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18 mai 2022
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L’arrivée des touristes et la pénurie de médecins ont fait craindre un engorgement des services pour l’été dans les hôpitaux marseillais. Entretien avec Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale de l’AP-HM.
Le camion Smur des enfants revient à La Timone. Crédit photo : Emilio Guzman
A Marseille, le bruit des roues sur le trottoir s’est mis à résonner. Il annonce l’arrivée progressive des touristes qui traînent leurs valises jusqu’à la bonne porte. Les signes de l’été sont définitivement là. La saison suscite cependant dans certains secteurs plus d’inquiétude que d’enthousiasme. Cela commence par le service des urgences de l’Assistance publique-hôpital de Marseille (AP-HM). « Chaque année, c’est un souci », témoigne l’infirmière de nuit de l’hôpital du Nord qui résume la situation : « On sait très bien qu’on va galérer. D’habitude, on travaille des nuits supplémentaires et là, quand on est en vacances, personne le fait.
Le professeur Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale fondatrice et chef de service de chirurgie orthopédique et pédiatrique à l’hôpital de La Timone, a partagé ces constats. Il décrypte pour Marsactu la question du manque de personnel aux urgences et ses conséquences.
L’été est-il toujours un souci pour les services d’urgence ?
Parce que nous sommes dans un courant tendu. Avec l’arrivée de grands touristes, chaque été, l’activité augmente d’environ 20% à Marseille. A l’hôpital de la Timone, il y a en moyenne 260 admissions aux urgences par jour. En été, on monte à 300-350. Et nos médecins et ambulanciers passent autant de temps que n’importe qui d’autre. Cette situation est aggravée par la pénurie de médecins urgentistes partout en France. C’est pour cette raison que nous sommes complètement angoissés.
Quelle est la situation à Marseille ?
C’était plus tendu à La Timone qu’à l’hôpital du Nord, où se trouvent deux services d’urgence de l’AP-HM. Le Nord manque de 6 médecins : il y en a 12 pour l’objectif de 18. Le déficit est plus important à La Timone, avec 14 médecins sur l’objectif de 30. Autre problème, un petit hôpital de banlieue, contraint de fermer ses urgences. la nuit comme à Cavaillon ou Manosque. Et les médecins généralistes qui ne prodiguent plus de soins après 18h et les jours fériés. Du coup tous ces patients ont convergé à Marseille avec leur urgence. C’est un jeu de dominos et nous sommes au bout de la chaîne.
Comment expliquer ce manque de pratiquants ?
Nous avons fait une mauvaise prédiction sur le numerus clausus des médecins il y a quelques années. Il faut du temps pour trouver le numéro dont nous avons besoin. À La Timone, c’est aussi parce qu’il y a moins de lits en aval [c’est-à-dire pour les patients hospitalisés à la sortie des urgences, ndlr] que dans le Nord.
La pandémie de Covid-19 a-t-elle aggravé les choses ?
L’urgence a été fragile, mais la crise a mis à mal l’équipe en termes de difficulté. Nous avons un personnel médical fatigué, qui abandonne même parfois. Il a préféré quitter l’hôpital public plutôt que de travailler dans des conditions non améliorées et un salaire trois fois inférieur à celui du secteur privé.