Dans un fil conducteur, au milieu de la polémique sur les OQTF nées de l’affaire Lola et entre deux bateaux de migrants perdus en mer, le gouvernement tente un numéro d’équilibriste pour faire avancer son projet de loi sur l’immigration. En témoigne une ressource clé : le titre de séjour de « travail en tension », visant à stopper « l’hypocrisie » des travailleurs illégaux, sans créer d' »appel à l’air migrant ».

La proposition de créer ce nouveau titre de séjour, vraisemblablement pour répondre au manque de travail dans certains métiers, fera l’objet de consultations « à partir de novembre », a expliqué jeudi le ministre du Travail Olivier Dussopt, sur France info. Celle-ci comprendra une révision « pour début 2023 » de la liste des métiers en tension, créée en 2008 et mise à jour une seule fois, en 2021. Ce que « nous proposons, c’est de stopper une forme d’hypocrisie » et de permettre aux travailleurs immigrés « d’obtenir un logement ». permis dans ce cadre », a poursuivi le ministre du Travail.

« Une partie de notre économie tourne grâce à l’immigration »

La mesure correspond aussi à une logique comptable, s’est défendu le ministre des Comptes publics et du Budget Gabriel Attal, à propos d’Europe1 : « Nos finances publiques perdent entre 5 et 6 milliards d’euros à cause du travail caché » qui concerne, « une grande partie » des « étrangers qui ne sont pas déclarés par les entreprises ».

Mais à droite et à l’extrême droite, le tollé a été immédiat, la patronne des députés RN Marine Le Pen jugeant par exemple que ce projet comporte des risques de « dégradation des filières d’immigration illégale ». Eric Ciotti, candidat LR à la présidentielle, y a vu « un message extraordinairement dangereux car il faut de l’air à l’immigration ».

Il s’agit plutôt « d’une bouffée d’air frais », a déclaré Gabriel Attal, car « une partie de notre économie aujourd’hui fonctionne sur l’immigration ». En tout cas, « cela concerne entre quelques milliers et quelques dizaines de milliers de personnes », a également modéré Olivier Dussopt. « Il n’y a pas de plan caché d’assimilation ou de régulation de masse », a déclaré à BFMTV le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

À Lire  L'ancien évêque de Créteil sanctionné par Rome pour voyeurisme sur adultes

Gérald Darmanin veut expulser les étrangers délinquants

« C’est vraiment ce qu’il faut faire, (faire) attention qu’il n’y ait pas de schéma directeur », a également réagi auprès de CNews le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Ce dernier a dans le même temps défendu l’aspect répressif des mesures, qui constitue l’essentiel du projet de loi, prévoyant notamment une révision du régime d’asile au service de l’efficacité des expulsions, après la polémique sur le meurtre de la jeune Lola, dont l’auteur présumé est soumis à l’OQTF (obligation de quitter le territoire français).

« Bien sûr qu’il y a encore des (criminels étrangers) sur le territoire, je me bats pour l’abolition des protections législatives qui m’empêchent de les expulser », a-t-il dit, évoquant le cas des personnes arrivées en France avant l’âge de 13. Le système d’inscription des personnes menacées d’expulsion au fichier des personnes recherchées (FPR), proposé par Gérald Darmanin, « permettra de détecter lors de tout contrôle (…) la présence d’une OQTF à exécuter », confie son entourage, expliquant que le FPR compte 240.000 OQTF cumulées mais est « dépassé ».

« Cette composante répressive fait des promesses xénophobes à la droite et à l’extrême droite », a déclaré Jean-Albert Guidou, spécialiste de l’immigration à la CGT. « Des mesures essentiellement répressives qui vont réduire les droits des étrangers, très loin de l’équilibre annoncé », a également dénoncé la directrice générale de l’association France Terre d’Asile, Delphine Rouilleault. Elle dénonce aussi un « paradoxe » concernant le test de langue prévu dans la réforme : là où Gérald Darmanin se vante d’une « grande révolution », elle regrette qu’apprendre le français « dès qu’on arrive sur le territoire » ne soit pas toujours inattendu.