché unique et de l’euro. Les Italiens sont en moyenne plus pauvres aujourd’hui qu’il y a 20 ans », explique David Cayla, économiste à l’université d’Angers.
En cause, la polarisation industrielle qui a suivi la mise en place du marché unique et qui a conduit à la consolidation de l’appareil industriel européen autour de la mer du Nord, au détriment des pays du Sud. En 2021, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Italie est toujours inférieur à celui de… 2007 !
Outre cette explication géographique, il existe des causes nationales : « à la fois des facteurs structurels (spécialisation dans des secteurs à faible valeur ajoutée en concurrence avec les pays à bas coûts, surreprésentation des très petites entreprises dans le tissu productif, différences de développement entre le Nord et le Sud, etc.) et l’austérité pratiquée après les crises de 2008-2009 et 2010-2011″, rappelle-t-on un article publié cet été à l’occasion de la démission de Mario Draghi.
La hausse des taux d’intérêt déclenchée par la Banque centrale européenne (BCE) depuis l’été n’arrange rien : l’Italie emprunte désormais depuis dix ans à plus de 4 %, contre moins de 1 % il y a un an.
3/ Homicides policiers suite à refus d’obtempérer : la loi est en cause
L’année 2022 n’est pas encore terminée mais elle compte déjà onze homicides policiers après des tirs visant les occupants d’un véhicule. La force de la société ? C’est l’hypothèse avancée par le ministre de l’Intérieur et les syndicats de police.
D’autres y voient plutôt la conséquence d’un changement législatif : en février 2017, une loi autorisait les forces de l’ordre à faire usage de leurs armes si les personnes cherchant à s’évader sont « susceptibles de porter, dans leur fuite, atteinte à leur vie ou à l’intégrité physique ou celle des autres ». De quoi introduire beaucoup de flou dans des textes qui jusqu’alors limitaient cet usage à une réponse à un danger réel et immédiat.
Dans un article qui vient de paraître, trois politologues montrent, sur la base de données statistiques qu’ils ont recueillies, que depuis la promulgation de cette loi, la fréquence des tirs mortels dirigés contre l’occupant d’un véhicule en mouvement a été multipliée par cinq par rapport à 2012 -Période 2016. Cette augmentation spectaculaire ne se voit pas dans d’autres situations (où les tirs meurtriers diminuent légèrement), ni dans les pays voisins, dans un contexte où, de manière générale, « la société devient moins violente ».
Cela remet en cause le nouvel équilibre entre le droit de tirer par la police et le droit à la vie des citoyens instauré par la loi de 2017, dont l’objectif principal était de « satisfaire les revendications des syndicats majoritaires ». Et aussi de s’interroger, notent les trois chercheurs, sur la sélection des agents et leur formation, dont la durée sera réduite, en juin 2020, de douze à huit mois.
4/ Le chauffage au fioul, grand oublié du bouclier tarifaire
Face à l’explosion des prix de l’énergie, les ménages auront bénéficié au cours de l’année 2022 d’un bouclier tarifaire très protecteur sur l’électricité et le gaz. Et cher : 24 milliards d’euros d’aides publiques, dont 10,5 milliards pour l’électricité, 6 milliards pour le gaz, sans compter 7,5 milliards pour les ristournes sur le carburant à la pompe.
Qu’en est-il des 3,6 millions de foyers qui se chauffent au mazout ? Rien, ou presque. Pourtant, selon les chiffres publiés par le ministère de l’Ecologie, ils occupent 11 % des logements. Et même 30% du « tamis thermique », où vivent des familles plus modestes que les riches.
Pour eux, le Parlement a voté cet été une petite enveloppe de 230 millions d’euros, qui sera distribuée à partir de novembre. « Mon rôle de ministre du Budget est de voir comment cette aide de 230 millions d’euros est répartie de la manière la plus efficace et équitable possible », a déclaré sans rire le ministre du Budget Gabriel Attal. Les 24 milliards du bouclier tarifaire sur le gaz, l’électricité et les carburants sont pourtant, rappelons-le, répartis sans discernement, et donc inefficaces, injustes et ruineux pour les finances publiques.
Très modeste, cette aide au fioul s’adressera à la moitié des maisons qui se chauffent au fioul (1,4 million) qui percevront chacune entre 100 et 200 euros (cumulé avec la maîtrise de l’énergie). Comme le tweete Andreas Rüdinger, chercheur à l’Iddri, « le prix du fioul a augmenté de 70 % par rapport à 2019. Avec une consommation annuelle comprise entre 2 000 et 3 000 litres pour un tamis thermique, cela fait donc augmenter la facture de 1 360 à 2 000 euros ». C’est à côté de la plaque.
Et le chercheur d’ajouter : « Cette aide ne peut avoir de sens que si nous lançons, en parallèle, un vaste programme d’accompagnement à la sortie du fioul pour ces maisons, en privilégiant des rénovations performantes »
5/ Écologie : des organismes publics déplumés
Il n’y a pas que les glaciers qui fondent. Le nombre d’opérateurs publics en charge de l’écologie a aussi drastiquement diminué ces dernières années, indique un rapport de l’Institut d’économie du climat (I4CE) sur l’adaptation au réchauffement climatique.
En chiffres absolus, l’Office national des forêts (ONF) a perdu le plus d’agents. Le nombre d’emplois en équivalent temps plein (ETP) autorisés par les lois de finances a diminué de 1 074 entre 2014 et 2022, soit une réduction de 11 % de ses effectifs.
En proportion, Météo-France est le plus mal loti, avec une perte de 22 % de ses ETP, soit 662 agents de moins, entre 2014 et 2022. Il est suivi du Centre d’Etudes et d’Experts sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. (Cerema) avec -19% des effectifs, les agences de l’eau (-16%) puis l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN) avec -12%.
Ces opérateurs publics nationaux sont chargés d’animer et de coordonner les nombreuses actions nécessaires à l’adaptation au réchauffement climatique. Cela nécessite des ressources, en particulier des ressources humaines, affirme le rapport. Les auteurs préconisent 2,3 milliards d’euros de dépenses annuelles supplémentaires, dont une petite partie doit être consacrée au renforcement des effectifs.
Les projets dans ce domaine sont en effet aussi nombreux que divers et complexes. Dans son rapport, I4CE donne quelques exemples : adaptation des bâtiments à des canicules plus longues, renforcement de la robustesse des infrastructures de transport ou d’énergie pour assurer la résilience dans un contexte de plus grande variabilité climatique, transformation des systèmes agricoles pour faire face à des sécheresses plus fréquentes, diversification des économies de montagne pour répondre à la réduction de l’enneigement, recomposition des côtes pour faire face à l’élévation du niveau de la mer, etc.
Alors que la sécheresse de 2022 a montré, s’il le fallait, la nécessité de s’adapter au réchauffement climatique, tout en intensifiant les efforts pour le limiter, le projet de loi de finances pour 2023 semble mettre fin à cette hémorragie dans la population active, sans toutefois prévoir de politiques ambitieuses.