Cinq mots Cinq mots suffisaient à saper une stratégie décennale. Lançant « Qu’il retourne en Afrique » dans le débat de l’hémicycle, Grégoire de Fournas a provoqué la colère d’une grande partie de la classe politique et « remonisé » le Rassemblement national. Il est possible que l’équipe de Marine Le Pen soit venue à la rescousse en disant que le député girondin Carlos Martens parlait du « navire » de migrants évoqué dans la question du député noir d’Insoumis Bilongo, et « pas question » de l’Assemblée. Il a décidé de l’ignorer pendant 15 jours.
Dès le début du mandat, pourtant, les députés RN se sont chargés d’apparaître sereins et constructifs, face à Insoumis. Alexandre Loubet, député RN de Moselle, est revenu dans Le Point pour les motions de censure présentées par LFI et votées par le parti de Marine Le Pen, la polémique avec le député Bilongo Carlos Martens ou encore la nomination de Jordan Bardelle comme nouveau président du RN .
Le Point : Un député RN, Grégoire de Fournas, est accusé d’avoir tenu une déclaration raciste dans l’Hémicycle. La gauche s’est fâchée et a expliqué que le RN avait montré « son vrai visage ». Cet incident nuit-il à la normalisation du parti ?
Alexandre Loubet : Je suis en colère contre la manipulation honteuse de l’extrême gauche Nupe, le député républicain et Renaissance. Ils tentent de discréditer le RN en détournant les propos de mon confrère Grégoire de Fournas, affirmant qu’ils sont « retour en Afrique » et non « retour en Afrique », contrairement à ce qu’affirment faussement nos opposants, auxquels il a évidemment fait référence. . Le député LFI posait une question sur les passeurs et les clandestins en route vers l’Europe, pas du tout sur l’immigration. Cet argument est donc aussi invalide qu’infondé. Ce sont nos rivaux qui montrent leur vrai visage : celui de l’honnêteté.
En juillet, lorsque Nupes a présenté sa première motion de censure, Marine Le Pen a confirmé que le RN ne voterait pas pour lui. Pourquoi avez-vous finalement changé d’avis et voté pour toutes les motions de censure ces dernières semaines ?
Nous n’avons pas changé d’avis, c’est le contexte qui a changé. A cette époque, il y avait une urgence dans le pouvoir d’achat – qui existe toujours – et un texte est venu à l’Assemblée en réponse à ce problème. Nous avons voté en faveur de ce texte, ce n’était certainement pas suffisant, mais il était sur la bonne voie. On ne pouvait pas renverser un gouvernement alors qu’il était urgent d’aider nos concitoyens. Après avoir voté le texte – pas assez – on voit que le gouvernement reste limité dans ses principes. Le RN a donc pris la décision responsable de voter en faveur de toutes les motions de censure présentées – les textes étaient tout à fait d’accord – pour nous opposer au gouvernement et dénoncer son inefficacité.
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Si, par exemple, la motion de rejet de Nupes avait expliqué les « valeurs positives de l’immigration », n’auriez-vous pas voté pour ?
Nous ne ferons pas de politique-fiction, mais peut-être que nous ne voterons pas.
Au contraire, les Nupes n’ont pas voulu voter sur vos motions de censure, disant qu’ils n’étaient pas d’accord avec vos textes. Pourquoi n’avez-vous pas également choisi de faire un texte plus cohérent ?
Mais nous avons volontairement proposé un texte très consensuel, pour que tous les groupes qui se disent dans l’opposition prennent leurs responsabilités. Je vois trois enseignements à cette succession de motions de censure. D’un côté, LR a inscrit son adhésion à la majorité présidentielle, refusant de voter en faveur de toute motion de censure. Ensuite, le Nupes est le front de l’opposition, si sectaire qu’il ne vote que pour son propre texte. C’est absurde, car le but d’une motion de censure est de rassembler toute l’opposition pour punir un gouvernement. Enfin, entre la béquille gauche et la béquille droite de Macron, le RN est le seul véritable groupe d’opposition, votant pour toutes les motions de censure.
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C’est un bon coup tactique à court terme, mais à long terme, ne retiendra-t-on pas votre conflit avec July et votre association avec Nupes ?
