UN LIVRE SOUS L’ARBRE (4/8) – Le journaliste savoyard signe Une Histoire des Stations de Sports d’Hiver, un livre savoureux, écrit à la plume prudente et illustré d’images rares, pour raconter comment ces villages deviennent des stations.

C’est un beau livre au petit format, que les enfants des baby-boomers ont l’impression de feuilleter comme un album de famille, avec en tête les souvenirs heureux des premières « vacances au ski ». Au recto une photo en noir et blanc prise dans les années 1960. Deux agriculteurs, tout sourire dans leurs bérets, assis dans un œuf qui pend à un câble au-dessus des champs enneigés, qui les emmène au sommet. Tout est là : dans les visages rayonnants. Et dans ce rose fluo que l’on portait sur les pistes dans les années 1980, qui illumine le titre : Une histoire des stations de sports d’hiver (1). Un livre de montagne dont l’éditeur, Glénat, est isérois (le siège du musée est à Grenoble) et dont l’auteur, Guillaume Desmurs, est savoyard, originaire des Menuires. Cet ouvrage savoureux, écrit d’une plume vive et illustré d’images rares, méconnues, oubliées, raconte des villages épiques, en France et à l’étranger, dont le destin a été changé par le ski alpin. Des destinations qui, à la faveur du réchauffement climatique et de la crise énergétique, doivent désormais se réinventer.

LE FIGARO. – Pourquoi ce livre ?

Guillaume Desmurs. – Les sites de sports d’hiver sont dans une période cruciale, de transition et donc de turbulences. Mais la plupart d’entre eux n’ont pas encore commencé leur transformation. Ce qui est fait est dans la marge, c’est du plaisir, de la décoration. Seul Métabief dans le Jura a pris la décision d’arrêter le ski en 2035. La question centrale est l’immobilier, qui guide toutes les décisions d’aménagement. Le ski c’est peut-être voué à l’échec, mais c’est quand même rentable, alors on continue, on fait ce qu’on sait. Ce livre est un outil pour comprendre ce qui empêche les gares de s’adapter. On ne peut pas comprendre le présent ni se projeter si on ne connaît pas le passé, la construction, avec quels biais, quelles dynamiques, quels acteurs.

Vous êtes skieur, avez grandi aux Menuires. Votre « station mère » est-elle celle que vous recommandez ou quelqu’un d’autre l’a-t-elle détrônée ?

Les Menuires, Val Thorens, Saint-Martin-de-Belleville. Plus je vieillis, plus je les aime. Ma mère avait ouvert le tout premier centre de presse à Val Thorens. J’aime l’esprit là-haut, nous sommes les meilleurs ! Et puis il y a comme un contrat social entre le domaine et la commune de Vallée des Belleville, ce qui veut dire que tout le monde a travaillé dans le même sens. Aujourd’hui j’habite à Annecy. Et quand l’autre jour mon fils de 20 ans a voulu skier dans les 3 vallées et déjeuner dans un restaurant d’altitude, j’ai été surprise. Vivre ailleurs m’a permis de réaliser cette opportunité extraordinaire de passer d’une vallée à l’autre dans ce vaste domaine naturellement connecté où la vue change au gré des déplacements.

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Retrouvez les autres épisodes de la série « Un livre sous l’arbre »

EPISODE 1 – Marie Couderc et Nil Hoppenot : « A pied, chaque mètre fait partie du trajet »

EPISODE 2 – Lucie Azema : « Le thé a à la fois une notion d’aventure et de violence »

ÉPISODE 3 – François Sarano : « Je n’ai jamais eu peur de nager avec les requins »

Vous écrivez que Zermatt est la station « parfaite » et La Grave la station « ultime ». Pourriez-vous être plus précis?

Ce sont des choix subjectifs. Zermatt, c’est le cliché de la station avec un village vierge, une ambiance suisse, un domaine incroyable. C’est la perfection fantasmée. La Grave se résume à une seule télécabine qui vous emmène au sommet. C’est le rêve d’un skieur.

« Le vol à voile est un rêve », dites-vous. Pourquoi ?

C’est d’abord un jeu. Un jeu déséquilibré et maîtrisé dont vous avez constamment besoin pour vous lancer. Alors, parce que la glisse, le ski, incarne la vitesse, valeur cardinale du 20e siècle. Les années 1910, 20, 30 ont donné naissance à la modernité, avec la fixation du talon, qui a été l’une des grandes transformations, décisives pour le ski français. Mais cette modernité s’est structurée à une époque où l’énergie était disponible, bon marché, illimitée. Nous sommes à court. Comment progresserons-nous demain sans neige ?

Vous soulignez également que le ski d’été, sur les glaciers, l’était. Êtes-vous pessimiste quant à l’avenir ?

Rien! La couverture de mon livre, avec ces deux drôles d’agriculteurs, raconte que dans les années 1960, ces montagnards, vivant de l’agro-pastoralisme, se sont lancés dans l’inconnu avec beaucoup de courage et de modestie. Les stations peuvent fermer en raison du manque de clients. Sans neige artificielle, pas de ski. Les habitants des vallées ont des ressources, des idées. La transition ne va pas assez vite, assez loin, mais elle a commencé. Soyons optimistes !

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(1) Une brève histoire des sports d’hiver, Guillaume Desmurs, Livre Belle Montagne, 192 pages, 25,95 euros.