Le doublement de l’intérêt légal prononcé contre un assureur négligent est une sanction qui lui est personnelle. Elle ne peut donc pas être mise à la charge de l’assureur qui est tenu au règlement définitif de la dette au moyen d’un recours subrogatoire.
Le 11 avril 1987, une enfant est blessée dans un accident de la circulation en France, alors qu’elle n’a que onze mois. La collision s’est produite entre les véhicules conduits par le père d’une part et par un ressortissant espagnol d’autre part, qui était assuré dans la compagnie Ercos, dont les droits appartiennent à la compagnie Liberty Seguros. Un tribunal pénal a déclaré le conducteur espagnol entièrement responsable des conséquences de l’accident. GMF est intervenue en assurance responsabilité civile pour le père de la victime.
Par jugement du 2 décembre 1993, la Cour de cassation de Perpignan a condamné la société Ercos, la centrale de France (BCF) et la société GMF à indemniser intégralement le préjudice causé à la jeune fille et à ses parents.
S’en est suivi une longue série d’ordonnances, de décisions de justice et d’expertises médicales, nécessaires à l’indemnisation de la victime, au nom du droit à réparation intégrale. S’il apparaît que la victime, malgré la tétraplégie, a poursuivi une scolarité normale, obtenu son baccalauréat sans accuser de retard scolaire puis entamé un cursus universitaire en psychologie, le bilan des différentes lésions a été long et répété (surtout suite à l’ensemble de consolidation en 2003). La procédure a été animée, pendant plus de trente ans, par plusieurs sujets (dont les notions de blessure à l’établissement, d’agrément et de sexualité ou encore la valorisation du nombre d’heures d’assistance d’une tierce personne) et a connu de nombreux rebondissements (dont l’invocation du manager d’un défaut de notification d’un acte de procédure avant octobre 2009 pour faire appel en 2010 d’un jugement de 1993).
Les magistrats ont été chargés de déterminer les points de départ et d’arrivée du doublement des intérêts légaux imputés aux assureurs et BCF, en raison de leur retard dans la procédure d’offre d’indemnisation. Après le dépôt de l’expertise médicale, la cour d’appel de Montpellier, par un arrêt du 23 mars 2010, a fait droit à la demande de la partie lésée au doublement de l’intérêt légal et a condamné la société Liberty Seguros et BCF in solidum au titre de la période du 14 avril 2007 à la date de la décision et GMF seule pour la période précédente du 8 décembre 2003 au 13 avril 2007. Les juges ont également déterminé le fondement des intérêts précités, avant qu’une nouvelle question ne se pose : l’assureur, qui a avancé des sommes aux personnes lésées et retourné contre un autre assureur tenu sur la dette, se faire rembourser le double intérêt légal auquel il avait été condamné ?
Dans cette affaire, la société GMF, qui est intervenue dans les droits de la victime, a assigné la société Liberty Seguros et BCF pour récupérer les sommes qu’elle avait avancées, y compris les intérêts au double du taux légal. Pour rappel, le Bureau central français (BCF) est une association régie par la loi du 1er juillet 1901, à laquelle toute compagnie d’assurance exerçant en France en responsabilité civile automobile est tenue d’adhérer. Créée en 1951 dans le cadre du système de la « carte verte », la BCF facilite le trafic automobile international et le règlement des sinistres qui en découlent en se portant garant de l’indemnisation des victimes d’accidents causés en France par des véhicules étrangers ou causés à l’étranger par des véhicules français. La survenance d’un accident avec un chauffeur espagnol explique la présence de BCF tout au long de la procédure. La cour d’appel (Paris, 2 mars 2021) s’est appuyée sur un précédent arrêt rendu le 4 novembre 2014 par la cour d’appel de Montpellier, qui, en infirmant un arrêt de 1993, avait cassé le plafond de la peine qui avait été augmenté : il a été déterminé que Liberty Seguros et BCF ont eu lieu à …