Les abondements aux comptes personnels de formation ne représentent que 7% des sommes totales dépensées dans le cadre de ce droit individuel, selon la Caisse des Dépôts. Du côté des régions, seules quatre d’entre elles se sont engagées.  

Avec 5,46 millions de dossiers de formation validés depuis sa création et 1,8 million en 2022 à ce jour, le Compte Personnel de Formation (CPF) a largement dépassé les attentes gouvernementales en volume de bénéficiaires. Une croissance qui a également entraîné des dépenses massives. Trois ans après son lancement, le coût de l’éducation a atteint 6,46 milliards d’euros, sans compter les annulations, selon les chiffres de la Caisse des Dépôts publiés jeudi 24 novembre lors d’un colloque organisé par l’Association française de réflexion et d’échange sur l’éducation (Afref). débat organisé.

93% de ces frais, engagés depuis le début de la candidature, ont été couverts par les cotisations patronales via le financement de France Compétences, précise également Philippe Brivet, chargé de mission partenariats à la direction de la formation professionnelle de la Caisse des Dépôts. 206 millions d’euros proviennent des titulaires du compte personnel de formation qui ont déposé un avoir en complément de leurs droits disponibles. 156 millions d’euros ont été versés par Pôle emploi ; 58 millions d’euros proviennent soit de l’Etat, des régions ou des personnes responsables ; et 40 millions d’euros d’entreprises.

Mais justement dans ce cofinancement réside le potentiel de consommation de formations plus qualifiées, car plus chères via le CPF. Actuellement, les formations les plus achetées sont celles qui sont les plus accessibles financièrement (lire notre article du 15 septembre 2022), comme les cours de permis de conduire, les bilans de compétences ou les sessions de certification linguistique. « On aurait souhaité plus de formation en chaudronnerie ou en maçonnerie. Celles-ci peuvent être renforcées par des apports complémentaires », précise Philippe Brivet.

Développement des abondements chez Pôle emploi

La procédure d’appariement la plus fluide actuellement a été mise en place avec Pôle emploi, qui a réalisé l’an dernier 42 000 cofinancements via les comptes personnels de formation des demandeurs d’emploi. Une candidature sur deux a été retenue, selon Hervé Jouanneau, chef adjoint du service développement des compétences des territoires. « Nos conseillers verront s’il y a déjà ou non une formation conventionnée collectivement [selon le choix du demandeur d’emploi]. Si tel est le cas, nous les indiquerons pour éviter d’utiliser le CPF et également déclencher un mécanisme de compensation », a-t-il déclaré.

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Or, en 2021, 600 000 demandeurs d’emploi utilisaient leur CPF « en autonomie ». A ce titre et en l’absence d’allocations chômage, leur période de formation n’est généralement pas rémunérée. Pourtant, Pôle emploi expérimente depuis deux ans la fixation d’une rémunération pendant la formation, qui se poursuivra en 2023. Une augmentation limitée aux « formations de courte durée », précise Hervé Jouanneau. Pour lui, le CPF a un effet domino sur la « consommation » de la formation professionnelle. Cela aurait également un impact positif sur le retour au travail. « Les demandeurs d’emploi souhaitent retrouver un portail unifié avec toutes leurs formations », précise Hervé Jouanneau.

Des briques encore manquantes

A ce jour, seules quatre régions se sont engagées sur la recharge automatique du CPF en fonction de leurs priorités : Pays de la Loire, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Occitanie. La Caisse des Dépôts dit être en pourparlers avec deux autres. Par exemple, les Pays de la Loire (lire notre article) ont choisi de compléter le CPF au profit d’une formation de niveau master particulièrement onéreuse qui répond aux besoins des filières navales et aéronautiques, explique Philippe Brivet.

Plusieurs professions ont également élaboré des lignes directrices pour faire correspondre les CPF de leurs employés. L’opérateur de compétences Ocapiat, affilié à la filière agro-alimentaire, complète ainsi les CPF des salariés de certaines de ses branches. Il prend ainsi en charge 100% du solde à payer de toutes les formations éligibles au CPF pour les salariés des entreprises de moins de 50 salariés, mais cofinance également une partie des frais liés à 208 certifications choisies par leurs filières : Conducteurs de machines, Techniciens de maintenance. … 3 000 candidatures ont été financées depuis l’an dernier, selon Clarisse Lessalle, chef de projet certification chez Ocapiat.

Mais pour Alexandre Lebarbey, représentant CGT du secteur associatif sanitaire, social et médico-social, « le CPF est loin d’être suffisant pour accéder à une formation qualifiante ». Les tarifs de formation aux métiers de son secteur sont bien trop élevés pour être couverts par le simple CPF, explique-t-il en rappelant que le coût de la formation infirmière est de 140 000 euros. La capacité des secteurs à investir des fonds supplémentaires – et donc des employeurs – est donc cruciale, mais difficile à lever dans le secteur associatif… Le secteur propose depuis avril 2022 une contribution maximale de 2 000 euros pour l’heure. . Il a permis le financement de 500 dossiers, par exemple pour des certificats de veilleur de nuit ou de logeuse.

Dernière brique et last but not least : le matching des entreprises qui n’a pas encore été développé. Pour l’instant, ils ne peuvent faire que des « dons » au CPF de leurs salariés, dont ils peuvent disposer à leur guise, alors que les employeurs réclament un financement direct.