Nous avons commencé à nous intéresser à la perte d’appétit sexuel chez l’homme, considérée comme plus fréquente chez la femme.

Difficile de mettre des mots sur ce que nous n’imaginions même pas. Alors pour ces hommes qui soudainement n’ont plus envie de faire l’amour. « Au lit, c’est moi qui ai des migraines… », résumait l’un d’eux lors de sa première consultation avec un sexologue.

C’est juste que, dans l’imaginaire collectif, les hommes sont assez « toujours prêts » au rapport sexuel – aujourd’hui on s’intéresse davantage aux toxicomanes et aux compulsifs sexuels – et quand ils « ne peuvent pas », c’est lié à des mécanismes (impuissance, anorgasmie, etc.) sont assez faciles à décrire. L’affaiblissement du désir, comment pourraient-ils en prendre conscience et l’exprimer ? « C’est plutôt une question féminine, analyse le psychiatre Philippe Brenot, directeur des cours de sexologie à l’université Paris-V. Elles savent ce qu’est le désir, les hommes non. Surtout, ils connaissent sa première manifestation : l’érection. Ce mécanisme réflexe a donc toujours retenu l’attention de tous, comme le disait Coluche à son sujet : « Je n’ai pas besoin de te dire que je t’aime parce que ça se voit.

Aujourd’hui, nous commençons à étudier les troubles du désir masculin. Ainsi, lors des VIes Assises françaises de sexologie et de santé sexuelle qui viennent de se tenir à Perpignan (Pyrénées-Orientales), plusieurs interventions leur ont été consacrées. Premier constat : ces difficultés, lorsqu’elles surviennent chez quelqu’un qui jusqu’alors n’avait aucun problème, sont assez difficiles à diagnostiquer. « Les malades consultent souvent trop tard, après des années de déni et d’évitement du problème », explique le Dr. Ghislaine Paris, sexologue et co-auteur de Faire l’amour pour éviter la guerre dans les couples (Ed. Albin Michel). Lorsqu’ils décident de demander de l’aide, la perte un peu mystérieuse de leur désir reste pour eux imprégnée d’un grand flou. Alors je leur demande : « Quelles sont vos hypothèses ?

Des causes multiples

Une fois les causes purement médicales exclues, plusieurs séances sont nécessaires pour identifier des cas très différents (le patient a-t-il vécu longtemps ou non avec un partenaire ? Quel âge a-t-il ? Ses habitudes auto-érotiques ?). « Comment savoir si ce sont les difficultés d’érection qui ont déclenché le désir ou le manque de désir initial qui provoque l’impuissance ? » résume le Dr. Ghislaine Paris.

Généralement, les causes psychologiques sont multifactorielles. Emblématique, cet homme de 53 ans, R., en plein épuisement professionnel. Il vient de créer sa société et n’est pas d’accord avec sa compagne. Il vit également dans une relation conflictuelle avec son fils aîné, ce qui crée des tensions avec sa femme. Depuis trois ans, elle accumule les obstacles à surmonter dans sa vie sociale et ne consacre presque plus d’énergie au couple. De plus, il ne ressent plus aucun appétit sexuel.

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Pour Philippe Brenot, « cet affaiblissement de l’humeur, et parfois la dépression indispensable lorsqu’un homme éprouve un décalage entre ce dont il a rêvé et ce qu’il a vécu, constitue la première cause de troubles ». Ajoutez à ce tableau quelques ressources de psychotropes, d’alcool ou de marijuana pour donner l’impression de « prendre des forces », et le symptôme ne fait qu’empirer.

Il existe également des causes psychologiques plus profondes, qui doivent conduire à un traitement psychothérapeutique. Il peut s’agir du passé d’un enfant maltraité, ou d’une peur inconsciente de passer à l’acte une pratique perverse qui freine le désir, une homosexualité refoulée. Il peut s’agir aussi, souvent d’un clivage inconscient, de la difficulté qu’éprouvent certains hommes à considérer leur compagne régulière comme autre chose que la mère de leurs enfants ou une vierge inexpugnable. « Ils peuvent vouloir des prostituées, mais pas leurs femmes », explique le Dr. Ghislaine Paris, car pour eux respecter leur partenaire et pouvoir l’aimer sexuellement sont contradictoires. »

Inhibé par son sentiment de culpabilité

Dans le cas de R., ce n’est qu’après plusieurs séances, aussi bien en solo qu’en couple – car sa compagne était bien décidée à l’aider – qu’il a avoué l’élément déclencheur de sa pause fringale. Il avait, au plus fort de sa crise professionnelle, entretenu une relation sexuelle avec une jeune collaboratrice. Et même si cette connexion n’était que furtive, elle l’empêchait de reprendre des forces lorsqu’il était avec sa femme, car sa grande culpabilité inconsciente l’inhibait.

Pour les sexologues, il s’agit donc de plus en plus de véritables « enquêtes » à mener sur des cas bien précis, même si, selon Philippe Brenot, qui a réalisé en 2011 une grande enquête sur les Hommes, le sexe et l’amour (Éd. Les Arènes), il faut aussi prendre en compte les évolutions sociétales : « Les nouvelles générations d’hommes ne connaissent pas vraiment une baisse du désir, note-t-il, mais ils l’affirment avec quelques hésitations car il doit être à la fois doux (affectivement proche des femmes) et solide (physiquement.) Cela crée une posture incertaine, qui les désoriente. Et le psychiatre d’attendre un jour une école qui dirait aux enfants leur désir : ce qui les fait naître, ce qui les en empêche, toute une pédagogie à inventer, en quelque sorte.

difficultés sexuelles masculines

Les hommes peuvent aussi avoir un manque de libido.

D’où vient le manque de désir sexuel ?

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