Le sac d'Oulad Bou-Sbaâ aux portes du désert

Une belle leçon d’interpénétration du nord au sud est celle des Oulad Bousbaâ, connus aussi bien dans le Haouz de Marrakech, dans le Souss ou dans le Sahara depuis Saguia Hamra jusqu’en Mauritanie où ils sont arrivés plus tard…

Un aphorisme prêté au calife Othman ibn Affan dit essentiellement : « Apprenez de vos noms, qui peuvent lier vos liens de sang ! ».

Belle leçon de fraternité, dépassant le cadre strict de la fratrie pour déployer ses ailes loin des écarteurs de la division.

Après un aperçu dans cet espace des pérégrinations des tribus sahariennes Reguibat et Rhamna, condensé de mon livre voyage de plusieurs années dans les méandres de la généalogie et de la toponymie marocaine, le tournant de la saga des Oulad Bousbaâ se présente dans un exemple frappant de interpénétration.

Célèbres dans le Haouz de Marrakech, ces derniers sont aussi bien connus dans le Souss que dans le Sahara de Saguia Hamra à la Mauritanie, où ils seraient arrivés plus tardivement.

Sur le plan généalogique, la tradition les classe à son tour parmi les Idrissides, voire sédentaires lettrés zouaya, sinon guerriers hassan.

Cela dit, ils ont sans aucun doute bénéficié des effets vivifiants du mélange arabo-berbère, tout en gardant vivant le sens d’un ancêtre commun éponyme appelé Amer, surnommé Bousbaâ (Père des Bêtes Sauvages).

Ascète du XIVe siècle, né à Fès selon l’histoire familiale, sa quête mystique l’avait conduit à Tlemcen, puis dans le Souss où il pratiquait sa retraite spirituelle au sommet d’une montagne appelée Adad Amden avant de devenir femme et enfants et d’être retrouvé mort dans ces lieux qui abritent son sanctuaire.

Ses descendants sont issus de la lignée de ses fils, Aâmer et Amrane de mère Berbouchiya ; et Mohamed Noumer, fruit d’une autre union avec une femme Semlaliya.

La descendance de celui-ci est plus limitée que celle de ses frères et serait concentrée près de sa tombe dans le Souss, entre Oued Tiznit et Oued Massa.

D’Aâmer et d’Amrane, tous deux enterrés à El-Qsabi, viennent les Oulad Bousbaâ du Sahara, qui pendant des siècles ont nomadisé d’Agadir à Tiris Gharbiya avec de nombreuses ramifications ailleurs.

Il faudra s’y attarder, avec la valse des noms, inévitable pour bien comprendre que ces noms gravés dans les mémoires et les fantômes, dans les arbres généalogiques, dans les registres administratifs ou dans les résidences et la toponymie, ne surgissent pas de nulle part mais font partie d’un histoire et identité.

Commençons par Aâmer et ses quatre fils :

Brahim : ancêtre des Oulad Azzouz, Oulad Moumna, Dmissate, Abidate, Mzazka, Mdadha…

Amer : ancêtre des Touijrate, Oulad Sidi Abd-Allah, Anfliss…

Abd-Rahmane Ghazi : ancêtre des Oulad Chennan, Oulad Abdelmoula, Gouirate…

Haj : ancêtre des Hajjaj, des Oulad Bouânqa, Oulad Zaouia, Oulad Aïssa, Oulad Mendiant, Khlalta…

De son côté, Amrane, fils de Bousbaâ, serait l’ancêtre des Ghsasla, Khdirate, Saïdate, Bouhsini, Mlalka, Bharir, Hmidate, Rehahla qui lèguent leur nom à un douar de la plaine d’Abda…

En 1512, à la demande du Saadien Ahmed Laâraj, soutenu par la confrérie Jazouliya au nom de la guerre sainte, les Aït Bou Sbaâ se distinguèrent au combat et laissèrent les Sept Bou-Sbaâ martyrs, tombés dans le complot à Touihlate, un des affluents de Seguia Hamra.

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Il s’agit de Mohamed Mendiant, ainsi que de ses frères Brahim Bouânqa, Aïssa et Mohamed, de ses cousins ​​Abd-el-Moula et Abbas, ainsi que de son fils, Mohamed Mokhtar.

Leurs descendants, ainsi que d’autres branches latérales, sont célèbres au Sahara, ainsi qu’en Mauritanie ou dans la région de Chichaoua, précisément à Tighsrit et Boujamada, où les noms de leurs groupes occupent encore une place prépondérante dans la toponymie, donnée à leurs zaouïas et écoles célèbres (Oulad Abdelmoula, Oulad Bouanga, Sid el-Mokhtar, Abidate, Khlalta etc.) ; tandis qu’un grand nombre de leurs guerriers sont enterrés au cimetière d’El-Khnig sur la terre des Mtouga.

En effet, au XVIe siècle, les Oulad Bou-Sbaâ s’opposent fermement à l’occupation ibérique et se distinguent par le grand nombre de leurs mystiques, de leurs pieux érudits et de leurs moudjahidines.

C’est le cas à Doukkala, en proie à l’occupation portugaise, où la branche Saïdate est implantée depuis les pérégrinations des deux frères, les combattants Ahmed et Ali ben Rahhal Saïdi, dont la zaouia est proche de l’océan.

C’est aussi là que Ghanem, le fils d’Aâmara, le fils de Brahim, originaire de Seguia Hamra, situé à Doukkala, est enterré où un moussem annuel est toujours organisé en son honneur.

Non moins célèbre, Abd-el-Malek (fils d’Aâmer de Oued Dahab) enterré dans cette plaine atlantique où il est venu combattre les Portugais. Son fils Mohamed est enterré à Skhour Rhamna avec son descendant Ahmed Ben Lefdil, enterré à Sbouya au sein des Ait Ba-Amrane.

Qu’en est-il de l’ascète et moudjahid sbaï Sidi Azzouz, connu à Gueltat-Zemmour, et dont les descendants se sont répandus sur les terres où ils ont fourni d’excellentes personnalités ?

A cet égard, citons Sidi Abd-Allah ben Sassi, adepte de la Jazouliya, dont il a reçu les enseignements de Cheikh Ghazouani. A la demande de ce dernier, il établit une zaouia sur la rive du Tensift, dont les principales vocations étaient la diffusion de l’instruction et l’instigation de la guerre sainte. Il a également connu la prison d’Azemmour et a été libéré après que le Saadien Ahmed Laarej ait accepté le paiement d’une importante rançon.

De la même famille est issu le cavalier Azzouz ben Rahhal Sbaï, installé à Abda pour combattre les Portugais, enterré sur la côte auprès de son frère, Abd-Rahmane, connu sous le surnom de Moul-Bergui (l’homme à la châtaigne).

En adoptant des noms différents liés à leurs factions, leurs sous-fractions, les caractéristiques de leurs instances familiales, comme c’est le cas pour les Chiguer, Bouderbala, Sakhi, Maachi, Mellouk, Ddo, Mokhtari, Ghanem, Ben Zerktoun, ils laissent aussi leurs nommer comme tel dans cette forme générale plurielle de Sbaïyin à une faction d’une tribu du cercle de Ouazzane et à une autre près de Sefrou.