Nous n’adhérons pas aux Nupes, nous votons la motion de censure. Si LR s’était présenté avec le courage d’être une véritable opposition, nous aurions probablement voté pour elle. Les responsabilités ne doivent pas être inversées. La Nupes et LR sont devenues l’assurance-vie de Macron. Ils ont peur de retourner aux urnes devant les citoyens, devant les Français, car ils savent très bien qu’ils seront punis.
N’y a-t-il pas convergence entre RN et LFI ? En d’autres termes, y a-t-il du « lépéno-mélanconisme » ?
La rhétorique de Macron tente de nous discréditer, en vain. Je veux mettre en garde les ouvriers et les classes moyennes : le vote pour Jean-Luc Mélenchon est une illusion et surtout une trahison, car LFI a choisi Macron. Et aujourd’hui, Nupes ne punit pas son gouvernement quand il en a l’occasion, refusant de voter les motions de censure. Le programme sensé de Marine Le Pen ne peut être comparé à celui des Nupes d’extrême gauche, qui plongeraient le pays dans le chaos en aggravant les maux dont souffrent déjà les Français. Nous avons montré que nous sommes une opposition constructive qui n’hésite pas à voter pour tous les amendements de tous les groupes dès que nous estimons qu’ils sont sur la bonne voie.
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Pourtant, il y a des convergences avec les Nupes dans la société, le pouvoir d’achat, les salaires…
Mais comme je m’y attends, il y aura convergence avec LR sur la question de la migration. Nous ne sommes pas dans une position idéologique, mais dans le pragmatisme. On vote dès qu’une mesure a du sens. Concernant la taxation des super-dividendes, dans le cas des super-bénéfices réalisés pendant la période Covid-19 puis pendant la crise ukrainienne, nous avons déposé des amendements. Les Nupes n’ont pas voté, mais nous avons voté pour leur amendement quasiment identique au nôtre. On n’est pas dans du théâtre, on veut faire des choses, au service de l’intérêt général et sans sectarisme. Nous sommes le groupe le plus ouvert de tous, alors que les Nupes d’extrême gauche sont en constante obstruction.
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Seriez-vous prêt à accepter le projet d’immigration, sur lequel Gérald Darmanin travaillerait beaucoup avec LR, s’il est sur la bonne voie, même s’il n’est pas assez dur ?
Attends et regarde ce qu’il va se passer. Pour le moment, les premières déclarations de Darmanin semblent chercher une astuce pour masquer l’accélération du plongeon migratoire. Ils prônent l’immigration économique même s’il reste encore plus de 5 millions de chômeurs, toutes catégories confondues. Depuis 2007, il y a eu 60% d’entrées légales sur le sol français, sans compter les entrées illégales, +10% depuis 2017 malgré la période Covid. On devine l’évolution des flux migratoires illégaux vers la France en regardant l’aide médicale de l’État, qui a augmenté de 12 % cette année. Il y a un chaos migratoire dans le pays et j’ai du mal à croire qu’Emmanuel Macron change soudainement de braquet. Si le texte présenté à l’assemblée est sur la bonne voie, bien sûr nous voterons. Mais peut-être ne voterons-nous que certaines mesures, pas l’ensemble du texte.
5 millions sont au chômage, mais ils ne veulent pas d’emplois rares dans des secteurs comme la restauration. Le pays doit faire demi-tour…
Ils se trompent sur ce point. Ils prétendent réformer l’assurance-chômage pour inciter les chômeurs à travailler : objectivement, ça ne marche pas, ils ont la mauvaise politique. L’enjeu est de réindustrialiser le pays. J’ai été élu en Moselle-Est, une des régions industrielles de France, et on voit qu’il y a une tendance à la désindustrialisation. Prenons l’exemple, dans ma circonscription, Creutzwald Injection, une entreprise d’équipements automobiles d’environ 50 salariés : presque toutes les machines partent en Allemagne et ils licencient tous les salariés. La France ne défend pas son industrie et ne cherche pas à créer des emplois. En fait, Macron n’a aucune vision et dirige les affaires au jour le jour. Qu’attend-il, comme le propose Marine Le Pen, pour mener le patriotisme économique et créer une richesse régalienne pour favoriser la réindustrialisation du pays ?
Dans quelques semaines nous en sommes au quatrième 49.3, n’est-ce pas l’échec de cette nouvelle Assemblée sans majorité absolue ?
