C’est un phénomène qui ne touche guère un territoire rural en déclin comme la Creuse. Sans toutefois l’épargner complètement. Comme le montrent les vues aériennes, les prairies ou forêts creusoises ont été « grignotées » par l’artificialisation des sols, entre l’après-guerre et la fin du siècle dernier.

Si les agglomérations de Guérète et de Sostraniennes ont été principalement marquées par cette dynamique, de nombreuses villes se sont également développées, notamment grâce au développement de projets de logements. Mais ce mouvement s’est maintenant calmé. « Seuls 69 ha ont été artificiellement artificialisés par an en Creuse entre 2009 et 2020. Cela en fait le sixième département à avoir consommé moins de 1 000 hectares sur cette période », observe Pierre Schwartz, chef de la direction départementale des territoires (DDT) de la Creuse.

“Zéro artificialisation nette” d’ici 2050

Pourtant, ici comme ailleurs en France, le principe du « zéro net artificialisation » commence à s’appliquer. Cette disposition de la loi climat et résilience 2021 prévoit de diviser par deux la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers d’ici 2031 par rapport à 2011-2020. Et l’arrêter en 2050.

Une règle qui s’impose aux communes et intercommunalités de la Creuse dans la mise en œuvre de leurs politiques foncières et dans la production de leurs documents urbains. Cela laisse les élus perplexes. « Le principe du zéro artificialisation part d’un bon ressenti. Je comprends qu’il faut faire attention à l’étalement urbain dans les zones fortement urbanisées.

2,4 %. C’est le taux d’évolution des zones urbanisées en Creuse, entre 2015 et 2020. Cela place le territoire dans la moyenne des départements de la Nouvelle-Aquitaine, derrière la Gironde (2,9 %) mais devant la Vienne (1,5 %) ou la Charente (1,8 %). %). Source : Observatoire des espaces naturels, agricoles, forestiers et urbains de Nouvelle-Aquitaine.

Des élus inquiets pour l’attractivité du département

Mais en Creuse nous avons de la place. Et si nous voulons que notre département gagne en vitalité, cela ne peut se faire sans urbanisation », observe Franck Réjaud, maire de Sainte-Feyre. La commune, qui est en train de revoir son Plan Local d’Urbanisme, a cependant intégré les principes de la Loi Climat dans ce document. « Jusqu’alors, nous disposions d’environ 100 hectares de terrains constructibles. Dans le PLU révisé qui s’appliquera en 2023, nous n’en aurons qu’une vingtaine. C’est une réduction drastique », déplore l’édile.

Un point de vue partagé par Philippe Bayol, président de l’Association des maires et adjoints de la Creuse et maire de Saint-Vaury. « Contrairement aux métropoles, nous ne consommons pas beaucoup d’espace naturel. Nous essayons d’appliquer les principes de la loi. Mais il faut aussi expliquer aux gens pourquoi leur terrain n’est plus constructible. « . »

Le secteur du Cher du Prat, à Guéret, entre 1960 et 2020. Crédit : IGN / Geoporttail

Favoriser la densification 

Des propos dont les services de l’Etat disent avoir connaissance. « L’enjeu en Creuse est d’accueillir de nouvelles populations et activités économiques. Cela ne se produit pas seulement par l’artificialisation. Cela pose aussi la question du renouvellement », souligne Pierre Schwartz, pour DDT.

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« Cela passe aussi par une réflexion sur la taille des lots, notamment dans le cadre de la construction de lotissements, par la mobilisation de « dents creuses » coincées entre plusieurs lots ou terrains anthropisés mais inutilisés », commente à son tour Pierre Bontemps . de la Direction de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction Durable de la DDT.

Pierre Schwartz souligne également que « seulement 18% du territoire dispose de documents d’urbanisme opérationnels ». Et qu’en l’absence de tels documents, le Règlement national d’urbanisme (RNU) s’impose aux communes, suivant une doctrine locale de constructibilité limitée », poursuit le directeur de la DDT. Alors que « PLU et PLUI (Plan Local Intercommunal d’Urbanisme N.D.LR.) permettent de définir des conditions plus favorables pour accueillir de nouvelles populations », ajoute-t-il.

Une menace pour le développement économique ?

« Nous n’attendons pas de l’État qu’il préserve nos sols », déclare Étienne Lejeune, maire de La Souterraine et président de la Communauté de communes du Pays sostranien. Nous avons réduit nos surfaces constructibles de plus de 30% dans notre PLUI qui est le premier document d’urbanisme de ce type dans le département. On redéfinit la friche urbaine et il ne s’agit plus de construire des cités avec 1 500 m² de jardins. »

Le maire de la deuxième commune de Creuse s’inquiète surtout de l’impact potentiel du « zéro artificialisation » sur l’économie locale. Il commente : « Après avoir souffert, l’industrie revient à La Souterraine, assure l’élu, citant la création récente du maroquinier Rioland. Je ne voudrais pas qu’une décision prise dans un bureau à Paris entrave le développement de notre territoire ».

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Christian Arvis (FDSEA) : « Construire pour le métier, oui. Faire un terrain vague, non »

Christian Arvis, secrétaire général de la FDSEA de Creuse. Photo : Floris Bressy

La consommation d’espace au profit de l’habitat ou de l’industrie, au détriment des activités agricoles, est l’un des métiers de la profession. Le responsable du premier syndicat de la Creuse nuance toutefois sa démarche.

« Ce qui est artificiel, en général, c’est la bonne terre. Pas des collines rocheuses ou des bas-fonds », précise Christian Arvis avec ironie. Le président de la FDSEA 23 est bien conscient de ce dossier pour lequel le principal syndicat de France (et de la Creuse) se bat.

Construire de l’emploi, oui. Faire une friche, non

Mais l’agriculteur de la Creuse se rassure : « Notre département n’est pas le plus inquiet. On n’est pas à la hauteur de ce qui se passe dans des villes comme la Haute-Vienne… »

Dès lors, sa position est plus modérée qu’ailleurs en France : « Nous ne sommes pas systématiquement opposés à la confiscation des terres. Comment peut-on s’opposer à la création d’une entreprise qui créera des emplois et maintiendra l’économie en marche? « .

Avant d’avertir toutefois : « Ce qui est malheureux, c’est qu’on demande aux agriculteurs de se retirer puis de laisser des terres en attente pendant des années et de les transformer en friche… »

Associer la profession à l’élaboration des plans

Cela peut arriver dans le cas de réserves foncières créées par les collectivités, sans que celles-ci n’y mettent des agriculteurs, qui peuvent, en les louant, continuer à travailler la terre.

Pour éviter ce gaspillage, le président de la FDSEA 23 ne peut que prêcher pour sa paroisse : la profession doit être consultée le plus souvent possible dans le processus décisionnel, notamment dans l’élaboration des documents urbains.

François Delotte et Floris Bressy