Le microbiote intestinal, aussi appelé flore intestinale, compte plus de 100 000 milliards de bactéries. Lorsque tout va bien, cette colonisation bactérienne entraîne un équilibre bénéfique appelé « symbiose ». Mais cet équilibre est fragile et quotidiennement menacé par notre alimentation et notre environnement. Lorsque celle-ci est perturbée, la « symbiose » devient « dysbiose » : les bactéries intestinales ne répondent plus aux besoins de l’organisme, ce qui favorise le développement de pathologies. Pour compliquer encore les choses, ces changements varient d’une personne à l’autre et nécessitent un traitement personnalisé et des conseils de prévention. Heureusement, des études récentes nous aident à mieux nous protéger. Le rôle déterminant du microbiote, cette colonie de micro-organismes qui se cache dans nos intestins, sur notre santé est désormais prouvé. Favoriser l’équilibre, c’est se protéger de bien des soucis, confirment des études. Et c’est à notre portée.

Un rôle clé sur la digestion et le poids

« Dans presque toutes les maladies chroniques, il y a des changements dans le microbiote. C’est le cas des maladies cardiovasculaires et métaboliques comme le diabète ou l’obésité, des pathologies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, ou des pathologies immunitaires comme la sclérose en plaques ou la maladie de Crohn. .. », explique le Dr. Julien Scanzi, gastro-entérologue au CLU de Clermont-Ferrand et à l’hôpital de Thiers. Les études se multiplient pour élucider le rôle précis des déséquilibres microbiens dans la santé. La dysbiose provoque-t-elle la maladie ou la maladie perturbe-t-elle l’équilibre du microbiote ? « Un peu des deux, mais de nombreux éléments montrent que les modifications de notre flore contribuent au développement de ces pathologies », précise le Dr. Scanzi.

– L’effet le plus connu est lié au processus de digestion

Le rôle des bactéries intestinales est de décomposer la partie des aliments que nos propres enzymes ne peuvent pas métaboliser, comme l’amidon, la cellulose, les fibres, etc. Sans surprise, toute perturbation du microbiote provoque des troubles digestifs, notamment des diarrhées et des flatulences. C’est aussi un facteur de constipation, même si cette dernière est multifactorielle, « elle touche plus facilement les personnes âgées, car la motilité digestive diminue avec l’âge, l’activité des neurones qui contrôlent le tube digestif diminue, le transit ralentit. vers le bas », explique le Dr Scanzi.

Des recherches plus récentes (CNRS, 2022) ont également confirmé le rôle des bactéries intestinales dans la régulation de l’appétit, de la sensation de satiété et, par conséquent, du volume d’aliments consommés et de la prise de poids. Les souris traitées avec une antibiothérapie à large spectre, dont la flore intestinale était ainsi « annulée », avaient tendance à manger plus de matières grasses et plus qu’un groupe témoin non traité. Résultats mettant en évidence l’effet d’un microbiote sain sur la suppression de l’appétit.

En lien étroit avec notre santé mentale

Les bactéries affectent également notre humeur et notre stabilité psychologique. Si l’intestin est appelé le « second cerveau », ce n’est pas en vain. On a longtemps cru que le dialogue entre ces organes fonctionnait dans un sens, le cerveau donne des ordres et les intestins les exécutent.

Des découvertes récentes pointent vers des échanges qui sont en fait beaucoup plus complexes. Par les molécules qu’il produit et son impressionnant réseau de neurones (200 à 500 millions de neurones), l’intestin est en effet capable d’influencer les fonctions cérébrales. « Des études montrent que les modifications du microbiote sont directement liées à des troubles comme l’autisme, la dépression et l’anxiété, explique le Dr Julien Scanzi. Il est possible que cela soit notamment lié à des neurotransmetteurs qui sont synthétisés en grande quantité dans l’intestin, comme la sérotonine. , « l’hormone du bonheur ». Mais ça n’explique pas tout. » La relation entre stress et microbiote est mieux documentée : « Le stress chronique a un effet très négatif sur les bactéries intestinales. En revanche, ces modifications de notre flore réduisent encore notre résistance au stress. » Un véritable cercle vicieux !

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Un rempart contre les maladies

« L’interaction entre les bactéries intestinales et notre système immunitaire est sans doute actuellement la mieux démontrée », déclare le professeur Hervé Blottière, directeur de l’unité de recherche Inrae, AgroParisTech et Université Paris-Saclay sur l’écosystème de l’intestin humain. « Un dialogue se crée entre ces micro-organismes et nos cellules immunitaires, ce qui conduit à la stimulation ou à l’inactivation de ces dernières. » Toutes les bactéries intestinales ne sécrètent pas les mêmes substances. Selon ceux qui dominent le tractus gastro-intestinal, l’immunité sera plus ou moins bien régulée. « Lorsque les bactéries qui sécrètent des molécules favorisant les phénomènes inflammatoires prennent le relais, on assiste à une augmentation de certaines réponses immunitaires indésirables, comme les allergies ou l’inflammation », décrypte le Pr Blottière.

Le déséquilibre entre bactéries pro- et anti-inflammatoires est malheureusement de plus en plus fréquent dans nos pays, principalement en raison de l’évolution de notre alimentation. La consommation de produits ultra-transformés (plats cuisinés, pâtisseries industrielles…) est mise en avant.

Au fil des années, notamment après 60 ans, le processus de vieillissement naturel de l’organisme et du microbiote favorise l’inflammation, qui peut déclencher ou aggraver des maladies chroniques telles que les rhumatismes inflammatoires. L’implication du microbiote dans la réponse immunitaire intéresse au plus haut point la communauté scientifique et recèle de nombreux espoirs thérapeutiques, notamment dans le développement de l’immunothérapie anticancéreuse. « En modifiant la composition du microbiote intestinal, on sait qu’il est possible d’améliorer la réponse au traitement*. Plusieurs voies ont été évoquées pour enrichir le microbiote des patients. Celle qui semble fonctionner le mieux est finalement la plus accessible : un stratégie nutritionnelle simple », conclut Hervé Blottier.

Tester mon microbiote, bonne ou mauvaise idée ?

Certains kits d’analyse, disponibles principalement sur Internet, proposent de décrypter la composition bactérienne de notre microbiote. Faire ce que? Jusqu’à présent, pas grand-chose, assurent les experts. « Nous ne pouvons pas encore interpréter les résultats sur une base individuelle, ni les utiliser pour une médecine personnalisée », répond le Dr. Julien Scanzi. Cependant, la recherche progresse rapidement. « Ces analyses deviendront sans aucun doute utiles pour l’évaluation de la santé, tout comme les tests sanguins », prédit-il.

Microbiote incroyable ! Dr Julien Scanzi, éditeur. Leduc, 2022, 20 €.

Sauvez le pain, Christian Rémésy, éditeur. Thierry Souccar, 2022, 17,90 €.

Rééquilibrer mon microbiote, Dr. Martine Cotinat, éditrice. Thierry Souccar, 2022, 12,90 €.