Deux années de suite, en 2002 et 2003, le village de L’Ardoise subit des inondations. La première fois était due au ruissellement, la seconde au débordement du Rhône. Pour tenter de réduire le risque et de limiter les dégâts dans le premier scénario, une nouvelle étude a été menée conjointement par le syndicat mixte ABCèze et le bureau d’études AquaGéoSphère. Les conclusions ont été présentées mercredi soir, lors d’une réunion publique, et ont suscité un certain mécontentement parmi les habitants.

Ce n’est pas la première étude réalisée sur ce sujet dans la ville de L’Ardoise. Un projet de bassin de rétention est prévu depuis plusieurs années pour capter les eaux de ruissellement et les empêcher de pénétrer dans les habitations. Mais cette nouvelle étude a la particularité d’être une ACA (Analyse Coût/Bénéfice). A l’issue des analyses, si un projet a une performance positive, alors il peut être inscrit au PAPI III (programme d’action pour la prévention des inondations) et prétendre à des subventions. Car construire un bassin de couverture ou autre équipement coûte cher et seule une commune a du mal à le payer avec son budget. Le bureau de projet a donc réexaminé, selon cette méthode ACB, les projets antérieurs pour mesurer si leur « performance » était suffisante (combinant plusieurs données comme le nombre de personnes protégées par rapport au coût du projet).

Le premier scénario date de 2006 avec un bassin versant de 106 000 m3 et deux fosses de captage capables de protéger la grande majorité des habitants, même en cas de crue centennale. Coût de l’opération : 14 millions d’euros selon le bureau d’études. Trop cher par rapport au montant des dégâts qui pourraient être évités en cas d’inondation. Le projet n’est donc pas « effectif » sur un horizon de 50 ans, comme l’exigent les critères de l’État, et n’est donc pas éligible au financement. Le deuxième scénario formulé en 2019 revoit les dimensions à la baisse avec un bassin de couverture de 35 000 m3, ce qui correspond à l’absorption d’une crue décennale. Il coûterait 2 millions d’euros mais son efficacité est très faible. Toujours pas de « performance ».

« Réaliser des protections au niveau que l’on veut, c’est hors-de-prix »

Le chantier a imaginé un troisième projet intermédiaire, capable de se prémunir contre une crue trentenaire avec deux bassins qui absorberont 78 000 m3, pour un coût de 4 millions d’euros. L’efficacité requise n’est pas encore atteinte et donc « faire des protections au niveau que l’on souhaite est hors de prix », en déduit Yves Cazorla, le maire. Que faire alors ? Pierre-Émile Van Laere, directeur du bureau d’études, a ensuite évoqué l’assainissement des parkings pour permettre une meilleure infiltration de l’eau dans le sol et surtout réduire la vulnérabilité des bâtiments. Cela nécessite l’installation de batardeaux, qui protègent jusqu’à 80 cm d’eau. Le coût total est estimé à 500 000 €.

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Le diagnostic avant installation dans l’appartement est gratuit et les occupants peuvent toucher jusqu’à 80 % de subventions sur les travaux, sans condition de revenus (même s’ils doivent avancer tous les frais pouvant constituer un frein, ndlr). « Ces mesures sont imposées par le PPRI (Plan de prévention des inondations) : tout propriétaire en zone de danger élevé ou modéré a l’obligation de les mettre en œuvre dans un délai de 5 ans. Passé ce délai, ce sera de la responsabilité de chacun », précise Laury Sohier, directrice de ABCèze.

Dans la salle, l’annonce n’est pas très bien accueillie. Pour les entreprises, un diagnostic spécifique doit être réalisé. « C’est encore aux entreprises de dépenser de l’argent. Si ça continue, elles vont quitter la région de l’Ardoise », grogne Jean-Marc Rouméas, PDG du groupe du même nom. Thierry Vezinet, directeur de la société Fouré-Lagadec à L’Ardoise et président de l’association Port l’Ardoise, rebondit : « Pour les entreprises qui n’ont pas de ressources, quelles sont les conséquences ? S’il y a une inondation, l’assurance paiera-t-elle? L’entrepreneur en témoigne, il avait déjà connaissance de contrats d’assurance rompus du fait d’un emplacement en zone inondable. « Les compagnies d’assurance pourraient appliquer des majorations dans des situations où elles ne sont pas envisagées », admet le directeur de l’ABCèze.

Habitants et chefs d’entreprises mécontents

Jean-Marc Rouméas, qui s’est intéressé au problème il y a quelques années avec le directeur des services techniques de l’époque, précise : « Pourquoi ne pas faire des contre-pentes, des micro bassins qui retiennent l’eau ? Vous devez le garder au sol pour qu’il pénètre dans la nappe phréatique. Il faut changer de méthodologie. L’Ardoise prend toute l’eau de Laudun. Un riverain propose également de réaliser la seconde phase des travaux d’assainissement pluvial de L’Ardoise. Quant à Thierry Vezinet, il tonne : « Quand on parle de sécurité, la protection collective doit dépasser la protection individuelle. Là, on est obligé et en plus, on paie. » Ce à quoi Patrick Scorsone, conseiller départemental et directeur de Techni’Mat, ajoute : « Pensez-vous vraiment que toute personne en état de stress, avant la montée des eaux, soit capable de monter son batardeau ? Et si elle est absente ou malade ? »

Même s’il n’y a pas eu de victimes à L’Ardoise lors de la crue de 2002, le phénomène a laissé un traumatisme parmi les habitants. Dominique Griotto, président du comité de défense des habitants du petit village de L’Ardoise, était là pour le rappeler : « On parlait beaucoup d’argent mais on oublie le drame humain. (…) Beaucoup de personnes âgées stressées sont décédées au cours de l’année. Un autre habitant de L’Ardoise évoque également le sentiment d’être considéré comme des « gens de seconde zone » par rapport à Laudun. Face à toutes ces réactions, le maire propose d’organiser des groupes de travail et d’apporter des éléments, des documents susceptibles d’alimenter la L’objectif est d’essayer de « trouver un projet acceptable ».

(*) Selon les données fournies dans cette nouvelle étude, la ville de L’Ardoise compte 238 logements à risque de fuite, 89 industries, 18 établissements publics et des parcelles agricoles.