Non, c’est le résultat de la politique de l’autruche d’Elisabeth Borne. L’Assemblée nationale, dans le domaine des budgets, devient un escroc de la démocratie. On nous a fait discuter pendant des dizaines d’heures, amender, voter, au final imposer un texte qui ne contient aucun amendement du Rassemblement national. Si le gouvernement veut utiliser le 49.3, c’est parfaitement légal ; La constitution le permet. Mais qu’il a le courage et l’honnêteté de l’utiliser dès le début, au lieu de nous imposer des actions inutiles. En revanche, si l’on utilise le 49.3, il faut respecter l’esprit gaullien de la Ve République et la Constitution de consulter régulièrement le peuple avant le référendum. La condition de l’exécutif puissant sous la Ve République est de consulter le peuple. S’ils ne le font pas à travers la représentation nationale qu’est l’Assemblée nationale, qu’ils arrêtent, qu’ils aient au moins le courage de se consulter par référendum.
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Maintenant que la lumière est revenue au Parlement, ce théâtre de faux suspense avec le cycle 49.3 et la motion de censure, qui se termine épée dans l’eau, n’est-il pas nuisible à l’opinion publique ?
Cela peut être un risque pour le budget. Cet été pourtant, nous avons prouvé que l’Assemblée n’était pas un théâtre et que nous pouvions donner des solutions détaillées aux Français. Par exemple, nous avons réussi à faire voter un amendement contre l’avis du gouvernement, pour que des maisons valant plus de 200 millions d’euros remplissent le réservoir de carburant. On avance, mais dans le budget, on perd du temps, parce que le gouvernement n’a pas le courage de penser qu’il faut passer au 49.3 dès le début des textes.
Comment voyez-vous le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron ? Êtes-vous considéré comme timide ou extraverti ?
Le résultat des élections législatives a montré qu’il est loin d’être bien élu, les Français ayant décidé de se mettre en minorité à l’Assemblée nationale. Depuis le début du mandat, il a disparu. Il est enfermé dans sa tour d’ivoire, déconnecté des réalités qu’il ne vit pas. Il n’a plus de vision et gère les affaires courantes. Et, pendant ce temps, son gouvernement accélère la dépossession des Français : leur argent, en n’en faisant pas assez sur les questions du pouvoir d’achat et de l’emploi ; la dépossession de leur pays, notamment face à l’immersion migratoire qui menace notre culture et la sécurité physique des Français, face à l’insécurité, mais aussi face à la dissolution de notre souveraineté nationale.
Ce démantèlement se manifeste notamment à travers la vente de nos fleurons industriels dans la passivité du gouvernement face à la captation par des intérêts étrangers. Sans parler du démantèlement de notre indépendance énergétique, quinze ans de retard et de lâcheté nucléaire, car nous sommes aujourd’hui privés de l’outil industriel qui permettait la sécurité d’approvisionnement en électricité. Et les Français en paient le prix.
La dernière manifestation en faveur du pouvoir d’achat n’a attiré que 107 000 manifestants selon Beauvau et 300 000 selon la CGT. La colère sociale vous a fait pschitt ?
Non, c’est le contraire. c’est une cocotte-minute, et tu ne devrais pas être content. Personne n’est intéressé à faire sortir les Français à nouveau. Il y a un vrai sentiment d’accélération du déclin, de dépossession : les employeurs s’inquiètent d’un mur d’inflation. Les maisons ont des factures énergétiques plus élevées. Le pire reste à venir si le gouvernement ne réagit pas. Les Français attendent de voir ce qui se passe à l’Assemblée nationale. Ils croient que nous pouvons trouver des solutions. Cela dépendra des autres équipes.
Le gouvernement a mis un bouclier énergétique et présenté un plan pour aider les entreprises…
On est dans une logique de très court terme. Le gouvernement gagne du temps. Principalement parce qu’il doit gérer la déficience dont il est responsable. Il met en place une politique d’austérité pour cacher l’échec de sa politique énergétique. Nous ne serions pas confrontés à ces problèmes si nous n’avions pas arrêté Fessenheim et abandonné l’industrie nucléaire française. Au lieu de baisser la TVA sur l’énergie et de sortir du marché européen de l’électricité, les mesures proposées par Emmanuel Macron sont un chèque extrêmement coûteux pour le contribuable. Il faudra rembourser ces coûts un jour ou l’autre alors que les Français ont déjà payé 100 000 milliards d’impôts au fil des décennies grâce à leurs investissements dans le nucléaire pour devenir énergétiquement indépendants. Nous avions un avantage sur nos voisins et nous avons perdu. Pire : nous payons la dépendance énergétique de nos voisins vis-à-vis du marché européen de l’électricité…
Ces derniers jours, les actions des militants écologistes se sont multipliées pour alerter sur ce qu’ils croient être l’incompétence climatique du gouvernement. Comment voyez-vous ce phénomène ?
