Les tensions répétées entre hôpitaux ont créé de sérieuses difficultés à l’urgence psychiatrique de nuit à Marseille. Depuis le 5 novembre, les patients de l’Hôpital Nord sont référés à La Timone. Au risque de réduire l’offre de soins.

« Qu’adviendra-t-il de notre centre d’accueil psychiatrique ? L’effectif va-t-il diminuer ? « Comme d’autres personnels de CAP 72, cette infirmière s’interroge. Ce centre d’accueil psychiatrique dépend du centre hospitalier Edouard-Toulouse (CHET), mais est situé dans les locaux de l’hôpital Nord. C’est là que les malades mentaux du nord de la ville peuvent venir frapper à la porte en cas d’urgence, jour et nuit. L’avenir de cette unité est principalement au cœur du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Datée de juillet dernier, une étude d’une soixantaine de pages a passé au crible les difficultés chroniques du fonctionnement psychiatrique des urgences à Marseille. Il comprend également des recommandations qui préoccupent les acteurs de l’industrie.

Je me mets à la place d’un patient du quartier nord qui était décompensé, où irait-il ? Cela pose la vraie question de l’égalité territoriale.

Première conséquence concrète : depuis le 5 novembre, les patients ne sont plus dirigés la nuit (de 18h30 à 8h30) et le week-end vers le CAP 72, mais vers le centre d’accueil psychiatrique de La Timone, nommé CAP 48. Cette date, les pompiers feu, des policiers ou des ambulanciers ont reçu l’ordre d’emmener des patients à La Timone pendant le quart de nuit, a indiqué Kader Benayed, représentant de Sud Santé à l’hôpital Edouard-Toulouse. Je me mets à la place d’un patient du quartier nord qui était décompensé, où irait-il ? Cela pose la vraie question de l’égalité territoriale. C’est encore le quartier nord délaissé, ce qui accentue le sentiment d’abandon de cette population.

Dissensions et pénurie

Avec ses 8 lits, le CAP 72 ouvert en 2006 accueille les patients de plus de 15 ans. Leur admission, le soir, a nécessité une équipe de cinq personnes : un médecin-chef (praticien hospitalier spécialisé en psychiatrie adulte), un interne et trois soignants. C’est là que surgit la difficulté. Car les gardiens du Cap 72 à l’hôpital du Nord étaient assurés par « des psychiatres du CHET et des internes de l’AP-HM », précise le rapport de l’Igas. Un organisme qui sollicitait plusieurs structures hospitalières et qui ne fonctionnait pas en raison d’un contentieux chronique entre l’hôpital Edouard-Toulouse, l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et le centre hospitalier Valvet (CHV), où il lui était demandé de participer dans la tâche cet appel.

Ce conflit récurrent doit être résolu par l’agence locale de santé (ARS). « Les tensions entre les trois agences se sont exacerbées, dès que le CHV a été sollicité plus urgemment pour participer à la garde d’urgence », a poursuivi l’Igas.

En conséquence, l’accord conclu en juillet 1996, engageant les parties, a été dénoncé par le centre hospitalier Edouard-Toulouse (CHET) en juin 2020. CHET, malgré des demandes répétées de soutien à la continuité de service, exposant cette structure d’urgence à des risques de blocage », analysant l’inspection générale des affaires sociales qui a également relevé « des contentieux sur l’exercice médical en psychiatrie ». et CHET où de nombreux postes sont vacants , avec des difficultés à retenir les psychiatres séduits par le secteur privé.

Expérimentation jusqu’au 15 janvier

Le choix a donc été fait de centraliser l’urgence de nuit sur le site CAP 48 de La Timone. « Face aux tensions prolongées sur le personnel des psychiatres et afin de réduire les désaccords entre les trois sociétés, la réalisation d’une étude de faisabilité d’un site permanent au site H 24 à l’urgence de la Timone », recommande l’Igas.

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La décision sera-t-elle définitive ? « Pour l’instant, nous sommes prévenus de l’expérimentation jusqu’au 15 janvier », témoigne un soignant. Les patients peuvent toujours venir spontanément au CAP 72 la nuit ou le week-end, mais ils seront confrontés à une équipe réduite. « Jusqu’au 15 janvier, il reste psychiatre de garde. Mais après cette date, il n’y aura plus que des gardiens et des apprentis. Et s’il y a un cas grave ? Les internes ne peuvent pas imposer de contraintes, notamment décider d’une hospitalisation. Seuls les praticiens hospitaliers peuvent le faire. Le temps que ce médecin arrive de La Timone, quelques minutes pourraient s’écouler…», s’est inquiétée la même source.

Fait accompli

En fermant la nuit nous aurons certainement moins d’activité et qui dit moins d’activité rime avec personnel réduit, voire fermeture.

Ce que les syndicats et le personnel craignent, à terme, c’est la fermeture totale ou partielle du centre d’admission mis en place à l’hôpital du Nord. « Nous avons été servis devant le fait accompli. Baisser l’offre de soins est une honte », a déploré Kader Benayed de Sud Santé. « On ne peut pas toujours dire qu’il y a un manque de personnel. Là, on fait un choix : on ferme, point final. Au contraire, le budget et les ressources alloués à la psychiatrie doivent être protégés. Le concierge de CAP 72 en convient : « En fermant la nuit, on aura forcément moins d’activité et qui dit moins d’activité dit réduction d’effectifs, voire fermeture. »

Contactée par Marsactu, la direction centrale de l’hôpital Edouard-Toulouse n’a pas voulu commenter les essais en cours. « L’organisation des urgences psychiatriques est du ressort de l’ARS PACA et de la direction générale de l’AP-HM », a-t-il expliqué, avant de laisser entendre attendre l’élaboration d’un « plan définitif ». Sollicitée par Marsactu, l’AP-HM n’a pas répondu dans le délai imparti.

Réponse avant Noël

Quand doit-on faire ce choix définitif ? Pas de réponse à ce stade. Les bureaux de santé locaux ne sont pas disposés à communiquer davantage sur cette centralisation ; mais il a promis « une analyse après un mois de fonctionnement, fixée à la mi-décembre, avec tous les acteurs avant de décider quoi faire ensuite ». Dans sa recommandation d’un ton très sec, l’Igas a appelé à « une coopération importante entre les entreprises, encadrée par l’ARS » et « une meilleure communication » entre elles. Son rapport appelle à « définir sans délai, sous l’autorité de l’ARS, une carte de perpétuité médicale en psychiatrie pour le Grand Marseille, comprenant une section spéciale pour les urgences psychiatriques » dans un délai souhaité de six mois. Ou le 1er janvier prochain.

« En ce moment, nous sommes vraiment dans le noir. Nous n’avons absolument aucune idée de comment nous allons fonctionner en 2022, déplore encore la nounou, en poste à CAP 72 depuis plus d’une décennie. On nous avait promis une réponse avant Noël. Mais nous nous sommes retrouvés dans une période délicate de frappe. » Surtout, le professionnel exprime son inquiétude quant à la prise en charge des patients à laquelle il est habitué. « Nous les connaissons, ils nous connaissent. Nous avons une relation étroite avec eux. En les envoyant systématiquement à La Timone, je crains qu’on ne les perde de vue », a-t-il conclu.