Flottes de véhicules - n'assurez que ce dont vous avez besoin

La télématique et le numérique peinent à convaincre pour maîtriser la dérive des coûts des sinistres dans les flottes automobiles. Assureurs, courtiers et entreprises misent sur des solutions plus traditionnelles.

Avant même la guerre en Ukraine et le retour de l’inflation, l’assurance flotte était en net déséquilibre technique. Christian Danel, responsable flotte, maritime et transport chez MMA, évoque un « déséquilibre structurel, même si 2020 avait permis une amélioration due au Covid ». « Les tensions ne viennent pas de l’augmentation massive des sinistres, mais surtout de l’augmentation des coûts de réparation », renchérit Guillaume Le Cam, responsable du parc automobile chez Bessé. Et pour cause : le benchmark SRA est en hausse de 9,8% sur un an.

Assureurs et courtiers doivent agir, faute de pouvoir « jouer leur rôle », craint Christian Danel. Mais avec quels leviers ? « Les solutions passent avant tout au sein des entreprises », répond-il. De plus en plus de questions se posent : avons-nous besoin d’autant de véhicules ? Faut-il accorder une voiture de société ? « Avant, la voiture de société était légale. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, les salariés n’en demandent plus autant », constate Guillaume Le Cam. Et l’indemnisation des assurances est difficile car plusieurs services d’une entreprise peuvent gérer des flottes  » un service achats cherchera d’abord le prix, alors qu’un service assurances cherchera aussi le service », explique Guillaume Le Cam.

Les chiffres

Les chiffres

Le risk manager d’Idex, entreprise de taille moyenne (environ 2 000 millions d’euros de chiffre d’affaires) spécialisée dans les services énergétiques et acteur de la transition énergétique, Patrick Lacroix assure que « pour maîtriser le budget des assurances, il n’y a pas trente-six solutions ». » Président de la commission automobile Amrae, conseille, pour des flottes de 300 ou 400 véhicules, de privilégier l’auto-assurance. « Il ne serait pas très économique de s’assurer contre tous les risques, car cela vous expose à une indemnisation très importante et à un entraînerait des pertes pour l’assureur. Vous pouvez choisir de ne couvrir aucune garantie ou dommages lorsque le conducteur de votre entreprise est responsable », poursuit Patrick Lacroix. Les indemnisations sont faites en fonction de « l’impact potentiel d’un type de sinistre, tel comme s’il menaçait l’entreprise. Ce n’est pas le cas du bris de glace, que les entreprises peuvent choisir d’assumer. « On peut aussi établir des conventions de conservation des dommages ou des franchises de responsabilité, que le coureur ou l’assureur aura recours au paiement de certains sinistres. Autre alternative, on ne paye pas 100% de la prime, mais 80%, par exemple, et on négocie avec l’assureur qu’à partir d’un certain seuil S/P, on paye un rappel de prime », explique-t-il encore Patrick Lacroix.

Matthieu Carrigue, directeur du service flotte automobile de Verspieren, partage l’analyse de ce risk manager. « Quand on constate qu’une entreprise a la même facture pour bris de glace pendant trois ou quatre années consécutives, à quoi bon la mettre sur l’assurance ? Ce dernier retrouve sa juste valeur en couvrant les sinistres d’intensité (dommages graves indemnisés par la responsabilité pouvant s’élever à 1 million d’euros) au lieu des sinistres de fréquence comme le bris de glace. Concernant ce dernier, Verspieren recommande l’auto-assurance à son client, lui proposant même de la gérer pour le compte du client, les frais de remplacement étant supportés par un fonds de gestion abondé par le client. Un autre avantage de l’auto-assurance est l’économie d’impôt qui peut dépasser 30% sur certaines garanties. Pour le reste, « les leviers de contrôle des coûts sont assez classiques », précise Laurence Lemerle, directrice technique de l’automobile corporate chez Axa France. Et elles sont à peu près les mêmes qu’en assurance des particuliers : orientation vers les garages associés, ou utilisation de pièces de réemploi. « La différence, c’est que l’utilisation de ces documents se discute au moment de la souscription avec les entreprises et au moment de la catastrophe avec les particuliers », précise-t-il.