En général, comme le dit Bossuet, ce sont des groupes qui « déplorent les effets qui se soucient des causes ». Ce sont eux qui nous ont bloqués en nous appelant à voter pour Emmanuel Macron et dénoncent aujourd’hui sa politique. Il y a une réalité que l’extrême gauche ne veut pas voir, c’est que la moitié des émissions de gaz à effet de serre de la France sont liées à nos importations, selon le Haut conseil pour le climat. Si nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre, la vraie solution est le patriotisme économique, la relocalisation d’une partie de notre industrie. Le localisme, c’est ce que défend Marine Le Pen. Au fond, ces actions sont assez pathétiques, surtout lorsqu’il s’agit de jeter de la soupe aux plus belles œuvres du patrimoine. Ces militants défilent et font du théâtre.
Sont-ils des éco-terroristes, comme les appelle Gérald Darmanin ?
C’est un peu fort. Je préfère l’appeler éco-dingo.
Un élu doit-il se rendre à une manifestation interdite comme cela s’est produit à Sainte-Solin le week-end dernier ?
non Surtout pas un député qui vote la loi. Si celui qui accepte la loi ne la respecte pas, qui la respectera ? Nous avons le devoir de montrer l’exemple.
Marine Le Pen prône le localisme depuis 2017, mais son discours n’est pas imprimé. Comment expliquer?
Quoi qu’il en soit, nous continuons à le dire. Un message important est que le patriotisme économique, qui vise à déplacer la production, la consommation et le recyclage, est bénéfique pour l’emploi et l’environnement. Il faut opter pour l’énergie nucléaire, c’est l’énergie décarbonée qui produit le plus d’électricité. Les écologistes nous ont fait perdre du temps dans la lutte contre le réchauffement climatique parce qu’ils ont sacrifié l’industrie nucléaire. Et aujourd’hui, nous sommes contraints de rouvrir des centrales au charbon, comme à Saint-Avold, pour sauver la sécurité d’approvisionnement électrique du pays. Sans aucun doute, le programme de Marine Le Pen est le plus vert de tous.
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Quels sont les défis du président du Rassemblement national Jordan Bardella ?
C’est historique pour deux raisons : le RN n’a jamais été aussi fort dans l’opinion publique et les institutions et nous aurons un nouveau président qui ne sera pas Le Pen. J’ai soutenu Jordan Bardella parce que je l’ai vu à l’œuvre : il a réussi à lancer le parti pour la présidentielle, il est digne et compétent, il nous rend fiers de nos idées et d’être RN. Il forme une véritable paire complémentaire avec Marine. Il est un militant omniprésent dans les médias et sur le terrain, tandis que Marin gagne en stature à la tête du groupe parlementaire et souhaite le rejoindre alors qu’il vise à diriger le pays en 2027. Cet alliage nous a permis de battre les Européens. En 2019, augmenter notre score présidentiel et avoir 89 députés aux législatives. Cette complémentarité ne demande qu’à être poursuivie.
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Marine Le Pen reste dominante…
Marine est évidemment un leader naturel du RN, mais Jordan Bardella aussi ! Il est tout à fait capable d’agir et Marine Le Pen ne manque pas de discuter avec lui avant de prendre des décisions : la clé reste la complémentarité. Les députés du RN ne prendront aucune décision majeure sans consulter le président du mouvement. Jordan est profondément un « Mariner » et nous le sommes tous aussi. L’enjeu est de professionnaliser et de crédibiliser, tous ensemble, pour que Marine gagne en 2027.
Eric Zemmour est-il encore un caillou dans la chaussure du RN ?
Les Français ont décidé en votant. Sa stratégie a montré ses limites : il a reproché à Marine Le Pen de ne pas avoir pris assez de temps et de ne pas avoir réussi, mais cette dernière année a montré le contraire. Nous étions au second tour des élections présidentielles, plus de 2017, nous avons 89 députés et nous sommes le parti préféré des Français. Aujourd’hui, tout opposant à Emmanuel Macron, s’il n’est pas de la gauche islamique, sera derrière nous.