C’est un acte sans précédent en Europe. Les députés espagnols ont adopté ce jeudi, en première lecture, un projet de loi qui crée un « congé menstruel » pour les femmes souffrant de règles douloureuses. Le gouvernement de gauche a clairement fait savoir qu’il voulait ainsi briser le tabou.
Le projet de loi – adopté par 190 voix pour, 154 contre et 5 abstentions – a également renforcé l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics, un droit qui reste semé d’embûches dans ce pays aux fortes traditions catholiques. Le texte doit désormais être voté par le Sénat et renvoyé à la Chambre des députés, s’il est jamais amendé lors de son passage à la chambre haute, avant de devenir loi.
« Nous combattons la stigmatisation et le silence »
« Cette législature est une législature d’assujettissement féministe », a salué, en présence de députés, la ministre de l’Égalité, Irene Montero, du parti de gauche radicale Podemos, alliée socialiste du Premier ministre Pedro Sanchez au gouvernement. « Nous reconnaissons la santé menstruelle comme faisant partie du droit à la santé et nous luttons contre la stigmatisation et la solitude », a-t-elle ajouté.
Si Irene Montero avait indiqué au printemps que les congés maladie, que les médecins peuvent accorder aux femmes souffrant de règles douloureuses, « n’auraient pas de limite de temps », aucune précision n’a été incluse dans le projet de loi sur ce point.
Hoy la mayoría feminista del Congreso da el primary paso para la approbación definitiva de la nueva ley del avortement to que reconoce nuevos derechos sexuales y reproductive, comme la salud menstruation, y Guarantees la interruption voluntaria de l’embarazo para TODAS las mujeres ✊💚
Une mesure controversée
Lorsque ce texte sera définitivement adopté, l’Espagne sera le premier pays d’Europe et l’un des rares au monde à intégrer cette mesure dans sa législation, à l’instar du Japon, de l’Indonésie et de la Zambie.
Cependant, cette « sortie » a suscité des réticences dans l’aile socialiste du gouvernement et a été critiquée par le syndicat UGT. Cette centrale syndicale, l’une des deux plus importantes du pays, s’inquiète de la possibilité de stopper le recrutement des femmes par les employeurs qui veulent éviter l’absentéisme. La loi « aura l’effet inverse pour les femmes » entraînant « une marginalisation, une stigmatisation » et des « conséquences négatives sur le marché du travail », a condamné l’opposition de droite Parti populaire (PP) par l’intermédiaire de la députée Marta Gonzalez Vazquez.
Renforcer l’accès à l’avortement
Ce « congé menstruel » est l’une des étapes phares d’un projet de loi beaucoup plus large qui prévoit également de renforcer l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics, qui pratiquent moins de 15% des avortements dans le pays en raison de l’objection de conscience écrasante des médecins. L’avortement a été dépénalisé en Espagne en 1985 puis légalisé en 2010, mais il reste un droit semé d’embûches dans ce pays traditionnellement catholique.
Actuellement, les femmes doivent parcourir des centaines de kilomètres pour se faire avorter dans certaines zones en raison du manque de services publics et de l’absence de cliniques spécialisées à proximité. Le texte devrait également permettre aux mineures de se faire avorter sans le consentement de leurs parents à l’âge de 16 et 17 ans en inversant les obligations instaurées par le précédent gouvernement conservateur en 2015.
L’Espagne, un exemple en matière de droits des femmes
Ce projet de loi réglemente également le renforcement de l’éducation sexuelle dans les écoles et la distribution gratuite de contraceptifs ou de produits d’hygiène menstruelle dans les écoles secondaires.
L’Espagne est un pays considéré comme une référence en matière de droits des femmes en Europe, notamment depuis l’adoption de la loi sur les violences de genre en 2004. Se réclamant féministe, le gouvernement Sanchez compte plus de femmes que d’hommes.