Au XVIIIe siècle, à l’heure de la philosophie des Lumières, les libertins développent une éthique du plaisir fondée sur une rationalité économique. Cette économie des plaisirs répond à différentes logiques de calcul, qui vont de l’addition à tout rompre aux mesures de restriction et d’ascèse.
Au Siècle des Lumières, dans les salons de Paris, on croise des aristocrates, des prêtres, des socialistes et bien sûr des libertins. Ils participent à la circulation des idées philosophiques de leur temps. Ainsi, Crébillon, Sade ou Choderlos de Laclos proposent dans leurs romans une économie de la volatilité qui va de l’accumulation des conquêtes à la modeste recherche de la jouissance. La morale du Grand Siècle suit une éthique beaucoup plus individualiste et calculée, qui trouve un écho chez les libertins. Hédonistes et calculateurs, les libertins font entrer la logique économique dans le domaine érotique, créant un nouvel avatar de l’homo oeconomicus qui entre dans le domaine de l’intime.
Une économie libidinale
Selon Elise Sultan-Villet « il y a un imaginaire libertin d’accumulation et d’addition. On retrouve des personnages qui n’ont qu’une idée en tête, c’est d’avoir le plus de partenaires possible. Ce sont des collectionneurs et des collectionneurs. L’idée est une machine calculée car la jouissance du nombre est donc. Plus nous avons de corps disponibles, plus nous pouvons en jouir au maximum. Le bonheur est un nombre et un nombre infini ».
Séverine Denieul prend l’exemple de Casanova : « Les stratégies développées par Casanova consistent à accumuler de l’argent dans le but de le gaspiller. Il dit à son amant qu’il essaie de tromper qu’il est un passe-temps. L’argent n’est pas une fin en soi celui-ci. Casanova ne thésaurise pas, il récupère cet argent, il s’efforce de le dépenser, de le gaspiller avec ses conquêtes amoureuses ».
La balance libertine
Pour Elise Sultan-Villet : « Il y a deux types de libertins. C’est Smith qui mobilise ces deux modèles et d’une part le Libertin qui serait dépensier, prodigue et excessif, et d’autre part, un plus libertin sobre, plus économique.Ce libertin sobre doit faire preuve de vertu par nécessité car il vieillit, est malade ou parfois fatigué de son train de vie.
Pour Séverine Denieul « au XVIIIe siècle, la distinction entre philosophie stoïcienne et philosophie épicurienne n’était pas marquée et les libertins se concentraient sur la recherche de la modération et d’une certaine forme d’ataraxie. Casanova fait référence à ces deux enseignements dans le mélange. Tout ce désir là .pour atteindre un état de modération, un état de sagesse et de tranquillité de l’âme.C’est vrai que l’image du libertin est plus liée à la colère, à la dépense mais c’est un cliché qu’il faut essayer d’éloigner du vrai sens de découvrir ce que pouvaient être ces traditions au XVIIIe siècle ».
Références sonores
Références musicales
Symphonie n° 88 en sol majeur de Haydn – Leonard Bernstein – New York Philarmonie
Taquineries du bout du monde – Yeah Yeah Yeahs ft Perfume Genius