Après un siècle d’histoire un peu loufoque et – soyons honnêtes – misogyne en matière de sexualité féminine qu’il fallait maîtriser, les sextoys dédiés au plaisir de tous sont peu à peu entrés dans notre quotidien. Il y eut entre autres le célèbre Rabbit créé par Vibratex en 1983, popularisé par l’épisode culte de Sex and the City en 1998. Depuis, godes, vibromasseurs et autres sextoys se sont invités dans de nombreuses chambres et autres lieux propices au plaisir, seul ou à plusieurs. .

Une étude de l’IFOP et de Dorcel Store publiée à l’occasion de la Saint-Valentin 2017 met en lumière la banalisation progressive de l’usage des sextoys, notamment chez les femmes. La pandémie de Covid-19 et ses (premières) deux fermetures ont été très bénéfiques pour ce secteur économique, car de nombreux couples souhaitaient sortir d’une routine déjà pesante. Comme l’écrivait la journaliste Clémentine Gallot, « Quant aux personnes seules ou isolées : vous ne pouvez compter que sur vous-même. »

Mais les jouets sexuels ont une durée de vie limitée. Il y a d’abord l’usure due à une utilisation régulière ou non, notamment d’un lubrifiant incompatible. Le collectif Sexy Soucis rappelle qu’il faut éviter « l’utilisation de lubrifiant silicone sur un sextoy en silicone, cela dégrade la matière et risque d’abîmer le jouet » et qu' »il ne faut pas utiliser de corps gras (huile, beurre, etc.) car cela abîme les préservatifs et les rend poreux et donc inutiles. »

Il y a aussi la fatigue, l’envie d’essayer un jouet plus joli et moderne, et même un changement de partenaire, et donc les accessoires habituels. Les jouets sexuels autrefois inutilisables jetés à la poubelle représentent un véritable problème environnemental. Comment ces déchets un peu atypiques sont-ils recyclés ? Quelles initiatives les marques ou magasins ont-elles prises à cet égard ?

Recyclage ou luxe, il faut choisir

Carmina, rédactrice en chef de Tag Parfait, déclare : « Depuis des années, je cherche un moyen de les recycler moi-même, sans grand succès, et je regrette les emballages excessifs et les matériaux toxiques. Après cela, de bons sextoys peuvent être on trouve très bien en France, et il y a des marques européennes qui sont honnêtes sur le silicone utilisé.Mais bien sûr il faut y mettre le prix, en moyenne 80 à 100 euros.Et si vous optez pour le moins cher, vous vous retrouvez forcément avec Jelly, qui n’est vraiment pas bon pour le corps et l’environnement. Je sais que maintenant il y a des jouets qui sont 100% recyclables et que certaines marques réduisent les emballages. Mais ce n’est pas compatible avec le côté luxe, donc c’est compliqué.

Sex YouTuber Clemity Jane a récemment publié la première partie d’une vidéo intitulée « Vos jouets sexuels sont-ils respectueux de l’environnement ? ».

Elle recommande certains produits, et surtout elle partage des ressources importantes dans le texte de la description de la vidéo, basées sur ses années d’expérience. C’est ainsi qu’on apprend qu’il existe des sextoys « biosourcés » en acide polylactique, en inox, en bois ou en pierres précieuses.

Cependant, dans l’ensemble, assumer la responsabilité du recyclage de ces objets n’est pas toujours facile, notamment en raison de leur finition. Par exemple, les jouets sexuels en verre ne peuvent pas être recyclés de la même manière que les pots alimentaires. Sans oublier les impacts environnementaux et humains de leur production, comme l’utilisation de phtalates, encore présents dans la fabrication de certains articles, et la question du budget nécessaire à leur approvisionnement. La deuxième partie de sa vidéo portera sur les composants électroniques, les préservatifs et les lubrifiants, qui seront évidemment impliqués dans ce gros enjeu du recyclage des sextoys.

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Seconde main

Le créateur de « Swiss Army Knife of Ass » Métaux Lourds confie qu’il est possible de donner une seconde vie à ses sextoys : « Je n’en propose qu’à mon entourage. » Un sextoy soigneusement traité, c’est-à-dire lavé au savon et séché après utilisation, utilisé avec un préservatif en cas de changement d’ouverture ou d’échange entre plusieurs partenaires, puis nettoyé avec un produit désinfectant spécial ne présente aucun risque de transmission d’IST. D’autant plus qu’un virus comme le VIH ne survit pas longtemps à l’air libre.

Heavy Metals rappelle la nécessité d’une inspection régulière pour rendre ce cadeau aussi apaisant que possible. Cependant, cette approche semble être minoritaire, soit parce qu’elle est mal documentée, soit parce qu’il n’est pas facile de partager ces objets intimes par excellence, comme on le fait avec nos vieux vêtements. « Même dans les lieux de confiance, les gens ont encore honte d’en parler. »

La seule offre permanente de recyclage de sextoys en France est celle de la chaîne de love shops Passage du Désir. Il est possible de les envoyer par la poste ou de les déposer dans les poubelles du magasin. Puis la société Ecosystem s’occupe d’eux pour leur donner une seconde vie, notamment sous forme de mobilier de jardin. Un bon d’achat est offert pour ce geste éco-responsable, et les sacs en papier du magasin sont en matière recyclée.

« Les poubelles sont pleines toute l’année dans tous nos magasins. Nous collectionnons tous les modèles et toutes les marques », précise Patrick Pruvot. Le fondateur de la marque explique que l’ambiguïté entourant la composition des sextoys est entretenue par les fournisseurs individuels, qui refusent de communiquer sur cette question, ainsi que les douanes. « Ils ne demandent pas la composition de ces produits car pour eux c’est du ‘matériel de massage externe’ et rien de plus. » J’ai pensé à un certain catalogue de vente par correspondance et ses photos de femmes souriantes, des vibromasseurs innocemment posés sur leurs joues.

« En plus d’être une démarche commercialement utile pour notre marque, c’est aussi le signe de la banalisation de ce secteur : les démarches écoresponsables sont partout, c’est la principale préoccupation du moment, alors pourquoi pas pour les sextoys ? » En attendant de voir cela proposé par d’autres marques, cette solution existe dans la limite de ce qui peut être recyclé dans ces produits.

Les limites du marketing

Évidemment, pas question d’arrêter d’acheter des sextoys ou de devoir débourser la moitié de son loyer mensuel pour avoir l’orgasme de sa vie, mais il faudrait peut-être y réfléchir à deux fois avant d’acheter son prochain gadget. Outre le bien-être de vos muqueuses et de votre écologie, il y a un autre aspect à prendre en compte : celui des sextoys connectés, qui connaissent un certain succès ces dernières années.

Dans un article pour Vice, la journaliste Elsa Gambin pointe les dangereuses limites de la sextech. « Si un objet connecté s’annonce comme ajustant la musique de fond à votre excitation sexuelle, ce n’est pas par magie, mais en collectant beaucoup de données personnelles et le profilage qui en résulte. C’est peut-être bien aujourd’hui, mais que se passera-t-il si demain vous changez d’avis et que vous n’en voulez plus ? Les sextoys ont décidément une existence moins anodine qu’il n’y paraît.