La prévention est aussi souvent citée par les assureurs et les courtiers comme levier. A ce sujet, la plupart interviennent indirectement. « Nous n’avons pas de spécialistes internes de la prévention, mais des experts qui jouent un rôle de conseil et de recommandation des organismes de prévention. C’est aussi une question de budget. Il serait trop coûteux d’inclure des forfaits de services de prévention dans les contrats d’assurance », explique Matthieu Carrigue.

À Lire  L'Urssaf collecte les cotisations et propose des services aux entreprises

L’électrique fait débat

L’électrique fait débat

L’impact de la montée en puissance des véhicules électriques sur les sinistres, les coûts de réparation et donc les coûts d’assurance fait débat. Chez Axa, Laurence Lemerle estime qu' »il n’y a pas de tendance claire en matière de sinistres véhicules électriques ». De son côté, Christian Danel de MMA estime que l’évolution de la flotte « va créer de nouveaux risques, comme on l’a vu avec les récents incendies de bus électriques ». Mais ces nouveaux risques coûteront-ils plus cher ? « La réalité est que les pièces de carrosserie et la peinture pèsent beaucoup sur la facture. Ce qui aura le plus d’impact à l’avenir, c’est le développement des dispositifs de sécurité et de la conduite autonome qui, combinés, réduiront significativement l’expérience du sinistre », répond Guillaume le Cam de Bessé.

Quant aux outils d’aide à la conduite comme les caméras de recul et les radars qui se développent, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont pas appréciés comme outils de prévention. « Ils apportent du confort au conducteur, mais l’effet pervers est qu’il va s’y habituer et être moins vigilant. Et quand il y a un sinistre et que ces outils sont endommagés, la réparation coûte encore plus cher », observe Patrick Lacroix. Pour lui, le risque routier est plutôt « un axe de gestion »: pour tout accident responsable à 100%, le conducteur doit être convoqué par sa hiérarchie pour un entretien, là où l’événement est « préjudiciable ». Il insiste également sur la formation : « Nous demandons aux agents de prévention de venir dans nos agences pour sensibiliser nos salariés aux risques routiers et à la conduite écologique », poursuit Patrick Lacroix, précisant que les économies générées par la formation ont largement dépassé les coûts.

Encourager la télématique et les véhicules électriques

Encourager la télématique et les véhicules électriques

« Bénéficiez d’une réduction immédiate de votre assurance auto en fonction des émissions de CO² de votre véhicule » : telle est la promesse d’insurtech +Simple, qui ambitionne de se développer sur ce segment en proposant des réductions sur les flottes de véhicules propres. Elle diffusera auprès du courtage une offre conçue par Kooalys, un néo-assureur lancé par l’incubateur interne d’Amiral (maison mère d’Olivier Assurances). « Nous nous concentrons sur les TPE/PME et les petites flottes de deux à vingt véhicules », précise son directeur général Anthony Jouannau. Elle se défend contre toute forme de greenwashing et affirme la volonté de partager des valeurs avec des clients ayant une sensibilité écologique. Un positionnement qui consiste à accorder une remise de 10% aux véhicules électriques.

Autre exemple : celui de Zego, spécialiste britannique de l’insurtech arrivée en France en 2020. « Nous avons lancé une offre d’assurance connectée basée sur l’installation de boitiers télématiques dans les véhicules de nos clients. Nous sommes l’un des rares acteurs du marché à combiner la proposition de valeur de la télématique et celle de l’assurance », explique son directeur général France Julien Carmona. Un couplage qui ne crée pas de « grand frère », mais qui selon lui redonne le pouvoir aux clients : ils peuvent non seulement contrôler leur expérience de sinistre, mais aussi leur comportement au volant afin de réduire les risques et in fine contrôler et réduire les primes.

Enfin, les outils numériques comme la télématique embarquée peinent à percer même si une start-up en a fait son cheval de bataille. « La télématique n’est pas l’axe immédiat. Cela peut causer des problèmes d’acceptation par les employés. On préfère s’en tenir à des schémas plus classiques », précise Laurence Lemerle. Idem pour le paiement au volant : « Ça peut faire partie des options d’assurance flotte, mais ce n’est pas proposé », précise Guillaume Le Cam. Autre exception française, selon François Denis. de Geotab (leader de la télématique) : « contrairement à d’autres pays, la télématique ne semble pas être une priorité pour réduire les primes d’assurance. Cela s’explique principalement par le fait que, grâce aux mutuelles, les primes sont parmi les plus basses d’Europe, il y a moins d’écoute que dans d’autres pays. »